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Des histoires

Société de secours mutuel

Les nouveaux-venus en Saskatchewan durant la grande période de colonisation au début du siècle étaient pour la plupart jeunes, vigoureux et en bonne santé. Mais l'isolement sur un homestead empêchait quelquefois l'aide nécessaire d'arriver à temps en cas de maladie ou d'accident, avec le résultat que plusieurs agriculteurs mouraient dans la force de l'âge.
La famille du défunt se voyait alors confrontée à une situation financière difficile: les économies couvraient à peine les frais du service funèbre et les dépenses courantes jusqu'à ce que la ferme et la machinerie soient vendues ou que d'autres dispositions aient été prises. C'est pourquoi un jeune homme d'affaires de Saint-Victor, Joseph Dosithée Lalonde, natif de l'Ontario, résolut de lancer une société de secours mutuel, sur un modèle répandu en Europe, aux États-Unis et dans l'Est du Canada. Ce qui faisait son succès, c'était sa simplicité même.

À chaque fois qu'un membre mourait, tous les autres inscrits contribuaient un dollar: mille membres, mille dollars... La bourse ainsi formée permettait à la famille en deuil de faire face aux dépenses les plus pressantes. M. Lalonde explique les débuts à un interviewer, auquel il confie le secret pour accumuler des surplus afin de faire face à des imprévus et d'obtenir un capital de roulement pour d'autres projets:

«Il n'y avait pas de compagnie d'assurances en Saskatchewan. Il y avait probablement la Sun Life, des agents, dans les villes, à Régina... Les gens n'avaient pas de protection. C'était encore tout neuf dans le pays. J'ai dit: «On peut pas acheter d'assurance... l'assurance coûte trop cher.» Le monde était pauvre: ils arrivaient, prenaient du terrain, ils n'avaient pas d'argent. J'ai dit: «C'est le temps qu'on forme une compagnie d'assurances... on va assurer tout le monde!» On a formé un club; on payait dix piastres pour rentrer... pour appartenir, et puis après ça, chaque fois qu'il mourait un membre, on payait une piastre chaque. J'avais vu une place où c'est qu'il y avait des clubs semblables. J'ai été et puis je leur ai demandé toutes sortes d'informations et puis après ça, j'ai appris qu'à Minneapolis, il y en avait. J'ai été aux États-Unis... pour voir comment ça marchait. Alors je suis revenu et j'ai organisé le Club Quinze Cents.

«On payait quinze cents piastres quand il mourait un membre... il en mourait pas souvent parce que c'était tout du monde en bonne santé... des jeunes. Ça a monté, ça a monté, quinze cents, vingt-cinq cents. Ça n'a pas pris de temps que c'est venu jusqu'à cinq mille. Un an... deux ans. C'est moi qui a organisé ça. Il y en a qui vont dire: «C'est un croche!»... mais je vais le dire quand même. Ça, je l'ai pas dit aux membres... Ce groupe-là, de quinze cents, il a monté jusqu'à trois mille personnes. Quand il mourait un type, ces trois mille-là envoyaient une piastre et puis on payait seulement quinze cents. Ça fait qu'on avait quinze cents piastres de surplus. Le reste était à nous autres. Ça fait qu'on a bâti une réserve. Après ça, quelque temps après, j'ai fait un groupe de vingt-cinq cents. Le monde voulait avoir plus que quinze cents piastres quand ils mouraient, pour leur femme, surtout ceux qui avaient des fermes. On chargeait une piastre pour l'administration au jour de l'An, au mois de janvier... c'était une piastre par membre quand il en mourait un. Alors, on accumulait, on accumulait. Finalement, le gouvernement a coupé ça. J'avais droit d'avoir des clubs de quatre cents. Il y avait trois clubs de quatre cents, ça faisait douze cents piastres de protection.»

En plus de s'occuper du commerce des terres, d'être notaire public et juge de paix, M. Lalonde gérait plusieurs sociétés de secours mutuel du même genre. Ces sociétés furent réorganisées en 1953 pour former la compagnie d'assurances La Familiale, dont le siège social fut longtemps à Saint-Victor, avant d'être installé à Calgary.

(adapté de deux entrevues, 1973 et 1978, aux Archives provinciales; pour préserver la spontanéité du témoignage oral, les règles courantes sur l'élision dans les citations ont été écartées)





 
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