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Saint-Denis

Saint-Denis: Peut-être que nous aurons un embranchement de chemin de fer ici avant longtemps; suivant les nouvelles, nous l'aurons avant un an.

Le Patriote de l'Ouest
le 3 avril 1913
C'est l'année de la fondation de la province de la Saskatchewan en 1905 qu'est née la petite communauté de Saint-Denis. Clotaire Denis, père, est un des premiers Français à venir s'établir dans la région. «À l'âge de 18 ans, quittant sa famille et son pays, il arriva à Montréal en mai 1905. Il partit en train se dirigeant directement vers la Saskatchewan et arriva à Prince Albert. De là, il partit à la recherche de terrain, en wagon jusqu'à St-Louis; il marcha ensuite à Duck Lake, Wakaw, Bonne Madone, St-Brieux, Vonda, Howell... Avec l'aide de M. Adélard Marcotte, il s'orienta vers le sud-ouest de Howell où il y avait plusieurs carreaux de terre ensemble, car en effet il était à la recherche de terrain pour lui-même, son père et ses frères.»(1)

La même année, les familles de Jacques Chevalier, Jean Mével et les frères Le Naour (Jean-Marie, Laurent et Pierre) viennent le rejoindre au sud-ouest de Howell (Prud'homme). Puis ce furent les frères Hounjet, Pierre, François, Joseph et Henri. En 1906, viennent s'ajouter les familles Haudegand, Hubert et Dellezay. «Tels furent les véritables fondateurs de ce qui allait être la paroisse de Saint-Denis. Comme nulle part ailleurs peut-être, de nombreux mariages entre les enfants de ces pionniers en feront un centre remarquablement homogène.»(2)

Étant tout près de Vonda et de l'oeuvre de colonisation de M. l'abbé Philippe-Antoine Bérubé, Saint-Denis recevra son contingentement de colons canadiens-français et franco-américains à partir de 1908. «Dans les années qui suivent un bon nombre de Canadiens de la province de Québec et quelques-uns des États-Unis viennent augmenter le nombre des colons - Chalifour, Dinelle, Dufour, Lepage, Labrecque, Pelletier, Pion, Raymond, Rouillard et plusieurs autres.»(3)

Au début, les gens de Saint-Denis se rendent à Howell ou à Vonda pour assister aux services religieux. En 1910, M. l'abbé M. Gagné arrive pour établir la paroisse de Saint-Denis. Il y fait construire une première église qui sera rasée par les flammes le 26 avril 1915, exactement six mois après le départ du curé fondateur. Jusqu'en 1933, Saint-Denis compte sur un prêtre résident, puis de 1933 à 1949, les paroissiens dépendent des curés de Vonda pour venir leur dire la messe. Un des prêtres qui a oeuvré pendant de longues années à Saint-Denis est l'abbé Clovis Mollier (1918-1927), auteur du roman, Au pays du ranch. Le curé était toujours prêt à donner un coup de main. «Un jour Msgr faisait des visites dans la paroisse. Il arriva chez un fermier en train de réparer sa faucheuse. Sans hésiter il retroussa ses manches et se mit à l'ouvrage pour hâter la tâche.»(4)

Pour les pionniers de Saint-Denis, la vie n'est pas toujours facile. «Les débuts furent, comme dans toute colonie naissante, très difficiles. La première année, pas de machine à battre. Les Denis, qui avaient ensemencé une centaine d'acres, durent battre au fléau pendant l'hiver plus de mille minots de grain, et les vanner ensuite quand le vent le permettait. Il fallait charroyer le blé aux élévateurs à douze ou quinze milles, sans chemins et par des froids qui pouvaient atteindre 60 degrés au-dessous de zéro.»(5)

Plusieurs des familles quittent Saint-Denis au cours des années; certaines retourneront dans l'Est ou en Europe, tandis que d'autres partiront pour aller s'établir ailleurs dans l'Ouest; les Mével se dirigent vers Saint-Brieux, les Casavant à Domrémy, les Chicoine à Hoey, tandis que les Chalifour vont prendre du terrain à Léoville.

Même la famille Denis ira tenter fortune ailleurs. Raymond Denis achète du terrain à Batoche avant de se lancer pleinement dans la vente d'assurance. Ce terrain à Batoche sera plus tard travaillé par un neveu, Zénon Lepage. Quant à lui, Clotaire Denis, père, entreprend une aventure encore plus loin au nord. «En 1913, Clotaire, en société avec son père, prit d'autres homesteads à Witchekan, maintenant Laventure... Ce fut une période assez difficile car ce coin de pays était boisé; il n'y avait pas d'école, pas d'église et la gare la plus proche était Debden à 28 milles et pas de chemin pour s'y rendre.»(6) Clotaire Denis fait l'élevage à Witchekan pendant six ans avant de revenir pour de bon à Saint-Denis.

La crise économique des années 1930 verra bon nombre de familles quitter définitivement la paroisse de Saint-Denis. Deux autres familles, les Grisé et les Raymond quittent mais reviennent quelques années plus tard. Aujourd'hui, beaucoup des descendants des premiers colons habitent toujours Saint-Denis.

En 1913, on souhaitait la construction d'un embranchement de chemin de fer avant longtemps; les rumeurs voulaient même que cette ligne serait construite avant un an. «Les distances à parcourir pour aller à la Messe, pour trouver un médecin, pour se procurer du chauffage, pour acheter quelques provisions sont très grandes. Les parcours se font lentement à l'aide de boeufs ou quelquefois de chevaux.»(7) Malheureusement, Saint-Denis est voué à se passer d'un chemin de fer. Deux lignes ferroviaires, une au nord traversant Vonda et l'autre au sud à Elstow, voudront dire que les fermiers de Saint-Denis devront continuer à transporter leur grain environ douze milles pour le livrer à l'élévateur.


Au début de l'établissement de la paroisse de Saint-Denis, les nouveaux colons se sentent parfois isolés, étant loins du chemin de fer. «Les distances à parcourir pour aller à la Messe, pour trouver un médecin, pour se procurer du chauffage, pour acheter quelques provisions sont très grandes. Les parcours se font lentement à l'aide de boeufs ou quelquefois de chevaux.»(8)

Il est alors peu surprenant qu'ils cherchent à établir chez-eux certains commerces qu'ils auraient trouvés ailleurs. Si en 1913, on attend avec impatience l'arrivée d'un M. Tremblay qui doit ouvrir un magasin dans la communauté, il n'est pas le premier à tenter l'expérience. «Le petit magasin de St-Denis existait déjà lorsque les gens y arrivèrent en 1910. Le bureau de poste qui s'y trouvait était géré par les marchands du magasin à partir de 1915.»(9)

Donatien Frémont, dans son livre Les Français dans l'Ouest canadien, nous révèle que le premier bureau de poste est établi en 1907. «En 1907, le groupe obtint un bureau de poste. À l'unanimité on choisit de l'appeler Saint-Denis, et le nom passa à la paroisse.»(103) Ailleurs on apprend que de 1911 à 1915, l'abbé Francis Bergeron s'occupe du bureau de poste.

En 1913, Elzéar Tremblay arrive dans la paroisse pour y ouvrir un magasin. Dans leur livre, Semences 1905-1980, Mesdames Rose Raymond et Régina Denis écrivent qu'un nommé Jean-Baptiste April aurait aussi tenu un magasin en 1913. Toutefois, elles ne précisent pas s'il s'agit de deux magasins ou d'un seul.

Phidime et Évangeline Belec prennent en main le magasin et le bureau de poste de Saint-Denis en 1915. Ils en sont les propriétaires pendant quatre ans. Entre 1919 et 1930, il y a une succession de propriétaire au magasin: Gauthier, Cloutier, Bénard, Lepage et Phaneuf. En 1930, Julien Bénard revient à la tâche qu'il a occupée de 1925 à 1928, celle de maître de postes.

«C'est à ce moment que son fils Albert seconde son père et devient propriétaire du magasin jusqu'à l'inauguration d'un autre magasin dans des locaux plus spacieux. Au moment où Albert Bénard devint gérant du magasin il fit l'acquisition d'un petit camion afin de transporter ses marchandises de la ville de Saskatoon. Il y transporta beaucoup de bidons de crème pour les fermiers et au voyage de retour en plus des épiceries et quincaillerie il avait de nombreuses commissions pour les paroissiens. Ces derniers n'allaient pas très souvent en ville. M. Bénard vendait de l'essence à la pompe également.»(11)

Albert Bénard continue à opérer son magasin à Saint-Denis jusqu'à sa retraite en 1980. Depuis, les gens de Saint-Denis ont réussi à maintenir un magasin en y adoptant une formule coopérative; les résidants sont propriétaires du magasin.

À part d'un magasin général, les gens de Saint-Denis ne réussissent jamais à attirer de commerce dans leur communauté. L'absence de chemin de fer y en est pour beaucoup. Le magasin offre donc le maximum de services possibles à la clientèle locale - essence, épicerie, quincaillerie et même engrais chimiques, herbicides et pesticides.

La communauté de Saint-Denis n'est donc pas chanceuse lorsque vient le temps d'attirer le chemin de fer ou des commerçants. Les premières années, les colons se fient beaucoup sur les services que peut lui offrir le village de Vonda. «Les gens de St-Denis dès l'année 1927 ont eu le bénéfice de services téléphoniques ruraux par la compagnie Vonda Rural Telephone Co. Le bureau central existait déjà au village de Vonda, donc les lignes rurales qui desservaient St-Denis s'y joignaient.»(12) Pierre Hounjet est le premier président de la «Vonda Rural Telephone Co.», tandis que Clotaire Denis, père, et Victor Détillieux sont parmi les premiers directeurs. La compagnie continue à desservir la région jusqu'au début des années 1970.

Aujourd'hui, avec l'amélioration des routes, et à cause de sa proximité de Saskatoon, les gens de Saint-Denis se rendent en ville pour la plupart de leurs achats (certains y vont même cinq ou six fois par semaine). D'autres, les descendants des pionniers Denis, Hounjet, Labrecque, Lepage, et Leblanc, tout en continuant à vivre à Saint-Denis, se rendent tous les jours à Saskatoon où ils ont leur emploi.

Rares sont ceux qui se souviennent des difficultés qu'ont vécues leurs parents et grands-parents lorsqu'ils sont arrivés dans la région il y a plus de 80 ans. Rares sont ceux qui se souviennent des voyages pénibles effectués en hiver pour se rendre à Vonda ou à Elstow pour faire les «commissions». Rares sont ceux qui se souviennent d'un jeune Jean Contrasti. «Le fils d'un pionnier français, Jean Contrasti, se rend à pied un jour à Elstow (village à une douzaine de milles) pour acheter des provisions. En revenant, il s'égare dans l'obscurité et il meurt gelé à environ un demi-mille de chez lui.»(13)

Référence

(1) Comité historique familial, Denis: Une histoire de famille/A family history, Saint-Denis, 1983, p. 62.
(2) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les éditions du blé, 1980, p. 122.
(3) Raymond, Rose et Denis, Régina, Semences 1905-1980, Saint-Boniface: Avant-Garde/Graphiques, 1981, p. 17.
(4) Ibid., p. 71.
(5) Frémont, op. cit., p. 123.
(6) Comité historique familial, op. cit., p. 63.
(7) Raymond, Rose et Denis, Regina, op. cit., p. 17.

(8) Raymond, Rose et Denis, Régina, Semences 1905-1980, Saint-Boniface: Avant-Garde/Graphiques, 1981. p. 17.
(9) Ibid. p. 82.
(10) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les éditions du blé, 1980. p. 123.
(11) Raymond, Rose et Denis, Régina, Op. cit. p. 82.
(12) Ibid. p. 87.
(13) Ibid. p.17.

Sources

Un bout d'histoire... 59 et 60

Comité historique familial, Denis: Une histoire de famille/A family history, Saint-Denis: 1983.

Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les éditions du blé, 1980.

Raymond, Rose et Denis, Régina, Semences 1905-1980, Saint-Boniface: Avant-Garde/Graphiques, 1981.





 
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