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Des lieux

Willow Bunch, dit Hart Rouge

Nous possédons de bons magasins situés auprès de l'église. Citons le magasin de ferronnerie de M. J. Beaulne qui est très prospère, M. Bennett & fils, M. Beaubien et Hébert. Il y a aussi une pharmacie et un hôpital sous les soins du Dr. Ars. Godin. Mde J.C. Gagné tient un Magasin de Mode très achalandé.

Le Patriote de l'Ouest
le 17 avril 1913
Willow Bunch, avec Duck Lake, est une des plus vieille communauté francophone de la Saskatchewan. Son histoire commence officiellement en 1880, mais c'est au début des années 1870 qu'un groupe de Métis, accompagné d'un jeune traiteur canadien-français du nom de Jean-Louis Légaré, vient s'établir dans la région de la Montagne de Bois. Légaré y fait la traite des fourrures pendant de nombreuses années à la Montagne de Bois et il y fait même la connaissance du grand chef sioux, Sitting Bull, en 1876.

En 1880, Légaré et autres Métis et Canadiens français quittent la Montagne de Bois pour aller s'établir définitivement dans la vallée de Willow Bunch. «La vallée de Willow Bunch présente un aspect tout à fait caractéristique. Elle est étroite, un mille à peine de largeur, mais extrêmenent pittoresque et d'une longueur extraordinaire (200 milles). C'est évidemment le lit d'une rivière depuis longtemps desséchée.»(1)

C'est dans cette vallée que Jean-Louis Légaré vient établir son magasin en 1880. On donne à la région le nom de Talle de Saules. «Le nom de Willow Bunch, qui lui fut donné par les Anglais, est une corruption du nom primitif. Les Métis avaient en effet baptisé cet endroit Talle de Saules ou encore Hart Rouge, à cause de ces arbustes qu'ils y trouvaient en abondance et dont ils se servaient pour fumer. Ils en mettent encore aujourd'hui dans leur tabac.»(2)

Pourquoi Métis et Canadiens français abandonnent-ils leur campement permanent à la Montagne de Bois? En 1879, un feu de prairie avait détruit l'herbe et le foin autour de la Montagne de Bois. Certaines des familles se dirigent alors vers la Montagne de Cyprès et d'autres traversent la frontière américaine pour s'installer le long de la Rivière Blanche aux États-Unis.
«D'autres, au contraire, prirent la direction de l'est et dressèrent leur camp sur le territoire de nos paroisses actuelles de St-Victor et Willow Bunch.»(3)

Avec la disparition du bison, les Métis commencent à songer sérieusement à s'établir définitivement sur des terres et à se lancer dans l'élevage des chevaux et du bétail. De gros ranchs voient le jour dans la région de Willow Bunch. L'établissement de ces ranchs encourage des commerçants à venir s'installer à Willow Bunch.

On attribue toujours à Jean-Louis Légaré l'honneur d'avoir été le premier à s'établir à Willow Bunch, mais cette distinction devrait plutôt être accordée à un Métis nommé André Gaudry. Il s'installe dans la vallée et lors d'un grand banquet chez Légaré à la Montagne de Bois à Noël 1879, il vante les mérites de la vallée avec son foin, son bois et son eau en abondance. Légaré va lui rendre visite l'été suivant et il est tellement impressionné qu'il décide de se construire un magasin et une maison dans la vallée. À Noël 1880, le Père St-Germain vient établir la paroisse de St-Ignace-des-Saules; le 9 janvier 1881, un premier enfant est baptisé, soit Édouard Beaupré.

La première église est construite par le Père St-Germain à quelques kilomètres à l'est de l'emplacement actuel de Willow Bunch, à un endroit qui allait être connu sous le nom de Bonneauville. Trefflé Bonneau, le fils de Pascal Bonneau, père, opérait un magasin près de l'église. Un ancien homesteader de la région, August Dahlman, parle de Willow Bunch Est et Willow Bunch Ouest dans ses mémoires. «Le bureau des terres était dans la maison de M. Lapointe près de Willow Bunch Est, environ deux milles du village rival. Ici était situé les magasins de M. Trefle Bonneau et M. Rafflegy et le bureau des terres avait été déménagé à cet endroit. Plus tard, on découvre que Willow Bunch Ouest est mieux situé et toutes les bâtisses y sont déménagées.»(4) Le magasin de Jean-Louis Légaré est situé à Willow Bunch Ouest.

Déjà à la fin du XIXe siècle on parle de déménager l'église près du magasin de Légaré. Toutefois, le vieux Père St-Germain s'y oppose même si Jean-Louis Légaré a offert de faire un don de 80 acres de terre pour la nouvelle église. En 1905, l'abbé Alphonse Lemieux est nommé curé de la paroisse St-Ignace-des-Saules. Sa première responsabilité est de voir à construire un presbytère et une église. L'année même, l'ancien curé de Cantal fait démolir l'ancienne chapelle à Bonneauville. Le matériel est utilisé dans la construction du presbytère. «L'année suivante, ce fut le tour de l'église. Les entrepreneurs furent Joseph Boucher et Romuald Granger de St-Gabriel-de-Brandon, P.Q. Les ouvriers furent la plupart des Franco-Canadiens qui les premiers prirent des 'homesteads': Philippe Mondor, Arthur Lavallée, Jos. Lauzière, U. Audet, Arcade Bergeron, A. Currat, etc. Napoléon Durant dirigeait les travaux.»(5)

Bien sûr, nombreux autres Canadiens français viennent s'établir à Willow Bunch. Mentionnons en plus de ceux cités plus haut les frères Alfred et Georges Lalonde, M.-A. Noël, les frères Myette, Conrad Légaré, J. Passaplan, Pascal Bonneau, J. Rivière, Z. Desautels, E. Bourke, Siméon Ducharme, A. Rainville, J. Degrand, J. De Larivière, J. Gagné, les frères St-Julien, J. Dufresne, les frères Champagne, P. Bonnay, J. Duperreault et les frères Lapointe.


Jean-Louis Légaré est reconnu comme le fondateur de Willow Bunch, mais bien d'autres Canadiens français viennent s'établir dans la région.

Un de ceux qui vient avant la fin du XIXe siècle est Prudent Lapointe, originaire de St-Jacques de l'Achigan, P.Q. À l'âge de 19 ans, il vient rejoindre son frère Joseph à la Montagne de Bois. «Il quitte Montréal le 27 mars 1883 par le Canadien Pacifique. Cette ligne de chemin de fer n'ayant pas encore été terminée, il doit faire un détour par Chicago et Saint-Paul. Cinq jours plus tard, il arrive à Regina, qui, à ce temps-là, n'était qu'une ville de tentes. Pendant trois mois il travaille comme commis dans le premier magasin de la ville, le magasin de Pascal Bonneau, tandis que celui-ci s'occupe d'arpenter les rues de Regina. Ensuite, Prudent Lapointe va rejoindre son frère Joseph à Talle de Saules. C'est le cinquième Canadien français à s'y établir avec Joseph et Jean-Louis Légaré.»(6) Joseph Lapointe était dans la région depuis 1878.

À Willow Bunch, Prudent Lapointe travaille comme commis au magasin de Jean-Louis Légaré. Au début du XXe siècle, il est nommé agent des terres à Willow Bunch. Dans cette capacité, il tente par tous les moyens d'installer les siens, les Canadiens français, près du village. «Je tenais à former une Bonne Paroisse. Il était assez difficile de le faire car la majorité des immigrants étaient de toutes nations et convoitaient les belles terres que nos Canadiens détiennent aujourd'hui, mais ils n'osaient venir près de l'église et je leur donnait (sic) une poussé (sic) plus au sud...»(7)

Le premier instituteur de Willow Bunch est Joseph Lapointe. C'est en 1886 que la première école ouvre ses portes avec Jean-Louis Légaré, Narcisse Lacerte et Prudent Lapointe comme commissaires d'école.

Un autre des Canadiens français qui vient s'établir à Willow Bunch avant le début du XXe siècle est J. Hébert. «Mentionnons en particulier J. Hébert, qui fut de longues années commis chez J.-L. Légaré et qui occupe aujourd'hui le magasin que ce dernier avait construit.»(8) En 1913, J. Hébert est co-propriétaire du magasin de Légaré avec Amédée Beaubien.

À part Jean-Louis Légaré et Édouard Beaupré, une autre figure légendaire de Willow Bunch est Arsène Godin, médecin. Né à L'Acadie, P.Q. en 1880, il arrive à Willow Bunch en 1907 après avoir fait des études en médecine à Montréal. Arrivée dans l'Ouest canadien, il fonde en 1909 l'hôpital Pasteur de Willow Bunch. «Malgré l'exiguïté relative des locaux, l'ouverture de cet établissement marque un grand pas en avant, car l'hôpital Pasteur est à cette époque le seul de tout le sud-ouest de la province.»(9) Le Dr. Godin s'absente de la région vers 1920 pour aller faire des études chirurgicales à New York et à Paris. À son retour à Willow Bunch, il procède à agrandir et à moderniser l'hôpital Pasteur.

Comme tant d'autres médecins canadiens-français de l'époque, Arsène Godin ne limite pas ses activités à la pratique médicale mais il s'implique coeur et âme dans la vie française de sa communauté d'adoption et de la province.

Il devient, dès sa fondation en 1911, le principal promoteur de la Société Saint-Jean-Baptiste de Willow Bunch. «Le Dr. Godin en est le premier président et le principal promoteur; il s'occupe de la création et de la direction de plusieurs comités de la Société dont le comité musical et le comité de l'A.C.F.C.»(10) Il est pendant de nombreuses années le directeur de la chorale de Willow Bunch. Il organise des rencontres où il prononce des conférences sur une multitude de sujets: géographie, histoire, littérature, arts, etc. Sitting Bull (Le Boeuf-Assis), Robert Cavallier de la Salle, les explorations anglaises en Amérique au XVe et XVIe siècles, les explorations françaises en Amérique au XVIe siècle, les origines de l'Angleterre et les Mormons en Alberta sont seulement quelques-uns des sujets abordés par le Dr. Godin.

Comment réagissaient les gens de Willow Bunch à ces conférences? Perrette, Mme J.-S. Duperreault, écrivait dans le Patriote de l'Ouest: «Ces conférences sont comme une école, dont chacun bénéficie, où s'enseigne agréablement la littérature, l'art, l'histoire, la géographie, l'attachement à la foi, la fierté nationale.»(11) Le professeur de l'école de Willow Bunch, J.-A. Doucet ajoutait: «Les conférences organisées à Willow Bunch fournissent à ces jeunes l'occasion dont ils ont tant besoin; l'exemple du travail, beauté de pouvoir parler, l'occasion de s'exprimer en public.»(12) Même des jeunes sont appelés à prononcer des discours lors de ces rencontres.

L'Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan est une autre oeuvre que le Dr. Godin tient à coeur. Il en est le président pendant six ans de 1915 à 1921.

En 1934, l'hôpital Pasteur est rasé par les flammes. Puisqu'il est impossible de reconstruire à cause de la crise économique, le Dr. Godin se rend à Montréal où il meurt le 27 août 1938.

Références

(1) Rondeau, Rév. Clovis et Chabot, Rév Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1970, p. 103.
(2) Ibid., p. 104.
(3) Ibid., p. 104.
(4) Dahlman, August, «Homesteading in the Willow Bunch District», Saskatchewan History, Saskatoon: Saskatchewan Archives Board, Volume XI,
No 3, Autumn 1958, p. 107. (Traduction)
(5) Rondeau, Rév. Clovis et Chabot, Rév Adrien, Op. cit., p. 164.

(6) Tessier, Lucille, «Une Fransaskoise se raconte», Revue historique, Volume 1, No 2, mars 1991, p. 4.
(7) Ibid., p. 4.
(8) Rondeau, Rév. Clovis et Chabot, Rév. Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1970, p. 140.
(9) Note biographique, Arsène Godin, Programme souvenir du 75e anniversaire de l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, Regina: ACFC, 1987, p. 9.
(10) Ibid. p. 9.
(11) Sources d'archives, Archives de la Saskatchewan, dossier AG430.
(12) Ibid.

Sources

Dahlman, August, «Homesteading in the Willow Bunch District», Saskatchewan History, Saskatoon: Saskatchewan Archives Board, Volume XI, No 3, Autumn 1958.

Rondeau, Rév. Clovis et Chabot, Rév Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1970.

Un bout d'histoire... 69 et 68

Programme souvenir du 75e anniversaire de l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, Regina: ACFC, 1987.

Rondeau, Rév. Clovis et Chabot, Rév. Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1970.

Tessier, Lucille, «Une Fransaskoise se raconte», Revue historique, Volume 1, No. 2, Mars 1991.





 
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