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Saint-Hippolyte et le Wheat Pool

Nos cultivateurs commencent à transporter leur blé à la ville, et comme chaque année, et avec raison d'ailleurs, ils se plaignent des acheteurs. Avec le système actuel, l'acheteur donne au blé le grade qu'il veut et le cultivateur qui est forcé de vendre ne peut obtenir pour son blé le prix qu'il serait en droit d'exiger. Il n'en serait pas ainsi s'il existait des unions agricoles fonctionnant comme les unions ouvrières ou professionnelles.

Le Patriote de l'Ouest
le 9 novembre 1910
En 1905, un jeune prêtre français, l'abbé Jean-Baptiste Jullion, arrive dans la toute nouvelle province de la Saskatchewan. Il se rend à Battleford où il espère trouver une région propice pour établir une paroisse française. L'abbé Jullion est accompagné de ses deux frères et de trois autres compatriotes. Comme tant d'autres, les cinq jeunes Français veulent se trouver une concession, ayant été attirés par les promesses de terres gratuites dans le Nord-Ouest. «Dans un rectangle de terres d'environ quatorze milles carré, au nord de la mission de Delmas, il a trouvé un bon nombre de colons avec des noms comme Bélanger, Nadon, Fiddler, Nolin, Couillard et Malome. Ces noms étaient une douce musique à ses oreilles françaises et c'est là qu'il a fondé sa paroisse. Il l'a nommé Saint-Hippolyte, le nom de son père.»(1)

La plupart de ces familles sont Métis, quoiqu'il y a des familles françaises comme celles d'Emmanuel et de Jean-Victor Malhomme, qui venaient de la même région en France que les trois frères Jullion. Peu de temps après l'arrivée du missionnaire, un bon nombre de nouveaux colons viennent prendre des homesteads dans la région: Régnier, Hamel, Dion, Leclair, Rousseau, Neault, Vallière et Blanchette.

En 1913, l'abbé Jullion espère que le chemin de fer se rendra jusqu'à la mission de Saint-Hippolyte. Il y a déjà une centaine de familles dans la région. Il fait alors construire une énorme église pouvant accueillir plus de 400 personnes. Malheureusement, lorsque le Canadien National construit enfin une ligne dans la région, la compagnie décide de passer à Vawn, à quelques kilomètres au nord-est de la mission. «Le chemin de fer tellement attendu construit sa gare à Vawn, supposément parce que le prix du terrain dans le village de St-Hippolyte était trop élevé. Cette décision est un coup mortel pour le village et la paroisse. Plusieurs personnes déménagent à Vawn ou à Edam. Le prêtre et son église sont demeurés presque seul sur la butte.»(2) Pas longtemps après, l'abbé Jullion retourne en France pour une visite. Mais la guerre éclate et l'ancien curé de Saint-Hippolyte ne reviendra jamais au Canada.

En 1910, les fermiers doivent donc se rendre jusqu'à Delmas pour livrer leur grain. Puisqu'il n'y a pas encore de système ordonné de mise en marché du grain, les agriculteurs sont souvent à la merci des grosses compagnies multinationales et de la bourse des grains de Winnipeg.

Les plaintes énoncées plus tôt par les fermiers de Saint-Hippolyte allaient se concrétiser par la fondation d'une coopérative des fermiers, si non pas une union, quatorze ans plus tard en 1924. «La fondation du Wheat Pool de la Saskatchewan en 1924 constitue sans le moindre doute l'un des épisodes les plus déterminants de l'histoire agricole de la province.»(3)

Le mouvement des Wheat Pools doit peut-être ses origines au Parti progressiste. Ce parti est né en 1916, mais il n'atteint pas une grande influence avant les années 1920. «Les progressistes prônaient un contrôle plus direct des politiciens, l'égalité de la femme, la suppression du Sénat et l'abolition de l'influence des grosses entreprises.»(4)

C'est contre la Bourse aux grains de Winnipeg que les fermiers doivent lutter: «Agriculteurs et marchands l'ont fondé en 1887 pour acheter et vendre le blé. Cependant, pour l'exploitant du début du XXe siècle, elle symbolise leurs difficultés de mise en marché, surtout avec les contrats à terme, ces transasctions sur papier par lesquelles acheteurs et vendeurs spéculent sur le prix à venir des grains au lieu de négocier les récoltes en cours.»(5)

C'est contre ce «blé en papier» que ce plaignent les fermiers de Saint-Hippolyte, comme ce plaignent ceux des autres communautés francophones de la Saskatchewan. Entre 1905 et 1917, les agriculteurs de l'Ouest canadien avaient mis sur pieds des coopératives de blé comme la United Grain Growers Grain Co. et la Saskatchewan Co-operative Elevator Co. Enfin, en 1924, on établit le Saskatchewan Wheat Pool. Bien sûr, il n'y aura jamais d'élévateur à grain du Wheat Pool à Saint-Hippolyte puisque le Canadien National a opté de construire sa ligne à Vawn plutôt que dans l'ancien patelin de l'abbé Jullion.

Références

(1) Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert (Sk): Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 136. Traduction.
(2) Ibid., p. 137. Traduction.
(3) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986, p. 313.
(4) MacPherson, Ian, «La démocratie du blé», Horizon Canada, Québec : Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1987, volume 8, p. 2210.
(5) Ibid., p. 2210.

Source

Un bout d'histoire... 10
Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986.

Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert (Sk): Diocèse de Prince Albert, 1990.

MacPherson, Ian, «La démocratie du blé», Horizon Canada, Québec: Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1987. Volume 8.





 
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