Des motsToughDans la dernière chronique, j'avais commencé à vous parler d'anglicismes qui nous viennent de nos voisins des États-Unis. Le terme tough et le verbe tougher s'insèrent bien dans cette catégorie. Le docteur Rosario Morin écrit: «Dans l'Ouest, on était des toughs ou des toffs, des durs, des résistants – tough au travail. Je vais tougher la run des battages. Je vais résister toute la période des battages.» Le mot tough a plusieurs sens dans le vocabulaire des gens de l'Ouest. Le docteur Morin nous en donne un: «celui d'une personne avec une bonne résistance à la fatigue; une personne tenace.» Dans l'Ouest, les pionniers devaient être toughs, tenaces, pour survivre à l'isolement, aux sécheresses aux hivers froids. C'est leur ténacité qui leur a permis de défricher le terrain et de bâtir un nouveau monde. Même la vie pouvait être tough. Ce terme n'est certainement pas nouveau dans le langage des Franco-Canadiens de l'Ouest. Le terme était utilisé couramment au Québec aussi. David Rogers en relève un exemple dans la littérature québécoise. À la page 74 du roman, La Forêt, on peut lire: «Pour ça, c'est une vie toffe, certain. Mais au moins on s'ennuie pas.» Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise utilise cette même orthographe toffe. Dans sa définition, il parle du sens du travail pénible – «C'est une job toffe.» Mais Bergeron apporte d'autres sens au mot. «C'est un gars ben tough.» On pourrait croire que cette utilisation d'un dur à cuire est relativement récente, depuis l'apparition des gangs dans les grandes villes. Toutefois, on retrouve cette même définition dans le Dictionnaire du bon langage de l'abbé Étienne Blanchard, dictionnaire qui date de 1915. L'abbé Blanchard nous renvoie au mot rough pour nous décrire le tough. «Rough: Un homme rough – 1. Grossier, rustard, bourru, dur-à-cuire, brusque, brutal, maroufle, malotru, rogue, rosse, grotesque, mal appris, mal équarri, mal dégrossi, fruste, impoli, incivil, incorrect, sans usage, discourtois, maraud, rustre, cuistre, goujat, manant, mal embouché et mal élevé.» En réalité, l'abbé Blanchard continue pour une autre page à les décrire ces jeunes toughs. Serait-ce qu'ils lui rendaient la vie misérable? Bien sûr, pour se donner une allure tough, le jeune vaurien (une autre définition que nous offre le bon curé) se doit de s'accaparer d'un langage rough, c'est-à-dire grivois, gaulois, cru ou salé. Comme le vent des Prairies peut être tough en mossus en hiver, Léandre Bergeron nous rappelle que la mer aussi est toffe, houleuse. Notre ami, Rhéal Laroche de l'émission Bonjour Chez-Vous à Radio-Canada me rappelait un problème que tous les employés de la Société rencontrent à un moment ou à un autre. Les Fransaskois ont souvent peur d'accorder une entrevue à Radio-Canada, de crainte de ne pas bien parler le français ou de peur d'utiliser des mots techniques anglais puisqu'ils ne connaissent pas le mot juste en français. Ayant été dans la même situation que Rhéal, il m'est arrivé de dire à un intervenant de ne pas s'en préoccuper puisque s'il utilisait un mot en anglais, ce serait probablement le terme que tous les Fransaskois comprendraient. Le docteur Morin raconte une histoire humoristique à ce sujet. Selon lui, lorsqu'il était encore médecin à l'hôpital Saint-Joseph de Gravelbourg, il avait reçu la visite de l'ambassadeur de France. Celui-ci lui demande si le personnel de l'hôpital parle le français. Le docteur lui répond «que plusieurs le parlent mais comme ils ont étudié dans des institutions anglaises, il arrive souvent qu'elles ne comprennent pas les expressions techniques en français. Je lui racontais qu'en faisant un pansement, je dis à la garde-malade d'aller me chercher du diachylon. Elle me dit, 'Je regrette docteur mais je ne comprends pas ce que vous voulez.' L'ambassadeur se penche vers moi et me demande, 'Quelle est la définition de diachylon?'» Donc, si l'ambassadeur du pays de la langue de Molière ne savait pas le terme technique pour du tape, il faut comprendre que les Fransaskois ne sauront pas toujours le mot juste en français. Ils ne devraient donc pas avoir honte d'accorder des entrevues à Radio-Canada. Nous parlons pour communiquer des informations et souvent le terme anglais sera mieux compris que le terme juste en français. |
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