Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 15 numéro 2

Si seulement...

Vol. 15 - no 2, décembre 2004
La paroisse Saint-Jean-Baptiste de Regina
par Laurier Gareau
Le 7 novembre dernier, la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Regina célébrait le 50e anniversaire de sa fondation. Nous n’allons pas vous raconter l’histoire de la paroisse nationale canadienne-française de Regina car nous l’avons déjà fait, dans le Volume 5, Numéro 2, Décembre 1994 à l’occasion de son 40e anniversaire.

Toutefois, si ce n’avait été de l’opposition de certains membres du clergé anglophone de Regina, la paroisse fêterait cette année son 75e anniversaire au lieu du 50e. Cette année-là, «conscient de la solitude spirituelle des catholiques de langue française de Regina et alors qu’il reposait déjà sur son lit de mort, exactement trois mois avant son décès survenu le 26 octobre 1929, l’Archevêque de Regina proposait lui-même au R.P. J. Magnan, Provincial des Oblats de Marie Immaculée à St-Boniface, de fonder une paroisse qui regrouperait les Canadiens français de la capitale de la Saskatchewan.»(1)

La Co-cathédrale
Photo: Laurier Gareau
La Co-cathédrale Holy Rosary de Regina

Ce serait le père J. Magnan, provincial des Oblats du Manitoba qui avait initié l’idée d’une paroisse française à Regina. Dans une lettre du 20 juillet 1929, il demandait à Mgr Mathieu l’autorisation pour les Oblats d’établir à Regina «une simple maison de missionnai-res et leur donner en même temps l’assurance qu’ils seront chargés d’organiser une paroisse française à Regina, dès que la chose vous paraîtra possible.»(2) Le 26 juillet 1929, Mgr Mathieu avait répondu au père Magnan qu’ il accédait à la demande des Oblats: «...c’est avec le plus grand plaisir que Nous nous rendons à votre désir, et permettons l’établissement canonique d’une résidence à Regina pour les Pères Oblats de votre Province. Nous irons même plus loin. Bien souvent, Nous avons songé à organiser, à Regina, une paroisse qui grouperait Nos catholiques de langue française. Jusqu’ici, ils ont été desservis par le clergé de Notre Cathédrale, et à Notre Cathédrale même qu’ils partageaient avec Nos catholiques de langue anglaise, bien qu’en petite minorité. Mais leur nombre a augmenté tous les ans et le temps n’est pas loin; il Nous semble, où il faudra leur donner un clocher à eux tout comme a ceux des autres groupes ethniques. Nous ne pouvons mieux faire, il Nous semble, et c’est bien Notre intention de confier alors aux Pères de votre Province la garde de cette partie de Notre troupeau. Nous voulons donc espérer que lorsque vous aurez, installé définitivement Vos Pères à Regina qu’ils voudront bien, quand le temps sera venu, se charger du bien spirituel de la population française de la capitale de la Saskatchewan. Ils nous rendront ainsi un grand service pour lequel, comme pour tous les immenses services qu’ils Nous ont rendus et Nous rendent encore, Nous leur garderons une éternelle reconnais-sance.» (3)

Toutefois, le décès de Mgr Mathieu le 26 octobre 1929 remet tout en question. Même si les pères Oblats ont acheté un terrain non loin de la cathédrale Holy Rosary, sur lequel ils comptaient bâtir la résidence projetée et jeter la pierre angulaire de la future paroisse française, les choses se brouillent.

Certains membres anglophones du clergé voient un tel projet d’un mauvais œil. Le curé de la paroisse cathédrale, l’abbé J.J. O’Neil, (aucune relation avec le futur évêque) adresse un mémo au successeur de Mgr Mathieu, Mgr James Charles McGuigan. Dans ce mémo, il s’objecte fortement à l’établissement d’une paroisse française. Selon lui, le terrain acheté par les Oblats est trop proche de la cathédrale et


Photo: Laurier Gareau
La Co-cathédrale Holy Rosary de Regina.

plusieurs paroissiens anglophones pourraient choisir d’assister à la messe dans cette nouvelle paroisse au détriment de la paroisse cathédrale.

Il poursuit en disant «The Cathedral is heavily burdened with debt and needs all assistance possible to keep it going. The erection of a French Parish would remove some of our best -supporters (...) The French and the English Catholics form a homogeneous group (...) The conditions placed by the Oblate Fathers, that all French Catholics must belong to the new parish will work a hardship both on the French speaking people and the Pastors of the different Parishes in the city. Pew rent and stole fees will be a continuous source of ill feeling. They will insist that every family bearing a French name who are now members of the Cathedral be inscribed as members of their Parish (...) No advantage will accrue to the French-speaking Catholics. They are scattered all over the city and few own cars. No streetcar service on Sunday mornings. Cathedral is well provided with French-speaking clergy. French sermons were discontinued some years ago, for the reason that those understanding that language attended other Masses as much as they did the one with French sermons. It placed a burden on English speaking people, by listening to a language they did not understand. Very few of the children of French speaking parents speak French with fluency, but all speak English well, as it is the language of the schools. For this reason we feel that a French Church, without English cannot be a success.»(4)

Cette opposition du clergé anglophone a mis fin pour 25 ans au rêve des Canadiens français de Regina d’avoir leur propre paroisse française. Si seulement il n’y avait pas eu cette oposition, la paroisse Saint-Jean-Baptiste aurait fêté (ou se préparerait à fêter) son 75e anniversaire. Et pensons-y! S’il n’y avait pas eu cette opposition en 1929 à une paroisse française à Regina, peut-être qu’un quartier francophone se serait développé dans la ville, un peu comme à Saint-Boniface. Si seulement...

Notes et références
(1) Rottiers, René, Histoire abrégée de la fransaskoisie, article 11. Publié dans l’Eau vive du 19 janvier 1983.
(2) Ibid., article 12, L’Eau vive, 26 janvier 1983.
(3) Ibid.
(4) Ibid.





 
(e0)