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Société historique de la Saskatchewan

Des gens

Rosario Morin, médecin

C'est l'époque où plusieurs familles québécoises, sous l'influence notamment des abbés Gravel et Royer, choisissent d'émigrer dans le Sud de la Saskatchewan. Ainsi, en 1910, quelques familles de Sainte-Claire-de-Dorchester - Chabot, Fournier, Fauchon - effectuent ce périple. En compagnie de son fils Florent, Anastasie Nadeau, veuve de Joseph Morin, s'établit dans la région de Mankota, près de Ferland, en 1911. Cette dernière tente ensuite de convaincre un autre de ses fils, Adonias, de quitter Saint-Bernard-de-Beauce et de les rejoindre avec sa conjointe, Émilienne Labbé, et leurs enfants.
En 1914, Adonias Morin trouve un lot intéressant dans la région, vend sa terre au Québec, et arrive à Ferland avec sa famille en mars 1915. Leur premier enfant à naître dans l'Ouest, Gabrielle, pourtant vigoureuse, décédera en mars 1917. Cet événement parmi d'autres, en plus de la santé parfois fragile de leur mère, devait-il être le présage de la vocation des deux enfants suivants qui deviendront médecins : Léonard et Rosario ? D'ailleurs, un autre fils de la famille, Jean-Marie, choisira également la médecine.

Les conditions sont difficiles. Né le 16 février 1919, Rosario accompagne initialement sa mère et sept de ses neuf frères et soeurs lorsqu'en mars 1923, ils décident, à la suite d'une correspondance avec une dame Beauchesne, anciennement de Ferland puis émigrée dans cette région, de s'établir dans la vallée Yakima, dans l'État de Washington. Le printemps est précoce. Les récoltes de fruits et de houblon sont bonnes. Le petit Rosario s'adapte bien à son entourage et son père doit le rappeler à l'ordre : « Dans la maison on parle français » lui intime-t-on.

En 1927, plutôt que d'adopter la nationalité américaine, la famille choisit de revenir à Ferland. L'école du village est érigée en 1928 et lorsqu'en septembre Rosario se présente en classe, son institutrice le considère analphabète. Néanmoins, en 1928-1929, Rosario complétera le programme des deux premières années. Il a dix ans. Ne redoutant pas le travail rude, toute sa jeunesse Rosario aimera la vie à la campagne : les battages, monter à cheval, trouver et ramener le troupeau à la fin de la journée. Néanmoins, c'est l'époque du Ku Klux Klan et de ses campagnes anti-religieuses et, à partir de la sécheresse de 1929, l'agriculture est très pénible à l'aube de la crise économique des années 1930, laquelle aura un fort impact psychologique sur la population. Malgré les temps difficiles, une belle solidarité familiale existe. Beaucoup d''amour entre les parents et envers les enfants.

En 1933, Rosario effectue sa 9e année par correspondance, selon l'usage de ceux désirant poursuivre leurs études. En septembre 1934, il fait son entrée au Collège Mathieu et amorce son cours classique. À l'instar de beaucoup de jeunes, cet établissement produit un grand effet sur le jeune Rosario. Le nombre d'élèves, les dortoirs et exigences lui sont difficiles. Il se sent «pris au lasso» et développe un intérêt marqué pour la lecture. Toutefois, toute sa vie durant, il sera reconnaissant envers les enseignements reçus et l'influence de la pensée thomiste. De même, les efforts immenses déployés par ses parents afin de défrayer ses études en ces années très difficiles lui sont inestimables. En 1938, en classe de rhétorique, au moment d'opter pour son avenir professionnel, il choisit de devenir prêtre diocésain et entre au Séminaire de Mazenod en compagnie de Roger Ducharme et Adrien Chabot. Toutefois, en 1941, il décide de ne pas poursuivre dans cette voie.

Durant l'été, son frère Léonard le convainc, après avoir obtenu le soutien financier de Joseph, leur frère aîné, de faire une demande et d'entrer à l'École de médecine de l'Université Laval, au Québec. D'un esprit curieux et persévérant, Rosario s'intéresse à toutes les questions, assiste aux enseignements spécialisés, dès la fin de son enseignement théorique en mai 1944. Poser le bon diagnostic et effectuer l'intervention appropriée deviendront ses préoccupations de chaque instant. En mai 1945, ils obtiendront leur doctorat en médecine. À ce moment, Rosario joint l'armée active, s'étant porté volontaire dès 1943, et soignera les soldats sur les bateaux.

En 1946, Rosario devient médecin à Antler, dans l'Est de la Saskatchewan. C'est à ce moment qu'il revoit une jeune fille ayant déjà attiré son attention : Cécile Piché. En juillet 1948, Rosario prépare son retour au Québec afin de se spécialiser en chirurgie. Il se rend voir Cécile qui habite avec sa famille à Kamloops, en Colombie-Britannique. En septembre, elle aura 20 ans. Ils décident de faire des plans d'avenir : un an pour voir si «loin des yeux...». Ils se fianceront aux Fêtes et, le 11 juillet 1949, le mariage sera célébré à Kamloops. Durant son voyage de noces le menant jusqu'au Manitoba, il apprend qu'un poste de médecin s'est libéré à Ponteix et décide de s'y consacrer. Neuf mois plus tard, à la suite de la retraite du Dr Antoine Soucy à Gravelbourg, Rosario reçoit un appel d'un de ses anciens professeurs, le père Wilfrid Piédalue. Il arrive donc à Gravelbourg en juin 1950 et y deviendra omnipraticien, en plus d'oeuvrer en obstétrique et en chirurgie générale. Ses deux premiers enfants, Claude et Gilles, naîtront à 13 mois d'intervalle, respectivement en août 1950 et en septembre 1951. Et ainsi de suite : Maurice (mai 1953); Louis (mars 1954); Francine (juin 1955); Marielle (août 1956). Roger (juin 1957) ne vivra que quelques heures. Naîtront ensuite Benoît, René, Guy et Marcel.

De plus, ses implications sociales sont nombreuses. Dès le printemps 1948, on avait fait appel à lui afin d'organiser une levée de fonds pour établir un poste de radio française dans le Sud de la Saskatchewan et en accepter la présidence. Le 2 juin 1952, CFRG entre en ondes. Il en sera le président jusqu'en 1960, puis de 1970 jusqu'à la vente du poste en 1972. Dès 1951 et jusqu'en 1968, il enseigne l'anatomie et la physiologie au Collège Mathieu, et ce gracieusement, en reconnaissance des Oblats lui ayant procuré sa première éducation. Au début des années 1960, il est membre fondateur de l'Association coopérative de placement rural. Il contribue également à la vie économique de Gravelbourg en acquérant divers commerces, quelques terres, etc. Ses parents et plusieurs membres de sa famille contribueront à la bonne marche de toutes ces entreprises.

Dès 1955, son frère Jean-Marie, lui aussi médecin, achète la pratique d'un confrère quittant pour le Manitoba et s'établit à Laflèche. Il épaulera Rosario lors d'interventions chirurgicales jusqu'en 1962, moment où il décide de s'établir à Pincourt, au Québec. Cela facilitera les nombreux déplacements au Québec que doivent effectuer Cécile et Rosario afin d'obtenir des traitements pour leur dernier-né, Marcel (septembre 1962), atteint de malformation cardiaque et vasculaire et de phocomélie. Cette situation n'est sans doute pas étrangère au fait que le couple décide de déménager également à Pincourt, en août 1976. Au cours des cinq années suivantes, Marcel subira trois opérations. Toutefois, malgré ces années difficiles, Marcel atteindra 1m85, obtiendra une formation universitaire et, ayant hérité de l'esprit curieux de son père, développera une grande culture en plus d'un talent marqué pour la peinture.

À partir de son arrivée au Québec en 1976, Rosario travaille en médecine clinique et effectue des chirurgies mineures. En 1988, il prend sa retraite et se consacre notamment à la rédaction de son autobiographie. Le 22 septembre 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de l'obtention de son diplôme en médecine, il reçoit une médaille honorifique de l'Université Laval soulignant son dévouement, sa compétence et sa grande habileté. Il décède le 15 janvier 2004, à l'hôpital Lakeshore, où il connaissait plusieurs médecins.

Rémy Lapointe 26.02.2004

(Source: Amour, Médecine et Vie - Rosario Morin - Éditions des Plaines - 1993.)







 
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