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Des histoires

Train Better Farming

La machinerie et les pratiques agricoles dans l'Ouest canadien commencèrent à évoluer à un rythme accéléré dès la fin de la première décennie de notre siècle. C'est à cette époque, par exemple, que la «combine», ou moissonneuse-batteuse, fit son apparition en Saskatchewan. Toutefois, bon nombre d'agriculteurs, malgré leur sens pratique indéniable, connaissaient très peu de choses à la mécanique, comme l'entretien des moteurs à essence, et encore moins à la science agricole moderne, comme l'amélioration du cheptel ou le choix des semences.
Ce qui était pire et risquait de ralentir les progrès de l'agriculture, c'est qu'ils manifestaient trop souvent bien peu d'intérêt envers les récentes découvertes de la science et de la technologie. Le ministère provincial de l'Agriculture s'attacha donc à encourager «l'excellence en agriculture»; c'était son mot d'ordre. Il organisa des concours de labours, de production de lait, de semences et de jardins, il offrit des cours et des conférences sur une foule de questions, il expédia des dépliants sur tous les sujets imaginables. Mais c'était prêcher aux convertis, car seuls ceux qui étaient déjà convaincus de la nécessité d'une modernisation de l'agriculture se donnaient la peine de prendre part aux concours, d'assister aux cours et de faire la demande de dépliants.

Pour rejoindre l'agriculteur moyen, il fallait trouver une astuce: il importait d'attirer toute la famille à un événement divertissant et constituant en lui-même un changement à la routine de la ferme. On imagina alors de faire circuler dans les régions rurales une série de salles mobiles de cours, d'exposition et de cinéma, installées dans des wagons de chemin de fer.

À partir de 1914, le Collège d'Agriculture de l'Université de la Saskatchewan, en collaboration avec les trois grandes compagnies de chemin de fer (le Canadien Pacifique, le Canadien Nord et le Grand Tronc), le ministère de l'Agriculture et, plus tard, le ministère de l'Éducation, organisa des tournées effectuées par un train Better Farming. Le train comportait entre quinze et vingt wagons: à l'été de 1921, par exemple, on accrocha à une locomotive quatre wagons d'animaux de race, un wagon aménagé pour les conférences sur les graminées, un wagon d'exposition des principaux produits des champs, un wagon pour les conférences sur la volaille et la laiterie, un wagon de spécimens de volaille, un wagon équipé d'une «lanterne magique» pour les garçons et les filles, un wagon sur l'économie domestique, un wagon aménagé en garderie d'enfants et quelques autres encore.

Le train se mettait en route à la mi-juin, après les semailles et les premiers labours d'été. Il suivait un embranchement, visitant généralement deux villages voisins au cours d'une même journée; la première séance avait lieu de neuf heures du matin à une heure de l'après-midi, et la seconde de deux heures à six heures, à moins qu'on ait prévu un programme pour la soirée. De toute façon, les wagons étaient éclairés à l'électricité.

Les compagnies de chemin de fer fournissaient gratuitement les wagons, aménagés par le Collège d'Agriculture, qui s'occupait aussi de réunir le personnel. Les frais d'opération étaient couverts par un fonds spécial du gouvernement provincial, une allocation étant votée à chaque année par l'Assemblée en vertu de l'Agricultural Instruction Act.

En juin 1915, le Canadien Pacifique mena le train dans une série de villages du sud-ouest de la province. Au début de juillet, à Moose Jaw, le personnel et le matériel furent transférés à bord des wagons du Canadien Nord pour une tournée de la région au sud de Régina et du district de Goose Lake, au sud-ouest de Saskatoon. Puis, le Canadien Pacifique reprit le matériel pour un circuit de trois semaines dans le centre de la zone agricole. Le nombre de visiteurs étonne: 18 000 hommes, 12 000 femmes et 8 000 enfants, soit 38 000 personnes en tout! Il faut dire qu'à cette époque il existait bien peu de moyens de divertissement; on commentait longtemps à l'avance la visite prévue du train.

Dans son rapport annuel de 1916, le ministère de l'Agriculture rapportait qu'il n'existait «aucun autre type d'éducation populaire qui exerçait la même attraction ou qui rendait d'aussi éminents services à la province que le train Better Farming.»

Avec les années, les organisateurs misèrent de plus en plus sur la nouvelle génération de fermiers et de fermières. Déjà au début des années 1920, le nombre d'enfants et d'adolescents qui défilaient à bord du train égalait ou dépassait celui de leurs parents: en 1921, il y eut 17 500 adultes et 15 000 enfants; l'année suivante, 15 500 adultes et 17 000 enfants.

Toutefois, avec la popularité grandissante des émissions agricoles à la radio, avec la dissémination de plus en plus vaste des journaux spécialisés, avec l'amélioration graduelle des routes permettant les visites régulières d'un agronome du gouvernement, et avec aussi l'excellent travail des fieldmen du Wheat Pool à partir de 1924, l'utilité du train Better Farming devenait moins évidente. L'idée fut abandonnée au début des années 1930, quoique des variantes, comme les trains Better Livestock, continuèrent à circuler pendant encore plusieurs années.

(adapté des rapports du ministère provincial de l'Agriculture, 1914 à 1931)





 
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