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Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 11 numéro 3

Un avocat de St-Gérard, devenu «le magistrat volant du nord», rappelle quelques souvenirs

par Yvon Rousseau
Vol. 11 - no 3, mars 2001
C'est un ancien directeur du journal l'Eau vive, Jean-Louis Fontaine, qui m'a fait parvenir l'article suivant au sujet de maître Joseph-Émile Lussier, un avocat francophone de la première heure à Prince Albert et juge de la Cour provinciale dans le grand nord de la province. Cet article est entré dans ma possession à un moment intéressant puisque l'Association des juristes d'expression française de la Saskatchewan vient de créer en janvier 2001 un prix en hommage à un des collaborateurs de Maître Lussier, l'Honorable W.F.O. Turgeon. Je reproduis donc dans ces pages l'article de journal d'Yvon Rousseau publié dans La Tribune de Sherbrooke PQ. à l'été 1967 et ensuite une courte biographie de l'homme publié par Richard Lapointe dans 100 NOMS.


Sherbrooke - M.J.E. Lussier, un avocat originaire de St-Gérard, qui a fait ses études classiques au Séminaire de Sherbrooke, a été surnommé le «magistrat volant du nord», dans le nord de la Saskatchewan où il a passé la plus grande partie de sa vie.

Pendant les 30 années de sa carrière de magistrat, le juge itinérant Lussier a parcouru plus de 1,250,000 milles en avion.

Aujourd'hui, âgé de 77 ans et à sa retraite, le «magistrat volant» est en visite chez ses deux frères, messieurs Ovila et Léon Lussier demeurant respectivement au 434, Montréal et 351, 7e avenue Nord, à Sherbrooke.

Le juge Lussier a expliqué qu'il est venu faire un «pèlerinage» dans sa chère province de Québec.

Et il a expliqué que l'on ne peut oublier le Québec avec ses paysages si magnifiques, son hospitalité proverbiale, qu'il considère comme une merveille du monde.

C'est avec grand plaisir qu'il a retrouvé le coin King et Wellington, qu'il fréquentait à l'époque où il était étudiant au Séminaire de Sherbrooke, et le New-Sherbrooke, «qui n'a pas changé».

Une vie bien remplie
M. le juge Emile Lussier a raconté qu'il a toujours pratiqué le droit en anglais, puisqu'il était impossible de faire autrement.

Aimant les langues, il a tour à tour étudié l'espagnol, l'allemand, l'italien et les dialectes indiens du territoire qu'il desservait.

En reconnaissance de ses services extraordinaires, les autorités ont décidé de nommer une île du nord de la Saskatchewan en son honneur. Cette île est située sur le même territoire qu'il a si loyalement desservi, en avion, en canot, à bord d'attelages de chiens. Sa vie de juge a été une suite ininterrompue d'aventures.

Sa vie
Le magistrat volant est né à St-Gérard, près de Weedon, endroit qui était alors connu sous le nom de «Lac Weedon'>.

Il a poursuivi ses études classiques pendant quatre ans, au Séminaire St-CharlesBorromée, de Sherbrooke.

Il a quitté Sherbrooke en 1906 pour aller poursuivre ses études ès arts à l'Université Laval de Québec.

Puis ce fut le départ pour la Saskatchewan, où il trouva du travail comme secrétaire particulier de l'hon. W.F.A. Turgeon, alors procureur général de la Saskatchewan. Comme il n'y avait alors pas d'université dans cette province, où il compte au nombre des pionniers, les études de droit devaient se poursuivre dans une étude légale, avec un autre avocat. Me Turgeon est par la suite devenu juge en chef de la Saskatchewan. M. Lussier a passé quatre ans à Régina.

Me Lussier a pratiqué le droit à Rosthern, près de PrinceAlbert, de 1913 à 1919.

Il s'est installé une étude légale à Prince-Albert, en 1919, où il a pratiqué jusqu'à sa nomination comme juge en 1927. D'ailleurs, il a encore sa résidence à Prince-Albert.

Sa vie de juge
C'est le 1er novembre 1927 qu'il a été nommé juge de la Cour du magistrat pour tout le nord de la Saskatchewan. Son territoire à couvrir équivalait à la moitié de la superficie de la Saskatchewan.

Timbre canadien commémorant les avions Norseman
Photo: Société Historique
Timbre canadien commémorant les avions Norseman utilisés dans le Nord.


À partir de ce moment, il siégeait successivement dans un palais de justice d'un grand centre du sud, dans les bureaux d'un petit centre de la police montée, dans l'arrière boutique d'un magasin général ou encore dans une modeste cabane d'Indien. La justice se rendait jusqu'à ces gens plutôt que de forcer ces derniers à se rendre jusqu'à la justice.

Avant d'être nommé juge, Me Lussier, dans sa pratique, de 1912 à 1927, avait plaidé dans 362 causes criminelles devant jurés.

Aujourd'hui à sa retraite, il ne s'est pas encore remis de la perte de son épouse décédée il y a 20 mois. «Nos épouses savaient que nous avions réussi à se rendre à destination seulement à notre retour», dit-il avec une pointe de nostalgie. «Seulement ceux qui ont effectué les mêmes voyages, dans les mêmes conditions, peuvent dire tous les risques et tous les dangers qu'il fallait affronter», dit-il encore. Et il a ajouté que l'on risquait la mort à chacun des voyages.

Monsieur St-Godartd avec ses Chiens
Photo: Université d?ottawa
Monsieur St-Godartd avec ses Chiens, champion, lors des courses de chiens et d?attelage à Prince Albert, le 26 mars 1926.

Le juge itinérant profitait des moments calmes du voyage pour rédiger ses jugements dans son esprit. Il lui arrivait de prendre les manettes de l'avion pour reposer un pilote trop fatigué, mais il n'a jamais demandé son permis de pilote.

Le juge Lussier était bien connu et fort aimé des Indiens, qu'il avait eu la patience d'éduquer aux lois de la civilisation, qu'il conseillait à maintes occasions.

En 1957, le juge Lussier a laissé son poste de juge pour retourner à la pratique du droit, qu'il n'a abandonné que le 1er février 1966.





 
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