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Société historique de la Saskatchewan

Des lieux

Saint-Maurice de Bellegarde

St. Maurice de Bellegarde, Sask. L'assemblée annuelle de notre groupe de l'A.C.F.C. de la Saskatchewan s'est tenue hier soir à sept heures. Malheureusement la pluie, qui est tombée dans l'après-midi, nous causa le regret de ne pas entendre MM. Gaire et Quesnel de Wauchope qui devaient nous adresser la parole. Mais nous espérons qu'une meilleure température leur permettra de se rendre chez nous sous peu. Étaient présents les orateurs Paré, Dunant, Handfield de St. Antoine venus avec leur curé M. l'abbé Ferland. Pour nous égayer pendant la soirée des chansons ont été bien rendues par MM. F. Sylvestre “Le gouvernement” et Bédard “C'est trop aimer”.

Le Patriote de l'Ouest
le 28 mai 1914
À la fin du XIXe siècle, peu de personnes habitent le district d'Assiniboia dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a encore moins de personnes qui vivent dans la région qui deviendra les paroisses de Saint-Maurice de Bellegarde, Saint-Raphaël de Cantal et Saint-Jean-François-Régis de Wauchope. «Peut-être y avait-il par-ci par-là quelques colons anglais qui y avaient été attirés par les promesses d'un chemin de fer allant de Brandon à Estevan passant par Gainsborough et Alemeda.»(1) Depuis 1888, l'abbé Jean-Isidore Gaire est établi à Grande-Clairière, environ 50 kilomètres à l'est dans le sud-ouest du Manitoba.

Au printemps de 1891, l'abbé Gaire vient explorer la région et plus tard la même année, il revient avec certains colons. Parmi ce groupe on trouve Alphonse Copet, Cyrille Delaite, Joseph Delaite et Cyrille Libert. «C'est la Luxembourg belge qui commence son entrée en ligne. Cette vaillante province nous fournira dans la suite beaucoup de monde: pour le moment elle nous donne, du premier coup, trois ou quatre familles, dont voici encore les noms: la famille Delaite, la famille Stringer et la famille Copet. Tout ce monde nous vient du village de Redu.»(2)

Le groupe Copet, Delaite et Libert trouve la situation décourageante à Bellegarde. «Après avoir essayé en vain de défricher la terre d'Alphonse Copet.... ils se découragèrent et retournèrent à Grande-Clairière. À leur dire, il n'y avait rien à faire à Saint-Maurice.»(3)

L'abbé Gaire n'a pas l'intention d'abandonner son projet de colonisation à Bellegarde. Heureusement pour lui, une nouvelle famille vient d'arriver à Grande-Clairière. Il s'agit de Cyrille Sylvestre: «... Cyrille Sylvestre prit la décision de quitter sa Haute-Savoie natale alors qu'il approchait la soixantaine, pour se soustraire, lui et ses nombreux enfants, aux mesures anticléricales du gouvernement français à la fin du siècle dernier.»(4)

Cyrille Sylvestre et deux de ses quatre fils sont déjà propriétaires de 160 acres de terre à Grande-Clairière, mais ils se réservent plusieurs autres homesteads à Saint-Maurice de Bellegarde, car les deux autres fils doivent venir les rejoindre sous peu. Les Sylvestre n'ont pas l'intention de se laisser dissuader par les histoires des familles Copet, Delaite et Libert.

Donc, vers la mi-juin 1892, un nouveau groupe de colons se dirige vers Saint-Maurice. En plus de l'abbé Gaire et de Cyrille Sylvestre et ses deux fils, le groupe compte les familles d'Honoré George, Fortunat George et Jean-Baptiste Stringer. Ce groupe «se rend à la “quatrième coulée”, étudie attentivement le district à tout point de vue, reconnaît qu'il y a là une terre de grande valeur, des pâturages immenses, du foin en abondance dans les bas-fonds et de futurs bosquets qui ne demandaient qu'une protection efficace contre les feux de prairies, pour renaître et se développer: somme toute, une magnifique campagne, arrosée par une coulée admirable aux superbes pièces d'eau, richesse et ornement de la vallée.»(5)

Les colons retournent passer l'hiver à Grande-Clairière; ils reviennent au printemps 1893 et se construisent des maisons à Bellegarde. Ces premières maisons, faites avec de la tourbe, sont construites à trois-quarts d'un kilomètre au nord du village actuel de Bellegarde.



Durant l'hiver 1893-1894, une seule famille reste à Saint-Maurice, soit celle de Jean-Baptiste Moreau. Les autres retournent à nouveau à Grande-Clairière bien qu'on dise que les maisons de tourbe sont chaudes en hiver.

C'est seulement au printemps de 1894 qu'on commence à casser et à semer la terre. En plus de Jean-Baptiste Moreau, les familles Sylvestre, Stringer, Carbotte et Revet commencent à cultiver les terres de Saint-Maurice de Bellegarde. Avant la fin de l'été, cinq autres familles viennent les rejoindre: les George, les Tinant, les Legros, les Pierrard et les Stevenot.

Au cours des années suivantes, d'autres colons viennent rejoindre les fondateurs de Saint-Maurice de Bellegarde; en 1898, plus de cent familles sont établies dans la région.

Au début, il n'y a pas encore de chemin de fer dans la région et les colons de Bellegarde doivent transporter leur grain sur une distance de 40 kilomètres vers l'est pour le livrer à Reston, dernier arrêt sur la ligne du chemin de fer. En 1895, la qualité du blé n'est pas le meilleur et les colons de Bellegarde ne reçoivent qu'un faible prix pour leur grain à Reston. Dans certains cas, l'agent de l'élévateur refuse même de le prendre. «Ils furent donc obligés de le charroyer à des distances plus éloignées pour le faire moudre.»(6)

Les colons de Saint-Maurice de Bellegarde font leurs achats à Reston et ils se rendent une ou deux fois par année à la Montagne de l'Orignal pour chercher du bois de chauffage. «Ces voyages se répétaient parfois tard dans la saison et à l'automne afin de faire les provisions d'hiver. Alors ils se faisaient surprendre par des poudreries de neige, ce qui retardait souvent nos voyageurs et rendait ces voyages périlleux.»(7)

Les premières années, il n'y a pas de prêtre résidant à Saint-Maurice, même pas d'église. L'abbé Gaire vient dire la messe de temps en temps. «La première messe, célébrée par M. l'abbé Gaire qui venait de temps en temps à pied rendre visite à ses colons de St-Maurice et de St-Raphaël, fut dite chez M. Cyrille Sylvestre.»(8)

En 1898, Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, nomme l'abbé Napoléon Poulin comme curé des paroisses Saint-Maurice et Saint-Raphaël. Puisqu'il arrive tard dans l'année (sa signature apparaît dans les registres de la paroisse pour la première fois le 28 novembre 1898), le nouveau curé attend jusqu'au printemps suivant avant de faire bâtir une église et un presbytère. En attendant, il continue à dire la messe dans les maisons des colons. Lorsque Mgr Langevin visite la région en juin 1899, il peut écrire au sujet de la paroisse de Saint-Maurice: «Le presbytère est modeste, mais convenable, et la chapelle, peu élevée, suffit aux besoins du culte, mais elle sera bientôt trop petite.»(9)

Cette année-là, l'abbé Alphonse Lemieux est nommé prêtre de la mission de Saint-Raphaël de Cantal. L'abbé Poulin meurt en 1900, mais malgré cela Bellegarde aura dorénavant un prêtre résidant.

En 1903, l'abbé Napoléon Poirier devient curé de Saint-Maurice; il y reste jusqu'en 1922. C'est lui qui voit à l'organisation d'un cercle local de l'ACFC.


Dès qu'ils sont établis dans la région, les colons font demande auprès du ministère des Postes pour obtenir un bureau de poste chez eux. Le premier bureau de poste à Bellegarde ouvre ses portes en août 1898 avec Fabien Sylvestre comme maître de poste. Mais ce n'est pas un bureau de poste dans le sens traditionnel du mot. «M. Fabien Sylvestre l'apportait le dimanche et le distribuait après la messe.» (10)

Jusqu'à ce moment, le nom de la colonie est Saint-Maurice, mais, puisqu'il y a déjà plusieurs autres endroits au Canada avec ce nom, le Gouvernement du Canada demande que le nom soit changé. Puisque plusieurs des gens de Saint-Maurice sont originaires de la paroisse Saint-Maurice-de-Bellegarde en France, c'est le nom qu'on donne au nouveau bureau de poste.

Il faut aller à Reston chercher le courrier et c'est Alexis Sylvestre, le frère du maître de poste, qui fait le voyage chaque semaine. Le jeune homme ne transporte pas seulement le courrier lorsqu'il fait ces voyages hebdomadaires.
«Tout en transportant le courrier, Alexis Sylvestre apportait les provisions les plus nécessaires aux colons telles que sucre, farine, etc.»(11)

Puisqu'il transporte des provisions de Reston à Saint-Maurice, il est tout à fait naturel qu'il établisse un petit magasin chez lui pour desservir les gens de Bellegarde et de Cantal. Toutefois, il est cultivateur et n'est pas intéressé à être commerçant. En 1900, Arsène Revet ouvre un magasin dans la maison de sa mère et devient aussi maître de postes. Lorsque la guerre éclate en Europe en 1914, les fils Revet doivent s'enrôler dans l'armée française et c'est Mme Revet qui s'occupe du magasin de Bellegarde pendant les années de la guerre. En 1920, le magasin Revet est vendu à Henri George père.

La première école de Bellegarde est située dans le presbytère de M. l'abbé Napoléon Poirier. Elle ouvre ses portes le 9 juin 1903. Elle porte le nom d'école Saint-Maurice. Le premier enseignant est un monsieur Jobin qui a été recommandé par nul autre que Mgr Adélard Langevin. L'enseignement à l'école Saint-Maurice se fait exclusivement en français jusqu'à la visite de l'inspecteur d'école, M. Hervijill, qui suggère à l'instituteur d'enseigner un peu d'anglais.

Toutefois, «une paroisse catholique n'est pas complète, si elle ne possède pas au moins une maison d'éducation... c'est-à-dire une école dirigée entièrement selon les principes chrétiens.»(12) Même si les enseignants à l'école Saint-Maurice sont francophones et catholiques, les colons de Bellegarde veulent un couvent ou un collège catholique. En 1905, l'abbé Poirier demande aux Filles de la Croix d'établir un couvent à Bellegarde. Deux religieuses arrivent la même année pour établir le premier des couvents des Filles de la Croix en Saskatchewan.

Aujourd'hui, le petit village de Bellegarde est devenu un des premiers à se joindre au Conseil général des écoles fransaskoises et, à l'école de Bellegarde, on va encore essayer d'enseigner un petit peu d'anglais.

Même si beaucoup des colons de la région étaient de France et de Belgique, Bellegarde a reçu le titre de «la capitale du petit Québec».

Références

(1) Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,33, p. 5.
(2) Esquisse historique de Mgr Jean Gaire , Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,7, p.12.
(3) Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., Op.cit., p. 6-7.
(4) Lapointe, Richard, «Cyrille Sylvestre», 100 NOMS , Régina: Société historique de la Saskatchewan, 1988, p. 383.
(5) Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., op.cit., p. 9.

(6) Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,33, p. 13.
(7) Ibid., p. 13.
(8) Ibid., p. 17.
(9) Ibid., p. 17.

(10) Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,33, p. 15.
(11) Ibid., p. 21.
(12) Ibid., p. 21.

Sources

Un bout d'histoire... 153, 154 et 155

Esquisse historique de Mgr Jean Gaire , Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,7.

Esquisse historique de la Paroisse St-Maurice, Bellegarde, Sask., Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Micro R-9,33.

Lapointe, Richard, «Cyrille Sylvestre», 100 NOMS , Régina: Société historique de la Saskatchewan, 1988.

Antler and District History Committee, Footprints in the Sands of Time, Antler: Antler and District History Committee, 1983.

Ducharme, abbé Roger, Album souvenir, Cinquantenaire de l'A.C.F.C. 1912-1962, Saskatoon: L'Association Catholique Franco-Canadienne de la Saskatchewan, 1962.





 
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