Des histoiresRoue à chienL'approvisionnement en eau potable a longtemps constitué un problème de taille dans les exploitations agricoles de la prairie et, dans une moindre mesure, du parkland. Au tout début, on se contentait de puiser l'eau des étangs et des ruisseaux ou de faire fondre de la neige en hiver. Mais des épidémies de fièvre typhoïde causées par l'accumulation des déchets d'animaux dans les eaux de surface entraînèrent de nombreux décès, surtout parmi les enfants. Il était donc plus sage de ne boire que de l'eau tirée d'un puits. Un très grand nombre de pionniers creusèrent leur puits au pic et à la pelle, tâche dure et parfois dangereuse à cause des gaz mortels qui s'accumulaient au fond du trou. L'introduction de foreuses simples, mues par un cheval tournant en rond ou par un petit moteur à essence, facilita le creusage de puits sur toutes les fermes. Il ne restait plus alors qu'à amener l'eau à la surface.
L'installation d'un «moulin à vent» libérait la famille de ce fardeau quotidien. Monté au sommet d'une tour, le moulin actionnait la pompe aussi longtemps que le vent soufflait. On pouvait également se servir d'une pompe mue par un «engin stationnaire». Mais ces systèmes avaient le double désavantage de coûter passablement cher à l'achat et d'exiger un entretien régulier. Plusieurs agriculteurs préféraient installer une roue à chien. La roue était généralement de fabrication artisanale et, donc, ne coûtait presque rien. Elle mesurait de deux à trois mètres de diamètre; la largeur variait selon la taille du chien, mais il fallait habituellement prévoir une piste libre d'une bonne soixantaine de centimètres. Une extrémité de l'axe central formait un excentrique qui permettait de transformer le mouvement rotatif en mouvement de va-et-vient. Quelques chiens refusaient obstinément de courir dans la roue. Craintifs à la seule vue de l'appareil, ils se couchaient dès qu'on les y menait et nulle menace ou punition n'aurait pu les décider à bouger. Néanmoins, la plupart des chiens se prêtaient volontiers à l'exercice. La façon la plus simple d'entraîner l'animal consistait à l'attirer tout d'abord dans la roue en lui offrant des morceaux de viande. Une fois en place, on tournait doucement la roue pour l'obliger à marcher, sous peine d'être entraîné par le mouvement et de faire une culbute. Avec un peu de patience et d'encouragement, on pouvait enseigner au chien à faire démarrer seul la lourde roue et à courir à un rythme régulier. Les plus intelligents apprenaient même à vérifier le niveau de l'abreuvoir lorsque le bétail revenait des champs, puis à sauter dans la roue et à courir jusqu'à ce qu'il commence à déborder. Quelques chiens prenaient même goût à leurs randonnées circulaires. Ernest Marcotte, de la région de Prud'homme, raconte qu'un jour, en son absence, ses deux chiens s'encouragèrent mutuellement et pompèrent suffisamment d'eau pour couvrir le plancher de sa grange. La roue amusait aussi les enfants qui grimpaient à l'intérieur pour courir comme des... chiens. Mais ils se fatiguaient vite de cet exercice et en venaient à des jeux plus excitants. Ils se couchaient au fond de la roue, saisissant un rayon au-dessus de leur tête, de chaque côté, et se calant solidement les pieds contre deux autres; un frère ou un ami complaisant faisait alors tourner l'appareil le plus vite possible; les intrépides casse-cous pirouettaient ainsi jusqu'à ce qu'ils soient tout à fait étourdis. Les jours où les petits cousins de la ville venaient en visite, on pouvait être certain que le réservoir allait être archi-plein, et même que la cour allait être transformée en bourbier! Avec l'extension du réseau électrique provincial dans les zones rurales durant les années 1950, la pompe électrique remplaça l'ancienne pompe à bras et la roue à chien disparut en même temps. Dans sa publicité pour amener les agriculteurs à installer l'électricité, la société d'État Saskatchewan Power insistait sur le fait qu'il aurait fallu deux jours entiers à l'homme à gages pour pomper la même quantité d'eau qu'un seul sou d'électricité. |
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