Des histoiresTempéranceCongrès de tempérance à St-Hyacinthe: S.G. Mgr Bernard, évêque de St-Hyacinthe, a convoqué un congrès diocésain de tempérance dans sa ville épiscopale pour le 10 septembre. Le Patriote de l'Ouest le 3 juillet 1913 Au temps de la Nouvelle-France, il y avait eu plusieurs tentatives d'interdire la vente d'alcool mais celles-ci n'avaient pas connu un grand succès. Lorsqu'un premier plébiscite national a lieu en 1898, le Québec est la seule province à voter contre la prohibition. Une des raisons c'est que les «Québécois ont fait la distinction entre la bière et le vin, qui demeuraient acceptables, et l'alcool distillé, auquel ils s'opposaient, comme bien d'autres Canadiens.»(1) Et, durant la première guerre mondiale, le Québec est la seule province à refuser d'adopter une loi de prohibition. Il est alors surprenant que Montréal est une des premières villes du pays à mettre sur pied une société de tempérance durant les années 1820. Au début du XIXe siècle, plusieurs sociétés de tempérance voient le jour au Canada et aux États-Unis. La plupart des partisans des sociétés contre l'alcool préconisent la tempérance et non pas la prohibition. «Habituellement, les membres signaient une carte garantie de bonne foi, jurant de s'abstenir de toute liqueur distillée. La bière et le vin demeuraient acceptables quoique, vers les années 1830, plusieurs sociétés se dirigeaient déjà vers l'abstinence totale.»(2) En 1848 un nouveau mouvement de tempérance survient; les Fils de la tempérance viennent des États-Unis pour établir des chapitres au Canada. Les Fils prônent l'abstinence totale; ils s'établissent surtout en Ontario et en Nouvelle-Écosse, mais bientôt on les voit apparaître dans les autres régions du pays. En 1882, l'une d'elle, la Temperance Colonization Society, obtient, du ministère de l'Intérieur, une concession d'environ 500 milles acres dans le district de la Saskatchewan dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette concession le long de la rivière Saskatchewan Sud comprend 21 townships allant de la réserve du chef Sioux, White Cap (près de Dundurn) jusqu'à Clark's Crossing au nord de Saskatoon. La même année, John Neilson Lake, de la Temperance Colonization Society, quitte Toronto et se rend dans l'Ouest avec un groupe d'arpenteurs pour choisir le site de la future colonie de tempérance. Son choix s'arrête sur Saskatoon. «Il s'agissait d'un choix délibéré; non seulement était-il reconnu que la rivière serait une bonne source d'eau pour la consommation domestique et pour l'irrigation dans ce pays dépourvu de sources d'eau, mais on croyait aussi que la rivière fournirait un moyen de transport vers le lac Winnipeg.»(3) L'année suivante, Lake revient en Saskatchewan avec environ 35 colons; on y trace les premières rues de Saskatoon. La colonie longe le côté est de la rivière et comprend les rues bien connues aujourd'hui: Broadway, Victoria, Main et Lansdowne. Mentionnons que l'impact de la colonie de tempérance se fera ressentir à Saskatoon jusqu'à tout récemment; c'est seulement depuis quelques années qu'on permet la vente d'alcool sur le côté est de la rivière. Bien sûr, pour John Lake et ses associés, le fait qu'il existe une prohibition de la vente de liqueur distillée dans tous les Territoires du Nord-Ouest à cette époque est une raison pour les motiver à venir s'établir ici. Depuis la création de la police montée en 1873, les gouvernements ont essayé, souvent sans succès, d'interdire la vente d'alcool dans les Territoires, surtout aux Indiens. Toutefois, cette prohibition ne fait qu'engendrer un riche marché de fabrication et de contrebande d'alcool. Pour remédier à la situation, l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest adopte, en 1891, une ordonnance pour accorder des licences pour la vente d'alcool. L'alcool sera dorénavant vendu dans les hôtels. Devant cette situation, les partisans de la tempérance redoublent leurs efforts à travers le pays; ils demandent à leurs gouvernements de tenir des plébiscites sur la question de la prohibition. Les gens doivent avoir un moyen de dire à leurs élus s'ils veulent un pays mouillé ou sec. Le premier plébiscite a lieu au Manitoba en 1892. «Le plébiscite au Manitoba résulta en une forte majorité en faveur de la prohibition, menant à d'autres plébiscites aussi réussis dont celui à l'Île-du-Prince-Édouard (1893) et en Ontario (1894). Mais aucune loi sur la prohibition n'en découla.»(4) En 1898, Wilfrid Laurier est persuadé de tenir un plébiscite national; le résultat est le même; toutes les provinces se prononcent en faveur de la prohibition, sauf le Québec. Laurier refuse d'agir. «La proportion des voteurs était trop faible pour être un indice fiable de l'opinion publique et le Québec, base politique de Laurier, avait été la province à voter contre la prohibition.»(5) Les Franco-Canadiens des Territoires du Nord-Ouest semblent avoir voté comme leurs cousins du Québec lors de ces plébiscites, c'est-à-dire contre la prohibition. Ils veulent un pays mouillé. La guerre de 1914-1918 va changer tout ça; les femmes gagneront le droit de vote et bientôt elles réussiront à convaincre la plupart des provinces canadiennes à adopter la prohibition. Ce sont les groupes de femmes qui pousseront la prohibition au Canada à partir de 1915. Lorsque la guerre éclate en Europe en 1914, les hommes s'enrôlent par milliers pour la défense de la mère patrie. «L'entrée en guerre du Canada, en août 1914, apporta l'argument final et décisif pour la prohibition. L'alcool était perçu comme un gaspillage de ressources précieuses et comme étant nuisible aux soldats et aux travailleurs en temps de guerre. La bière devint le symbole de l'infamie allemande et sa source. Lorsque, en 1915, le roi George V s'engagea à l'abstinence pour la durée de la guerre, son geste relia indubitablement prohibition et patriotisme.»(6) La Saskatchewan est la première province à adopter, en 1915, une loi de prohibition. Les autres provinces, sauf le Québec, suivent cet exemple en 1916. «Le Québec, en 1918, passa une loi prohibitionniste, mais celle-ci fut remplacée par une loi plus faible avant que la première devienne effective.»(7) Bien sûr, la plupart des lois étaient limitées par les contraintes provinciales car seul Ottawa aurait pu ordonner une entière prohibition, c'est-à-dire interdire la production de liqueurs et sa distribution interprovinciale. Ottawa tente en 1917 et à nouveau en 1918 de limiter la fabrication d'alcool et sa distribution en adoptant des résolutions-en-conseil qui interdisait le transport interprovincial de boisson avec un contenu supérieur à 2,5 % d'alcool. Toutefois, les médecins pouvaient encore autoriser l'usage de boissons plus fortes pour raison médicale. C'est précisément ce qui se produit durant la crise de la grippe espagnole en 1918. Un médecin canadien-français de Mankota qui visitait souvent Ferland durant cette période recommandait à ses patients de prendre un petit coup. «Quand tu vas dehors, prend une bonne gorgée de ça (alcool) puis essaie de ne pas respirer dehors.»(8) Puisque les règlements fédéraux ne font qu'interdire la transportation interprovinciale de boissons, ils ont peu d'effets en Saskatchewan. «Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les régions rurales de la Saskatchewan ont longtemps été (le sont-elles encore?) le paradis des bouilleurs d'eau-de-vie, communément appelés moonshiners. Les fermes étaient généralement situées à quelque distance les unes des autres, quand elles n'étaient pas franchement isolées... Le profit tiré de la vente de quelques dizaines de bouteilles permettait aussi au fermier d'acheter quelques provisions de bouche et des étrennes pour les enfants au temps des Fêtes, alors que les revenus de la ferme étaient à la baisse.»(9) L'adoption d'une loi de prohibition en 1915 cause de sérieux problèmes pour le gouvernement de la Saskatchewan. Comment la province va-t-elle contrôler la fabrication et la distribution de liqueurs illégales alors que la plupart des membres de la police montée sont enrôlés dans l'armée canadienne. Le procureur général de la province, W.F.A. Turgeon, demande donc à Charles Augustus Mahoney de fonder une police provinciale. La Saskatchewan Provincial Police voit le jour le premier janvier 1917. Elle existe jusqu'en 1928. Avec la fin de la guerre en 1918, le gouvernement fédéral abolit ses règlements interdisant le transport interprovincial de boissons fortes. La plupart des provinces suivent l'exemple du fédéral et se défont de leurs lois de prohibition. «Une fois de plus, les référendum se succédèrent durant les années 20 mais, à cette occasion, les prohibitionnistes perdirent du terrain. Le coup final contre les prohibitionnistes fut une commission des liqueurs gouvernementale.»(10) La Saskatchewan, comme la plupart des autres provinces, établit des régies et commence à taxer la vente d'alcool. Alors que le Canada se débarrasse de ses lois de prohibition durant les années 1920, les États-Unis adoptent la loi Volstead, le 28 octobre 1919. Cette loi interdit la fabrication et la distribution de boissons aux États-Unis. La loi Volstead est en vigueur jusqu'en 1933. Elle donne naissance à un trafic illégale d'alcool; le Canada étant un de ses principaux fournisseurs de boissons illégales. À cause de la prohibition aux États-Unis, la fabrication de moonshine en Saskatchewan devient une riche industrie. «La grande sécheresse au sud de la frontière suscita un goût durable pour le whisky canadien, goût qui permit à plusieurs brasseurs et distilleries canadiennes, en trichant un peu, de s'élever à un rang mondial.» (11) C'est l'époque de Al Capone, de la famille Bronfman et autres. Les moonshiners et les rumrunners donnent du fil à retordre à la SPP et à la police montée. Aujourd'hui, c'est comme s'il y a toujours une certaine mystique entourant cette période de notre histoire. (1) Decarie, Graeme,«Mon pays, mouillé ou sec», Horizon Canada, Volume un, Saint-Laurent (Qué): Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1985. p. 135. (2) Ibid. p. 135. (3) Delainey, William P. et Sarjeant, William A.S., Saskatoon, The Growth of a City, Part 1: The Formative Years, 1882-1960, Saskatoon: The Saskatoon Environmental Society, 1975. p. 2. (Traduction) (4) Decarie, Graeme, Op. cit., p. 138. (5) Ibid. p. 138. (6) Decarie, Graeme,«Mon pays, mouillé ou sec», Horizon Canada, Volume un, Saint-Laurent (Qué): Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1985. p. 138. (7) Ibid. p. 139. (8) Gendron, Claudette, Entrevue avec Mme Léophile Chabot de Willow Bunch, Archives de la Saskatchewan. (9) Lapointe, Richard, La Saskatchewan de A à Z, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987. p. 6. (10) Decarie, Graeme, Op. cit. p. 139. (11) Ibid. p. 139. Sources Decarie, Graeme,«Mon pays, mouillé ou sec», Horizon Canada, Volume un, Saint-Laurent (Qué): Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1985. Delainey, William P. et Sarjeant, William A.S., Saskatoon, The Growth of a City, Part 1: The Formative Years, 1882-1960, Saskatoon: The Saskatoon Environmental Society, 1975. Gendron, Claudette, Entrevue avec Mme Léophile Chabot de Willow Bunch, Archives de la Saskatchewan. Lapointe, Richard, La Saskatchewan de A à Z, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987. |
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