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Val Marie

Val Marie, petite mission presque ignorée du monde catholique, sise à quatre vingt milles au sud de Swift Current, est âgée seulement de trois ans et demi à peine. Elle compte une cinquantaine de fermiers de langue française, possède son bureau de poste et une école est en voie d'organisation.

Le Patriote de l'Ouest
le 21 août 1913
En mai 1910, l'abbé Claude Passaplan accueillait à Swift Current un groupe de colons de la France. Ces immigrants français allaient former le noyau de la nouvelle paroisse de Val Marie. «C'est sous ce nom que s'ouvre, à l'automne de 1912, le premier bureau de poste tenu par M. Louis Denniel (qui devait garder cette charge pendant trente-quatre années).»(1)

Si la paroisse de Val Marie est fondée seulement en 1910 par l'abbé Passaplan, la région de la rivière Blanche avait accueilli des Indiens, des Métis et des hommes blancs depuis des siècles. «Dans les buttes au nord-est de Hillandale, dans le pâturage de Williamson, on peut voir une grosse roche avec cette inscription: G. LAVALLE JANUARY 15, 1861. Un tas de roches, comme les Indiens utilisaient pour indiquer leurs tombeaux est situé derrière cette roche.»(2)

G. Lavalle était un Métis ou peut-être un traiteur de fourrures. Dans la région de la roche, on peut encore trouver des cercles comme ceux utilisés par les Indiens pour tenir les tipis en place. Grâce au gibier attiré par la rivière Blanche, la région de Val Marie était donc un endroit idéal de traite des fourrures. «La Rivière Blanche traverse d'un bout à l'autre cette charmante localité, en fait l'agrément et la beauté; elle est l'objet des amours de son fondateur qui ne peut vivre loin d'elle.»(3)

Après les Indiens et les traiteurs de fourrures, c'est au tour des ranchers d'envahir le district de Val Marie. Parmi les gros ranchs dans la région mentionnons le Turkey Track, le Circle Diamond Ranch, le T Down Bar Ranch, le HF Ranch et le fameux '76' Ranch. Établi au Wyoming vers 1878, le '76' appartenait à une compagnie d'élevage britannique et américaine, la Powder River Ranch Company. Mais en 1887, la Canadian Agricultural, Coal and Colonization Company obtient une concession de plus de 10 000 acres le long du Canadien Pacifique dans la région de Rush Lake, Swift Current, Gull Lake et Crane Lake dans le sud-ouest du district d'Assiniboia dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle acquiert aussi la marque '76' de la Powder River Ranch Company.

En plus des gros ranchs, il y a aussi plusieurs petites entreprises d'élevage. Parmi les petits éleveurs de bétail, mentionnons les noms de Zotique Clément et Jean-Marie Trottier. Ce dernier était l'ancêtre du célèbre hockeyeur, Brian Trottier. Zotique Clément arrive du Manitoba vers 1910 avec ses fils Philias, Albert, Stanislas et Omer. Jean-Marie Trottier et son neveu Patrick étaient venus du Lac Pelletier quelques années auparavant.

Un autre petit éleveur du début du siècle dans la région de Val Marie est l'auteur et peintre canadien-français, Ernest Dufault, alias Will James. Même si Will James se disait Américain, qu'il était né au Montana, la réalité était tout autre! Ernest Dufault est né le 6 juin 1892 à Saint-Nazaire d'Acton, Québec, dans les Cantons de l'Est au sud de Drummondville. Le fils de Jean Dufault et de Joséphine Baillargeon, Ernest Dufault obtient la permission de ses parents de venir tenter ses chances dans l'Ouest lorsqu'il a seulement quinze ans, en 1907. «Il débarque en Saskatchewan et se débrouille pour apprendre à parler anglais. Il se trouve du travail dans un ranch et change ainsi d'un endroit à l'autre durant un an.»(4) Il prend un homestead dans la région de Val Marie, mais doit éventuellement l'abandonner. Il traverse alors la frontière où il devient rancher, auteur et peintre aux États-Unis sous le nom de Will James.

Les ranchs dans la région existent pendant plusieurs années après l'arrivée des colons en 1910. «Éventuellement les gros ranchs sont dissous et la culture du grain est devenue la principale industrie dans la région.»(5) Plusieurs raisons ont été avancées pour la disparition des ranchs: le gouvernement offrait des homesteads pour dix dollars et la culture céréalière permettait à un plus grand nombre de personnes à gagner leur vie sur un même étendu de terrain.

C'est pour cette raison qu'en 1910, l'abbé Passaplan accueille à Swift Current un nombre impressionnant de familles françaises venues s'établir dans la région de la rivière Blanche.


Nombreux furent les pionniers attirés dans l'Ouest canadien par la promesse de terres gratuites. Pour le frais d'inscription de dix dollars, un homme pouvait obtenir une concession de 160 acres. C'est ainsi qu'un groupe de Français est venu s'établir dans la région de Val Marie au début du siècle. «En mai 1910, l'abbé C. Passaplan, missionnaire colonisateur, recevait à Swift Current un groupe de colons arrivant de France: Louis Denniel, Yves Le Tiec, Léon et François Pinel. Ils lui étaient envoyés par le P. Gravel. Conduis par J.-M. Trottier et l'abbé Passaplan, les arrivants prospectent le sud du district déjà colonisé de Ponteix et décident de prendre leur 'homestead' sur un plateau , à trois ou quatre milles au nord du village actuel de Val Marie.»(61) Bientôt d'autres francophones viennent les rejoindre à Val Marie: Louis et Theodore Rivet du Québec, et le Dr. Valéry, L. Maréchal, H. Lebrun, L. Letourneau et L. Boiron de France.

De Swift Current, les colons voyagent en wagons jusque dans la vallée de la rivière Blanche. «Le train les avait laissés à plusieurs lieues de leur destination. Mais ils s'y rendront en boeufs ou tirés par des chevaux. Par quels chemins? Aucun tracé encore, de routes nationales, il n'est pas question. Eh! bien suivons les sentiers que le bétail a marqué dans ses allées et venues. Les Indiens ont aussi laissé des sillons qui seront utilisés par les nouveaux venus.»(7)

Même s'ils fondent une paroisse dédiée à la sainte Vierge, les colons français de Val Marie n'auront pas de curé résident pour plusieurs années. L'abbé Passaplan est curé de Swift Current et il peut seulement se rendre dire la messe durant les mois d'été. Entre 1915 et 1923, ce sont les abbés Bellair du Lac Pelletier, Royer de Ponteix et Duchaine de Frenchville qui desservent Val Marie. Jusqu'en 1915, la messe est dite dans la maison de Louis Denniel. Ensuite, c'est dans l'école Denniel que les gens se rencontrent pour la messe. Lorsque l'abbé Passaplan revient dans la région en 1925, il dit la messe dans le haut du magasin Dunand.

C'est seulement en 1926 que Mgr Mathieu, archevêque de Regina, nomme un curé résident pour Val Marie. Il s'agit de l'abbé Elzéar Fortier. «Le curé fondateur de notre paroisse fut M. l'abbé Elzéar Fortier. Il arriva au milieu de nous le 12 septembre 1926. Depuis quelque temps les messes étaient célébrées dans la salle de billard ou dans une maison privée. Le premier souci de M. le Curé Fortier fut de construire une salle convenable pour les besoins du culte.»(8)

En 1910, un tracé est arpenté dans la région par le Canadien Northern qui espère construire une ligne de chemin de fer, mais la compagnie doit abandonner son projet à cause de la première guerre mondiale. C'est seulement en 1924 que le Canadien Pacifique construit enfin une ligne jusqu'à Val Marie. Bien sûr, comme dans plusieurs autres communautés francophones de la Saskatchewan, la gare du CPR est située environ quatre milles au sud du premier bureau de poste et de la première école. Puisqu'un nouveau village surgit près de la gare, tout déménagera au village. La première habitation dans le nouveau village est une salle de billard construite par Oscar St-Cyr en 1924. Bientôt, le village de Val Marie compte l'hôtel d'Ovide Nadeau, deux magasins, celui de Dunand et celui de McCelland, un restaurant et deux salles de billard.

Au début, les colons de Val Marie devaient se rendre à Swift Current et ensuite au Lac Pelletier pour leur courrier. Louis Denniel avait ouvert le premier bureau de poste à Val Marie en 1912 environ quatre milles au nord du village actuel. «Il était situé dans une bâtisse de bois construite contre sa maison de tourbe. M. Denniel allait chercher le courrier à Coriander.»(9) Il déménage au village en 1925.

Si en 1913 les colons parlaient de construire une école, ils devraient attendre jusqu'en 1915 avant que le projet ne soit réalisé. «Plusieurs écoles s'ouvrent à Val Marie dès 1915. L'une des plus remarquables est celle nommée Val Marie Rural se situant à quelque cinq milles du village. Monsieur H. Surprenant en fut le premier maître suivi de Monsieur Laforest. Dans les débuts, l'école restait ouverte l'été et se fermait pendant les mois d'hiver, afin que les élèves puissent profiter de la belle saison. Les noms Pinel, Denniel et Nadeau sont restés attachés à cette première école.»(10) L'école Val Marie Rural change de nom en 1925 lorsqu'une nouvelle école est construite dans le village. Elle prend alors de nom Denniel. L'école Denniel, comme tant d'autres petites écoles de campagne, ferme ses portes à la fin des années 1950 lorsque le gouvernement provincial établit les grandes unités scolaires. Seule l'école du village a survécu jusqu'à nos jours.

Références

(1) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955, p. 101.
(2) The Teachers and Pupils of Val Marie High School, Val-Echo, A History of Val Marie, Val Marie (Sk): Val-Echo, 1955, p. 9. (Traduction)
(3) Le Patriote de l'Ouest, 21 août 1913.
(4) Gareau, Laurier, «Ernest Dufault, Alias Will James», La Revue historique, Mai 1992, Volume 2, no 4, p. 5
(5) The Teachers and Pupils of Val Marie High School, Op. cit. p. 15. (Traduction)

(6) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955, p. 101.
(7) The Teachers and Pupils of Val Marie High School, Val-Echo, A History of Val Marie, Val Marie (Sk): Val-Echo, 1955, p. 19.
(8) Ibid., p. 46.
(9) Ibid., p. 27. (Traduction)
(10) Ibid., p. 40..

Sources

Un bout d'histoire... 105 et 106

Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955.

Gareau, Laurier, «Ernest Dufault, Alias Will James», La Revue historique, Mai 1992, Volume 2, Numéro 4.

Le Patriote de l'Ouest, 21 août 1913.

The Teachers and Pupils of Val Marie High School, Val-Echo, A History of Val Marie, Val Marie (Sk): Val-Echo, 1955.





 
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