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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Villes étranges

Au sud-est de Val-Marie, dans la vallée de la rivière Frenchman, se trouvent plusieurs villes peuplées d'animaux aujourd'hui rares, les chiens de prairie. Autrefois présent dans l'ensemble des grandes plaines de l'Ouest du continent, le chien de prairie se rencontre à présent rarement hors des réserves créées spécialement pour sa protection aux États-Unis. Les dix colonies ou «villes» de Val-Marie sont situées à la limite septentrionale de son habitat.
Le chien de prairie est un écureuil de taille moyenne, mesurant environ 35 centimètres, y compris une queue noire de sept ou huit centimètres; il peut peser jusqu'à un kilo et demi, quoique la femelle soit plus légère. Son terrier, réseau de galeries, de chambres et de toilettes, est une merveille d'architecture. L'animal creuse tout d'abord un puits vertical d'une dizaine de centimètres de diamètre et d'une profondeur de quatre ou cinq mètres. Une galerie horizontale mesurant entre six et dix mètres débouche sur le puits. La terre rejetée par l'animal forme un monticule autour de l'entrée, protégeant le terrier des inondations. Un nombre plus ou moins grand de chambres s'alignent le long de la galerie horizontale. L'animal creuse parfois aussi un autre puits vertical jusqu'à quelques centimètres de la surface du sol, afin de pouvoir s'y réfugier en cas d'inondation.

Les chiens de prairie creusent leurs terriers à quelque distance les uns des autres et forment ainsi des «villes», comprenant plusieurs «coteries» de trois ou quatre terriers, chacun habité par une femelle, mais où domine un seul mâle. Au printemps, le mâle visite chaque terrier à tour de rôle et il abandonne la femelle peu après l'accouplement, préférant vivre seul dans son terrier le reste de l'année. Après une période de gestation de 36 jours, deux à six chiots naissent dans une chambre spéciale, tapissée d'herbe. Aveugles, nus et pesant à peine une dizaine de grammes à la naissance, les petits grandissent rapidement et, à sept semaines, ils émergent au grand jour pour leur premier repas d'herbe fraîche. Leur mère les abandonne quelques jours plus tard.

Le chien de prairie fait le guet du haut du monticule qui entoure l'entrée de son terrier. Lorsqu'il sent le danger, il se met à aboyer – c'est de là que lui vient son nom de «chien» de prairie – pour avertir ses congénères, qui se bousculent alors dans un ballet comique pour se réfugier dans leur trou. Mais gare à celui qui se trompe de terrier: il en est expulsé sans cérémonie.

Les chiens de prairie formaient, avant la colonisation de l'Ouest, d'importantes colonies; il y aurait eu, selon les dires des naturalistes qui visitèrent la région au siècle dernier, une colonie comprenant plus de 400 millions d'animaux, couvrant une superficie de 60 000 kilomètres carrés. Comment s'explique le déclin du cynomys ludovicianus? C'est qu'il se nourrit en bonne partie d'herbe, dont l'éleveur a besoin pour ses animaux. De plus, afin d'empêcher les prédateurs de s'approcher en se camouflant dans la végétation, le chien de prairie met à nu un grand cercle autour de l'entrée de son terrier. Les ranchers lui ont donc livré une lutte sans merci, en répandant des appâts empoisonnés autour des monticules et en labourant le sol pour obturer l'entrée des terriers.

La destruction des colonies de chiens de prairie a aussi amené la disparition de plusieurs de ses prédateurs, dont le renard véloce et le furet à pattes noires. Celui-ci se faufilait adroitement dans les terriers et les chiens de prairie lui échappaient rarement. Quant au renard véloce, comme son nom l'indique, il comptait surtout sur sa rapidité peu ordinaire pour attraper sa proie avant qu'elle saute dans un terrier. Plusieurs couples de renards véloces ont été mis en liberté il y a quelques années, dans l'espoir d'établir une population sauvage dans le sud de la province, mais les résultats se sont avérés plutôt décevants. On croit généralement que le furet à pattes noires, lui, a disparu pour toujours.





 
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