Des motsTraqueRécemment, une lettre dans le fond de la boîte à malle prétextait que cette chronique ne devrait pas porter le nom de «Parlure fransaskoise» puisque la plupart des mots et des expressions viennent d'ailleurs. L'auteur a raison lorsqu'il dit que les termes ne sont pas typiquement fransaskois, mais dans l'évolution de toute langue, des mots et des expressions seront empruntés d'autres langages. En deuxième lieu, l'auteur soutient que le Québec a passé par une vague de «joual», le langage de Michel Tremblay, mais qu'aujourd'hui le Québec s'est rétabli et prône un français de meilleure qualité que le joual des années 1960. Il faut mentionner que la fierté culturelle du Québec est enracinée dans le joual de Michel Tremblay et des artistes des années 1960. C'est lorsque ces artistes ont commencé à donner un visage exclusivement québécois à la littérature et à la musique que le peuple québécois a commencé à développer un véritable sens d'appartenance à son pays. Aujourd'hui, ils ont suffisamment confiance en eux-mêmes et ils connaissent la voie à suivre. C'est la raison pour laquelle ils se retournent vers un français plus pur. Les Fransaskois n'ont jamais vécu de révolution culturelle. Le but de cette chronique est de faire valoir qui nous sommes et d'où nous venons. En lisant cette chronique, les Fransaskois pourront peut-être cesser d'avoir honte de leur parler français et commencer «à vivre pleinement leur vie de francophone» si je peux ainsi citer monseigneur Maurice Baudoux. À cette critique dans le fond de la boîte à malle, je peux simplement dire qu'il s'agit bel et bien d'une parlure fransaskoise puisque c'est le langage que nous parlons ici en Saskatchewan, peu importe que les mots et les expressions nous sont venus d'ailleurs. Albert Dubé suggère une expression qui va bien avec la tonalité de cette chronique. Il s'agit d'être à côté d'la track, d'être en erreur, dérailler, divaguer, déraisonner. Track est communément utilisé au Canada français pour parler de la voie ferrée. Il y a plusieurs épellations qu'on peut trouver pour ce terme, comme traque (Bergeron) et trac (Bélisle). Dans le Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld et Darmesteter, édition 1924, on peut lire «Trac – origine incertaine; quoique nous le rapprochons du néerlandais treck action de tirer.» Le mot track a aussi donné naissance à d'autres expressions, comme être sur la bonne track – être sur la bonne voie, perdre la track – perdre le fil, et, être entre deux tracks – hésiter. Ces expressions sont aussi communes en anglais: «lose track» – perdre le fil; «off the track» – en erreur; «on the track» – sur la bonne voie. Les artistes de la scène sont aussi familiers avec un autre sens pour le mot trac. Combien d'entre eux n'ont pas eu le trac avant de monter sur scène. Selon Bélisle, «trac est un n.m. qui veut dire l'angoisse que l'on ressent au moment de parler, d'agir en public, notamment sur une scène théâtrale.» Puisqu'on est un peu à côté d'la traque, restons-y. Albert Dubé soulève l'utilisation courante en Saskatchewan du mot station pour parler de la gare. «Le train n'arrête plus à la station de VIA Rail à Régina.» Toutefois, selon le Petit Robert, il ne s'agirait pas d'une erreur de français. «Station veut dire un endroit aménagé pour l'arrêt des véhicules.» Toujours dans le Petit Robert, on peut lire: «Station de chemin de fer, gare de peu d'importance.» Vu le peu d'importance qu'on accorde au transport ferroviaire au Canada, nous pouvons dire avec assurance que nos gares ne sont que de petites stations de chemin de fer. |
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