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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des lieux

Saint-Brieux

Visite pastorale de S.G. Mgr Pascal, O.M.I. à St-Brieux. Aperçu historique de la colonie bretonne de St-Brieux. La première mission. En 1903 et 1904, M. l'abbé Le Floch parcourait la Bretagne donnant ici et là des conférences sur l'Ouest canadien et mettant en évidence les grands avantages que le colon breton pouvait y trouver en venant avec sa famille. Ces conférences eurent un grand succès et en avril 1904, 300 Bretons des Côtes d'Amor et du Finistère embarquèrent à St Malo avec M. Le Floch sur le bateau “Le Malou”.

Le Patriote de l'Ouest
le 3 juillet 1913
Un bout d'histoire (96)

L'abbé Paul LeFloc'h était originaire de la Côte-du-Nord en France. Il était venu au Canada en 1903 où il avait fait la connaissance, à Prince Albert, de Mgr Albert Pascal, o.m.i., évêque du diocèse, qui lui avait demandé de retourner dans son pays natal pour recruter des Bretons pour le peuplement de l'Ouest canadien.

Avant de regagner la vieille France, l'abbé Le Floc'h avait visité la région de Prince Albert, s'étant rendu jusqu'au lac Lenore. À Flett's Spring, quelques milles au nord du lac, il avait fait la connaissance du père Adrien Maisonneuve qui avait établi une petite mission à cet endroit. Les deux hommes avaient exploré la région au nord du lac et l'abbé Le Floc'h avait constaté que l'endroit serait favorable à l'agriculture. Il était alors retourné en Bretagne où il avait passé l'hiver à donner des conférences ici et là. Le printemps suivant, il avait recruté 300 personnes intéressées à recommencer leur vie au Canada.

Le voyage des Bretons n'est pas facile. Le 1er avril 1904, ils quittent le port de St-Malo à bord du navire, «Le Malou». «La traverse fut longue et pénible. Le 15 avril, “Le Malou” fit escale à St Pierre et Miquelon. Bloqué par la glace, il ne put en repartir que le 21 pour arriver à Halifax le 23 en terre canadienne, terre de foi et de liberté que les malheurs de la France ont dû céder à l'Angleterre.»´(1)

Un des colons bretons, François Le Briqueur, a décrit cette traversée de l'océan Atlantique en plus de détails dans une lettre à ses parents: «Je ne suis partis de Saint-Malo le premier Avril, à 7 heures du mantin. On a pas eu du beau temps pour aller jusqua Saint-Pierre, mais malgré cela je ne suis pas été malade, ni les autres non plus, excepté Anne a eu un peu le mal de mer et les plus grands des enfants la petite n'a pas eut le mal de mer. On a mis quinze jours pour aller jusqua Saint-Pierre à cause de la brume parce que les navires quand il y a de la brume ne marche pas vite. On était rendue à Saint-Pierre le 11, ont appercevait la terre à cinq heures du mantin, ont était rentré au port à neufs heures, ont était resté jusqua le 21.»(2)

Si François Le Briqueur ne semble pas avoir trouvé la traversée difficile, d'autres ne partagent pas cet avis. Un d'entre eux, Denys Bergot, écrivait dans ses mémoires 25 ans plus tard: «Nous sommes en pleine mer depuis cinq jours déjà; la tempête commence et le roulis se fait sentir. La nuit précédente il a été impossible de dormir car les plats en fer blanc qui servent aux repas ont été laissés sur le plancher et, avec les roulis, ils valsent d'un bord à l'autre faisant un vacarme épouvantable. La mer devient de plus en plus grosse; les passagers mal à l'aise sont sans appétit. La brume commence et la sirène fait entendre ses sons lugubres à des intervalles de plus en plus rapprochés; je veux monter sur le pont, mais, à cause du danger, je suis invité à l'évacuer. Tout naturellement les vers de Botrel me viennent à la mémoire...Ohé, matelot, connais-tu la brume? C'est la cheminée de l'enfer qui fume.»(3)

Les voyageurs sont servis comme du bétail sur le navire. «Les repas étaient servis dans des plats pour dix personnes. Comme il n'y avait ni table ni banc, les plats étaient posés à même le plancher et chacun venait se servir tant bien que mal, comme il le pouvait.»(4) Le voyage n'est certainement pas la croisière en mer qu'on connaît aujourd'hui. Et si manger comme du bétail n'est pas la pire chose, il y a bien sûr la monotonie, car sur le bateau il n'y a rien à faire, sauf attendre; attendre d'être arrivé au prochain port.

Bien sûr, les Bretons n'ont pas fini avec la monotonie, même une fois rendus à Saint-Pierre. C'est le printemps, et la glace bloque le port de mer; les Bretons doivent donc attendre six jours avant de poursuivre le voyage jusqu'à Halifax en Nouvelle-Écosse. Durant ce séjour inattendu, les adultes doivent distraire les jeunes en organisant des danses; les vieux entonnent de vieilles chansons et les jeunes dansent les rondes de leur pays. Un pionnier s'est empressé d'ajouter à propos de cette activité: «Voilà des danses certes que l'Église aurait approuvées; ce n'est pas le Fox Trot.»(5)

Enfin, le paquebot se rend à Halifax et les colons recrutés par l'abbé LeFloc'h peuvent prendre le train pour l'Ouest canadien. Malheureusement, ils n'en ont pas fini avec la monotonie, car une fois rendus en Saskatchewan, ils connaîtront bien d'autres retards avant de pouvoir se rendre à Saint-Brieux.

Un bout d'histoire (97)

Lorsque les colons bretons montent sur le train à Halifax, ils doivent être transportés jusqu'à Prince Albert, dans le district de la Saskatchewan, Territoires du Nord-Ouest. Ils mettent quatre jours de Halifax à Winnipeg et comme le voyage sur le Malou, le trajet en train est monotone.

À Winnipeg, certains du groupe quittent pour aller s'établir à Sainte-Rose du Lac au Manitoba. Seulement une trentaine de familles viendront s'établir en Saskatchewan, à Saint-Brieux et à White Star.

Ceux qui poursuivent le voyage jusqu'à Prince Albert espèrent qu'ils en ont fini avec la misère, mais tel ne sera pas le cas. François (Le Briqueur), dans sa lettre à ses parents, nous explique les nouveaux problèmes que rencontrent les Bretons. «Alors après quattre jours de chemin de fer on est arretter à Winépec et on est arretté 24 heures. Ensuite on a encore repris le train le jeudi soir et le lendemain vendredi mantin on est arrivé ici à Qu'appelle par conséquent on est ici depuis le 29. Et on ne s'est pas encore quand nous partiron à cause d'une inondation d'eau qui a fait dégringoler un pont un peu plus loin que Régina.»(6) Les immigrants doivent quitter le Canadien Pacifique à Regina et monter sur une locomotive de la compagnie Qu'Appelle, Long Lake and Saskatchewan Railway. La ligne de cette compagnie ferroviaire traverse la vallée Qu'Appelle à Lumsden et c'est à cet endroit qu'un pont a été enlevé par une inondation. Le groupe doit attendre douze jours à Qu'Appelle avant de continuer son voyage jusqu'à Prince Albert.

Ils sont alors pris à Qu'Appelle pour plusieurs jours et la compagnie de chemin de fer est obligée d'assumer les coûts d'hébergement des immigrants. Chaque matin, l'abbé LeFloc'h dit la messe et ensuite, puisqu'ils n'ont rien d'autre à faire, les hommes vont à la chasse. François (Le Briqueur) rapporte qu'il «ne retourne jamais bredouille car le gibier abondent et le temps est superbe pour promener.»(7)

Lorsque le pont à Lumsden est finalement réparé, on poursuit le voyage jusqu'à Saskatoon. Arrivé au sud de cette dernière ville, les Bretons apprennent qu'ils seront à nouveau retardés, car le pont qui traverse la rivière Saskatchewan Sud a été endommagé par une inondation et il faudra traverser la rivière en bateau.

Saskatoon en 1904 est loin d'être la grande ville cosmopolitaine qu'elle est aujourd'hui; c'est une simple petite colonie de tempérance sur la rive sud-est de la rivière, colonie fondée en 1883. De l'autre côté de la rivière, il y a un autre village comprenant quelques maisons et commerces, une église de bois et un hôtel. Si la colonie de tempérance est sèche, la vente d'alcool est permise dans le village sur le côté ouest de la rivière. Pour certains colons bretons, c'est une occasion de se mouiller le gargoton. «Nous ne nous arrêtons pas, car le train à destination de Prince Albert est en gare; toutefois en passant devant la buvette de l'hôtel, mon ami le «Chasseur» ne peut résister à la tentation de se rafraîchir; il entre donc, mais s'attarde un peu trop et il arrive à la gare pour apercevoir le train qui s'éloigne déjà à toute vitesse.»(8) Ce consommateur solitaire a dû, bien sûr, attendre le prochain train. Ce ne sont pas seulement les dangers de la route qui retardent les voyageurs.

C'est le 12 mai que les nouveaux colons arrivent à Prince Albert. Un voyage qui aurait dû prendre au maximum vingt et un jours en a pris quarante-deux. Les Bretons sont fatigués et découragés lorsqu'ils descendent enfin du train à Prince Albert. Une pluie et un ciel sombre et nuageux ne font rien pour améliorer l'humeur des voyageurs. «Inutile de dire qu'après un tel voyage les Bretons étaient découragés, tristes et abattus, mais l'accueil si paternel que leur fit Mgr Pascal, O.M.I., évêque de Prince Albert, ranima leur courage. À cette époque, l'évêque de Prince Albert était bien pauvre; c'était réellement l'évêque missionnaire n'ayant pour toutes ressources que les aumônes de la Propagation de la Foi et de la Sainte-Enfance. Mgr n'écouta que son grand coeur. Ces Bretons étaient désormais ses enfants et il se montra leur père. Pendant dix jours, il les nourrit et les logea à ses frais à l'évêché même tendant ainsi aux Bretons ce qu'ils avaient fait chez eux pour la Propagande de la Foi, l'aumône profite toujours à ceux qui la font.»(9) Et malgré l'accueil que leur réserve Mgr Pascal, nos voyageurs ne sont pas encore rendus à Saint-Brieux.

Un bout d'histoire (98)

Avant d'entreprendre le trajet jusqu'à Flett's Spring, les colons bretons achètent des chariots et des chevaux à Prince Albert, ainsi que des provisions, car un an s'écoulera peut-être avant qu'ils puissent revenir en ville. «Prince Albert n'était pas le terme de ce long voyage. M. l'abbé Le Floc'h avait choisi le lac Le Nore pour sa colonie bretonne. Encore 82 milles à faire par des chemins impossibles.»(10)

Le père Maisonneuve, o.m.i., missionnaire à Flett's Spring vient les rejoindre à Prince Albert; il leur servira de guide. Au début, hommes, femmes et enfants trouvent le voyage en chariot agréable, mais, les choses changent vite. Bientôt, on arrive à des pistes défoncées par des pluies récentes. Pour ne pas s'embourber dans la boue, les pionniers doivent quitter la piste et se tracer un nouveau chemin dans le bois; les femmes conduisent les chevaux tandis que les hommes sortent leur hache pour clairer ou ouvrir une nouvelle route.

À la fin de la première journée, la caravane arrive à la rivière Saskatchewan Sud à quelque vingt kilomètres de Prince Albert. Ils passent la nuit près de la rivière et le lendemain matin ils traversent la rivière sur un bac, puis reprennent leur chemin. La piste les conduit jusqu'à Birch Hills où ils aperçoivent des champs ensemencés et quelques maisons.

Le deuxième soir, ils s'arrêtent près d'un petit lac entre Birch Hills et Kinistino. À cet endroit, il y a une petite école de campagne et puisque plusieurs colons n'ont pas de tente, ils trouvent refuge dans l'école.

Le troisième jour, la caravane traverse la petite rivière Carotte. Près de la rivière, il y a un magasin où ils espèrent pouvoir acheter certaines provisions. «Mais quand nous arrivons toute la provision a été enlevée par ceux qui nous précèdent, et force nous est de chercher ailleurs.»(11) Ne pouvant pas acheter de provisions au magasin, ils doivent dépendre des résultats de la chasse pour se nourrir et heureusement le gibier, la perdrix surtout, est en abondance dans la prairie. La pluie a été remplacée par le soleil et par une multitude de fleurs de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. «La prairie est émaillée de fleurs aux riches couleurs et aux nuances les plus variées: anémones, roses sauvages, clochettes bleues et pâquerettes jaunes se marient pour former un ensemble harmonieux.»(12)

La caravane arrive enfin à Flett's Spring. Si les Bretons pensaient retrouver le même type de village dans le district de la Saskatchewan qu'ils avaient laissé deux mois plus tôt en Bretagne, ils se trompaient. Flett's Spring est seulement une ou deux maisons autour de l'église et du magasin. «Quelle n'est pas notre surprise de constater que Flett's Spring est tout simplement le nom donné à un bureau de poste; tout comme dans le pays que nous venons de traverser, les habitations sont à une grande distance les unes des autres.»(13) À part du bureau de poste et du magasin, Flett's Spring compte aussi la mission du père Maisonneuve.

Cinq jours après leur départ de Prince Albert, le groupe arrive à un endroit, environ 12 milles au sud de Flett's Spring, qu'il surnomme «la Plaine », futur emplacement de la communauté de Saint-Brieux. «On arriva le 21 mai; une tente commune est construite dans la plaine. Le 22, dimanche, M. Le Floc'h célébra la première messe et le 23, en mémoire de la prise de possession du Lac Nore, on y éleva une croix. Cette place s'appelle aujourd'hui St-Brieux. La maison-chapelle de M. l'abbé Le Floc'h, bâtie sur le bord du lac, en est encore la seule église.»(14)

Parmi le premier groupe de colons venus de la Bretagne avec l'abbé Paul Le Floc'h en 1904, nous reconnaissons les noms de Pierre Rocher, Denys Bergot, Joseph Briand, Jean-Marie Gallais, Mathias Buzit, Jean Lucas, Yves Olivier, Jacques Larmet, Marie Creurer, Joseph Creurer, Jules Daubenfeld, François et Michel Fagnou, Joseph Le Jan, Jean Leray, Augustin Male, Yves Mazévet, François Rouault, Alexis Albert, Pierre Froc, Pierre et Alain Mao, Yves Rallon, Victor Quiniou, Théophile Rudulier Jean-Pierre Thébaud, François Tinevez et Yves Le Floc'h..

Bientôt, ils auront bâti une nouvelle communauté au sud de Prince Albert. «Honneurs à ces braves pionniers, grâce à leur courage et à leur vaillance bretonne ils ont réussi. D'autres sont venus se joindre à eux et avant longtemps il y aura, sur les rives du lac Le Nore, deux belles paroisses: celles de St-Brieux et Kermaria.»(15)

Références

(1) «Visite pastorale de S.G. Mgr Pascal, O.M.I. à St Brieux», Le Patriote de l'Ouest, le 3 juillet 1913, p. 6 et 7.
(2) Comité historique de Saint-Brieux, Historique de St-Brieux 1904-1979, Saint-Boniface (Man.): Maison Avant-Garde/Graphiques, 1981, p. 227. Lettre de François (Le Briqueur) du 6 mai 1904. Les nombreuses erreurs de français de cette lettre ont été conservées.
(3) Bergot, Denys, Réminiscences d'un pionnier, 1904-1929, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan, p 8 et 10.
(4) Ibid., p. 8 et 10.
(5) Ibid., p. 12.
(6) Comité historique de Saint-Brieux, Historique de St-Brieux 1904-1979, Saint-Boniface (Man.): Maison Avant-Garde/Graphiques, 1981, p. 227.
(7) Ibid., p. 227.
(8) Bergot, Denys, Réminiscences d'un pionnier, 1904-1929, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan, p. 18.
(9) «Visite pastorale de S.G. Mgr Pascal, O.M.I. à St Brieux», Le Patriote de l'Ouest, le 3 juillet 1913.
(10) «Visite pastorale de S.G. Mgr Pascal, O.M.I. à St Brieux», Le Patriote de l'Ouest, le 3 juillet 1913, p. 6 et 7.
(11) Bergot, Denys, Réminiscences d'un pionnier, 1904-1929, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan, p. 24.
(12) Ibid., p. 26.
(13) Ibid., p. 26.
(14) «Visite pastorale...», op. cit., p. 6 et 7.
(15) Ibid., p. 6 et 7.

Sources

Bergot, Denys, Réminiscences d'un pionnier, 1904-1929, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan.
Comité historique de Saint-Brieux, Historique de St-Brieux 1904-1979, Saint-Boniface (Man.): Maison Avant-Garde/Graphiques, 1981.
«Visite pastorale de S.G. Mgr Pascal, O.M.I. à St Brieux», Le Patriote de l'Ouest, le 3 juillet 1913.





 
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