Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 6 numéro 4

Une institutrice d'école de campagne se raconte - L'histoire de Léa Pelletier, née Gaudet

par Léa Pelletier
Vol. 6 - no 4, avril 1996


Je suis née Léa Gaudet le 21 mai 1916. Je suis la 2e d'une famille de 13 enfants. Je me souviens que nous étions pauvres mais jamais nous n'avons manqué d'amour, de nourriture et de soin.

Mon père, Eugene Gaudet, était originaire de Saint-Jacques de l'Achigan, Québec. Il était venu s'établir à Bellevue en 1894 avec sa famille: son père était Camille Gaudet et sa mère, Marie-Louise Lepage. Ma mère, Laura Rock, venait de Lambert, Minnesota, ÉtatsUnis. Ses parents, Samuel Rock et Malvina Fortier étaient arrivés à Bellevue avec leur famille en 1903.


Papa et maman se sont mariés le 6 février 1910. Comme de grands chrétiens, malgré qu'ils étaient de faible santé, ils ont travaillé et ont enduré toutes sortes de privations afin de nous donner le nécessaire pour que nous passions une carreai jeunesse heureuse. Mauri

Nous vivions sur un carreau de terre, SE-25-44-28-W2, mais le lac Croche en prenait une partie. Nous avions des vaches, des moutons et des cochons et nous avions toujours un grand jardin. La nourriture ne manquait jamais.

Papa est mort le 13 août 1946 à l'âge de 58 ans et maman est morte le 28 mars 1952 à l'âge de 60 ans.

Ma vie de jeune fille a surtout centré autour de l'école. J'ai commencé mes études à l'école Gaudet à l'âge de 5 ans. L'école était située environ un mille à
Eugène Gaudet et Laura Rock
Photo: Léa Pelletier
Eugène Gaudet et Laura Rock, les parent de Léa, en 1939.


l'ouest de chez nous sur le carreau SE-26-4428-W2. De ma première année d'école, je me souviens de m'être endormie dans les bras de la maîtresse. Puisqu'on enseignait seulement jusqu'à la huitième année à l'école Gaudet, je suis allée au couvent des Filles de la Providence à SaintLouis à l'âge de 13 ans pour faire mon secondaire.

Cinq ans plus tard, j'avais mon diplôme du grade 12 et j'entrais à l'école normale à Saskatoon. Le cours durait un an. J'ai ensuite enseigné à l'école Saint-Isidore à Bellevue, à l'école Whiteshore à Biggar et à l'école Shell River à Victoire. C'est là que j'ai rencontré Maurice Pelletier et un an plus tard, on s'est marié.
Village de Bellevue


Nous avons commencé notre vie de couple en déménageant sur un homestead du côté de Shell Lake. On avait surnommé la place «La Vallée des Martyrs». C'est là que notre premier bébé est né, mais il est décédé deux mois plus tard. Je suis donc retourné à l'enseignement, à Debden. Mais à l'automne 1942, les religieuses se sont installées dans ce village et on n'avait plus de place pour moi.

A Debden, nous avions eu un garçon, Gérard. Puis, encore une fois nous déménagions. Cette fois-ci, j'avais décroché une place à l'école Glendale à Hoey. J'y ai enseigné un an et demi et ensuite nous avons acheté des terres à Bellevue, sur la section 26-44-28-W2. Nous sommes restés là dix ans. Mes huit autres enfants sont
Un Groupe d?élèves de l?école gaudet
Photo: Léa Pelletier
Un Groupe d?élèves de l?école gaudet (date de la photo inonnue). Madame Pelletier a commencé l?école vers 1921. L?enseignante aurait été soit Juliana Dallaire ou Marie-Louise Grenier.

nés à Bellevue. Les cinq plus vieux de mes enfants ont donc commencé leurs études dans la même petite école que moi, l'école Gaudet.

C'est au mois de février 1956 que Maurice a été opéré dans l'estomac. Comme il avait du trouble à faire son travail sur la ferme, j'ai décidé de retourner à l'enseignement ce même automne-là. Une place était libre à Victoire. Nous n'avons pas eu le temps d'y penser trop longtemps. Je suis engagée et quatre jours plus tard on partait. Onze personnes, dont un mari malade et la plus jeune, Laura, de quatre ans.

L'école de Victoire était située au centre de la paroisse. Elle avait été construite en 1947. En 1950, une deuxième classe avait été ouverte et les Filles de la Providence avaient accepté la direction de l'école. En 1953, on avait reconnu l'importance d'y ajouter une classe pour le secondaire; la première classe pour les élèves du secondaire était à l'étage supérieur du magasin général. Dès 1954-1955, on avait procédé à l'agrandissement de la vieille école. Petit à petit, aussi, les écoles de campagne (Shell-River, Ormeaux, Bérubé et Pascal) avaient fermer leurs portes et les élèves de langue française se rendaient à l'école de Victoire. Il y avait aussi plusieurs familles métisses de langue anglaise dans la région.
L?école Shell River
Photo: Léa Pelletier
L?école Shell River près de Victoire où Léa Pelletier a enseigné avant son marriage en 1939

C'est la situation que je retrouve à mon arrivée à Victoire en 1956.

Ma première classe est composée des grades 5,6,7 et 8 avec 32 élèves. Que j'ai mis des heures de travail pour préparer mes classes. Quand on parle de huit grades, on parle de huit fois huit sujets: le français et la religion étaient inclus.

Mon sujet préféré était les mathématiques: mes élèves ont toujours bien fait dans ce sujet. Il ne faut pas oublier le français. Dans ce temps-là on écrivait encore les examens de 1'ACFC. L'année que Madeleine Duret et Rose Lalonde étaient au grade six, elles ont rapporté tous les prix provinciaux. C'était possible de le faire, même pour une petite école comme la nôtre.

A l'école de Victoire, on était responsable de nos élèves avant la classe, pendant les récréations et après la classe. Il n'y avait pas de pause-café, ni d'heure libre. On enseignait!
Léa Gaudet et son mari
Photo: Léa Pelletier
Léa Gaudet et son mari, Maurice Pelletier, vers 1950


Heureusement Maurice s'est aussi mis au travail. Il tenait la maison bien propre, lavait le linge et faisait cuire le pain que je boulangeais tôt le matin. Il nous préparait aussi le dîner car nous étions tout près de l'école et nous dînions en famille, grâce à Mère Sainte Mélanie qui était alors principale. Elle gardait les enfants pendant l'heure du dîner pour nous permettre cette heure en famille.

Mes filles ont aussi pris leur part de travail. Le vendredi soir pendant qu'on allait voir la soeur de Maurice, Lucienne, et son mari Henri Labonté, qui vivait à Debden, Estelle faisait des tartes, des gâteaux et des biscuits. Clémence lavait la vaisselle et Carmen faisait le ménage. Ce qui me laissait les samedis libres pour le raccommodage et la couture. Avec 5 filles, il y avait toujours une robe neuve à faire. Les garçons entraient le bois et soignaient les poules. L'été il y avait le jardin à nettoyer, les pois à ramasser et écosser. Leur grosse récompense était un cornet de crème glacée à la fin de la journée. Les enfants passaient beaucoup de temps au lac puisque nous étions près du lac Morin (le lac du Diable).

Le ler juillet 1964, Clémence a été dans un accident d'automobile. Elle se rendait, avec quatre autresjeunes filles de Victoire, au pique-nique de Shellbrook quand leur voiture a été frappé par un train. Trois des filles (Claire et Denise Tremblay et Angèle Beaulac) sont mortes dans l'accident. Clémence et Rose Ladouceur, toutes deux âgées de 16 ans, ont été les seules à survivre
La maison des Pelletier à bellevue
Photo: Léa Pelletier
La maison des Pelletier à bellevue.Photo prise vers 1950.

cet accident mortel. Clémence a passé deux mois et demi à l'hôpital à Saskatoon. Ce fut un été de courses à Saskatoon, mais heureusement elle est revenue en santé.

Petit à petit les enfants ont quitté la maison. C'est à l'été 1973 que Laura, la plus jeune, s'est mariée. Nous étions donc seul dans la grande maison. Souvent il me semblait que je pouvais entendre un éclat de rire, un petit sifflement ou même des petites chicanes.

C'est aussi en juin 1973 que l'école a brûlé. Pour finir l'année scolaire, on est déménagé au couvent. Puis les religieuses ont quitté Victoire. Il me fallait encore deux ans d'enseignement avant de pouvoir prendre ma retraite. La grande unité a donc accepté de déménager une classe portative afin que je puisse finir mes années d'enseignement. C'est avec une vingtaine d'élèves et les grades 1 à 5 que j'ai fini mes deux dernières années. Comme j'étais seule enseignante, je devais être en classe avant 8:30 pour accueillir les élèves qui arrivaient sur l'autobus de Debden et être là jusqu'à 4:30 pour attendre que les élèves partent. C'était deux années de longues journées.

En juin 1976, j'ai donné ma démission. Les gens de Victoire m'ont fait une grande surprise; ils ont organisé un pique-nique dans la cour d'école avec plusieurs de mes anciens élèves. Comme c'était aussi la fête à Maurice, nos enfants étaient tous là.

Le 30 juin, dernier jour de classe, Jules Couture nous a déménagé à Prince Albert. Une autre étape de notre vie finissait.
Léa et ses enfant partent
Photo: Léa Pelletier
Léa et ses enfant partent pour l?école de Victoire un matin d?auomne en 1964.

Quand je suis arrivée à Prince Albert, tout était prêt. Les filles et les brus avaient tout préparé avec une belle rose sur la table. Un autre genre de vie nous attendait. Bientôt on me demandait de corriger la catéchèse par correspondance du diocèse. Ce que j'ai fait pendant cinq ans. Nous sommes devenu membre du club de l'Amitié (les aînés fransaskois de Prince Albert). J ai été nommé secrétaire-trésorière et c'est un travail qu'on ne m'a pas enlevé jusqu'à date. Pendant 20 ans nous avons vécu une vie paisible avec notre famille qui ne cessait de grandir et nos amis.
La maison de Pelletier à Victoire
Photo: Léa Pelletier
La maison de Pelletier à Victoire où la famille a vécu de 1956 à 1976.

En 1989 nous avons fêté nos noces d'or (ce fut une journée mémorable). Mais la vie était trop remplie de bonheur. Le 5 juillet 1994, Maurice est décédé subitement. Il fallait encore se réadapter.

En juillet 1995, j'ai déménagé encore une fois... dans un appartement. Je continue à faire mes cadeaux de Noël pour 70 enfants, petits-enfants et arrière-petitsenfants. Je m'occupe aussi du club d'âge d'or. Le temps passe rapidement.
Maurice et Léa Pelletier et leurs neuf Enfants
Photo: Léa Pelletier
Maurice et Léa Pelletier et leurs neuf Enfants en 1988

Corrrection

Soeur Marie-Ange Roy, des Filles de la Croix à

Saint-Boniface nous écrit: «La Revue historique m'intéresse vivement. La Sask. est la province oùj'ai vécujus qu'à l'âge de 18 ans et, oùj'ai enseigné, après mon noviciat, plus de vingt ans. Puisje vous faire remarquer que dans le dernier numéro, en première page, it y a une erreur 'historique'? Les Filles de la Croi_. 'ontjamais demeuré à Wauchope. Le Couvent Sainte-Anne à Wauchope appartenait aux Soeurs Notre-Dame de la Croix de Murinais.







 
(e0)