Revue historique: volume 15 numéro 4Revendiquer la télévision française en SaskatchewanLa production locale en français ... par Frédéric Roussel Beaulieu Vol. 15 - no 4, juin 2005 Troisième partie
Un centre de production local en Saskatchewan Les plans de la SRC concernant la production locale dans les stations de CBC et de Radio-Canada en Saskatchewan reposaient sur la construction d'une Maison de Radio-Canada à Regina. Cet édifice devait regrouper les équipes anglaises et françaises de la radio et de la télévision. La SRC estimait que le regroupement dans un seul édifice des effectifs et des équipements de Regina et de Moose Jaw faciliterait la production d'émissions de qualité. La construction d'un centre de diffusion unifié est proposée dès l'arrivée de CBC dans la province cri 1969, mais sa planification n'a réellement débuté qu'en 1976(1). Entre-temps, la SRC a tenté d'accommoder la station de Regina en aménageant un studio temporaire sur la rue Smith. (Voir la Revue historique, Volume 15, no 3). En 1976, le site de la future Maison de Radio-Canada est choisi. La SRC a signé un bail emphytéotique de 99 ans pour un terrain de 4,2 acres situé dans le Parc Wascana entre les rues College et Broad. La SRC confia la réalisation du projet à la société d'architecture Wiens & Associates Ltd. La construction de l'édifice au 2440 de la rue Broad fut retardée à plusieurs reprises en raison de compressions budgétaires. Le lundi 13 avril 1981, le président de la SRC, Al Johnson, annonça que les travaux allaient finalement débuter en mai 1981. L'année suivante, le chantier fut perturbe var une crève de sent mois dans le secteur de la
construction. Il fallait attendre une autre année avant d'annoncer l'ouverture de la Maison de Radio-Canada. Les nouveaux studios ont été officiellement inaugurés le 25 octobre 1983, mais les activités de production avaient débuté quelques semaines plus tôt en septembre. Ces installations, que l'on qualifiait à l'époque des plus modernes et des plus sophistiquées au Canada, avaient une superficie de 13 000 mètres carrés répartis sur trois étages. Ils comprennaient trois studios de télévision, trois salles de contrôle, neuf studios pour la radio et autant de salles de contrôle, de l'espace pour la technique, des bureaux pour la production et l'administration. La gestion de l'édifice et du service technique était confiée à CBC qui était l'hôte de CBKFT. À ce sujet, la SRC applique à Regina les principes de gestion en vigueur ailleurs au Canada.
Entre 1983 et 1996, la situation a évolué vers une plus grande autonomie des télévisions anglaise et française sur le plan technique. Aujourd'hui, chacun possède ses studios et ses équipements. Le personnel aussi est distinct, mais il y a tout de même une collaboration entre les deux services, concernant les caméramens notamment. Fait étonnant, cet édifice moderne a été construit dans un contexte de compressions budgétaires. Comment peut-on expliquer cela? Comment se fait-il que la SRC a construit de nouveaux studios à Regina alors que des centres de production, dont Winnipeg et Toronto, avaient des besoins d'espace beaucoup plus pressants? Les réponses à ces questions se trouvent peut-être du côté des relations d'influence et des jeux de coulisse. Raymond Marcotte, directeur régional de Radio-Canada en Saskatchewan entre 1973 et 1988, a probablement joué un rôle important dans ce dossier. Selon Marcotte, lorsque Radio-Canada à Montréal a décidé d'implanter la télévision française en Saskatchewan et qu'elle a décidé qu'il devait y avoir de la production locale, Raymond David et son équipe ont réalisé qu'il faudrait des studios et des équipements techniques modernes'. Dès lors, des discussions ont commencé entre les services anglais et les services français de la SRC. Les premiers se voyaient toujours comme ceux qui prenaient les décisions, mais l'affaire traîna en longueur. Marcotte, Jean-Jules Trudeau et Guy Gougeon ont alors décidé de rencontrer Raymond David pour discuter de la situation. Ce dernier en vint à la conclusion que quoi que décideraient les services anglais, les services français achèteraient, loueraient ou bâtiraient quelque chose pour eux-mêmes. Marcotte, qui agissait alors comme porte-parole de David, présenta cette idée au cours d'une réunion de la haute direction à Toronto. L'expression des visages changea aussitôt et la décision fut prise d'aller de l'avant avec le projet de la rue Broad.Une autre personne originaire de la Saskatchewan a peut-être loué un rôle clé dans la
décision de construire l'édifice de Régina. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la SRC était présidée par AI Johnson, un ancien sous-ministre du gouvernement saskatchewanais. Marcotte et ses amis ont eu l'occasion de rencontrer Johnson pour lui exprimer leurs besoins et leurs désirs. Pour reprendre la question soulevée par Jean-François Dubois en 2002 dans 51 ans de radin, Tant de
choses à se dire, «est-il juste d'affirmer aujourd'hui que Raymond Marcotte, aidé de ses amis, a su tirer les bonnes ficelles politiques à l'intérieur comme à l'extérieur de RadioCanada pour convaincre les autorités qu'il était nécessaire de bâtir le centre de radiodiffusion de Regina ? » Selon Marcotte, c'est le cas «Il fallait que ça se fasse au niveau de Radio-Canada. II fallait que ça se fasse au niveau du cabinet provincial de la Saskatchewan. On avait de bonnes entrées et on s'en est servi!'» Mais Marcotte ne s'attribue pas tout le mérite. Dans une entrevue accordée à la rédaction de l'Eau vive en octobre 1983, il a souligné que la construction de l'édifice de la rue Broad était surtout le résultat des «énormes pressions» exercées par l'ensemble de la communauté fransaskoise auprès de différentes instances. Avec l'ouverture de la Maison de Radio-Canada à Regina, la Saskatchewan devenait une région de production et de diffusion distincte et autonome au sein de la société d'État. La priorité pouvait maintenant aller aux émissions de télévision locales. Puisque la télévision est le miroir de la population, Marcotte a promis qu'à compter de janvier 1984, «il y aura de quatre heures à quatre heures trente d'émissions françaises produites en Saskatchewan'». Il espérait même arriver à une production locale de sept heures par semaine dans peu de temps. Les débuts de la production locale à CBKFT Raymond Marcotte et son équipe n'ont pas attendu l'ouverture de la Maison de Radio-Canada pour commencer la production locale en français. En effet, les nombreux délais dans la construction du centre de diffusion rendaient la communauté fransaskoise de plus en plus impatiente et elle accentua ses pressions auprès de la direction locale de RadioCanada. Celle-ci a fait preuve d'initiative, dès la fin des années 1970. Lors de l'ouverture de CBKFT, il était entendu que la station diffuserait le Ce Soir, édition du Manitoba. Le superviseur des nouvelles à Winnipeg, Yvan Asselin, a alors affirmé que CBWFT essaierait de tenir compte de la réalité du poste de Regina'. Les nouvelles importantes de la Saskatchewan seraient diffusées sous forme de textes et de reportages réalisés par des journalistes de Regina. C'est ainsi que les journalistes de CBKF préparaient et envoyaient à Winnipeg des reportages télévisés afin qu'ils soient le bulletin de nouvelles du Manitoba.
Ces quelques reportages rappelleront étrangement aux Fransaskois les quelques articles consacrés à la Saskatchewan dans l'hebdomadaire La Liberté et le Patriote. Pour répondre à ces critiques, Marcotte et son équipe ont mis sur pied un court bulletin de nouvelles régionales télédiffusé du lundi au vendredi de 8 h 55 à 9 h à compter du 5 février 1979. Les lecteurs des nouvelles étaient deux journalistes de la radio de Radio-Canada, CBKF, Alain Clermont et Valérie Sirois. Cette première expérience de production locale permettait à des artisans de la radio de s'initier au monde de la télévision. Mais elle préparait surtout l'avènement d'un véritable bulletin de nouvelles couvrant l'actualité saskatchewanaise. Le «4 October 1982» CBKFT diffusa pour la première fois le Ce Soir, édition
Saskatchewan, avec Valérie Sirois comme lectrice des nouvelles et Jean Lefebvre aux sports. Vous avez bien lu October et non octobre. «C'est ce que nous avons vu ce soir-là à l'écran, écrit Jean-François Dubois, la petite équipe de production étant sans doute nerveuse et excitée par cette première (9) ». La production de ce bulletin de nouvelle a nécessité l'embauche d'autres journalistes et la formation d'une salle de nouvelles intégrée. Les journalistes réalisaient des reportages tant pour la radio que pour la télévision tout en essayant de respecter les caractéristiques particulières de chacun des médias. Cette situation dura jusqu'à la fin des années 1980, alors que la direction embaucha un journaliste réalisant exclusivement des reportages radiophoniques pour répondre aux besoins particuliers de ce médium. Au début des années 1990, Richard Marcotte, directeur de la radio CBKF, créa finalement des salles de nouvelles exclusives pour la radio et la télévision tout en favorisant l'échange d'information entre ces deux services'. Évidemment, les débuts du Ce Soir en 1982 était modeste. L'émission a été réalisée avec des moyens techniques de production très limités. De plus, elle ne respectait pas le permis alloué par le CRTC. En effet, CBKFT n'avait pas d'autorisation spécifique pour produire des émissions locales. Officiellement, la station était toujours un centre de délai. Toutefois, cela «a créé un précédent qui a accéléré la mise en place d'autres productions, dans le cadre de la consolidation des services anglais et français, dans le nouvel édifice de la rue Broad(1)' ». La période de 1982 à 1990 correspond aux belles années de la production locale. La consolidation des services à Regina en 1983 coïncide avec la décision du ministère des Communications du gouvernement fédéral d'allouer plus de fonds à la société d'État afin qu'elle puisse accroître la production locale dans ses stations régionales'. En fait, il s'agit d'un réaménagement des budgets de la SRC. Les stations régionales ont dû couper dans les dépenses qui n'étaient pas reliées directement à la production et à la diffusion et réaffecter les sommes économisées à la réalisation d'émissions locales. CBKFT a continué de produire le Ce Soir qu'elle a amélioré d'année en année. Depuis septembre 2004, ce
bulletin de nouvelles se nomme Le Téléjournal. CBKFT a aussi réalisé plusieurs émissions d'affaires publiques présentant des reportages sur l'actualité fransaskoise. Parmi ceux-ci, il y avait Plaine perspective (1984), une émission agricole, Courtepointe (1983-1985), Ce Soir Plus (1986-1990) et Hors sentier (1989-1990). CBKFT a également produit des émissions mettant en vedette les francophones de la province. Dans Tour à Tour (1983-1985), trois concurrents devaient répondre à des questions de connaissances générales et historiques sur la Saskatchewan alors que dans l'émission jeunesse, Génie enherbes (1980-1991), les élèves d'écoles secondaires pouvaient se mesurer dans un concours de connaissances générales. Les épisodes de cette dernière émission ont d'abord été enregistrés par une équipe du Manitoba (1980-1983), mais dès l'ouverture des studios de Regina, ils ont été réalisés sur place (1983-1991). La production locale de CBKFT
dans les années 1980 représentait environ quatre heures par semaine. Nous pouvons dire que Raymond Marcotte a respecté ses promesses. L'augmentation de la production a eu des répercussions sur la composition du personnel de la SRC à Regina. CBKFT a compté jusqu'à 40 employés en excluant les techniciens qui relevaient alors de son homologue anglophone CBKT. Cette augmentation a permis de recruter des Fransaskois qui s'initièrent aux techniques de la radio et de la télévision. Cette période d'emauchement fut aussi l'occasion, pour Raymond Marcotte, de connivence avec le directeur régional Bill White des services anglais, qui partageait son point de vue, de faire combler la majorité des nouveaux postes techniques par du personnel francophone ou bilingue. Marcotte et White «considéraient comme une priorité de pouvoir opérer en français dans les équipes de production de la télévision française'». Cette politique interne eut pour conséquence que dans les années 1980, le Ce Soir, édition Saskatchewan, était la seule émission à l'Ouest d'Ottawa à se faire exclusivement en français, depuis le plateau de tournage jusqu'à la salle de contrôle. Cette politique interne fit également en sorte que Regina avait le plus grand nombre d'employés bilingues parmi les centres de production de la SRC. Cette situation particulière était certainement dû à la capacité de Raymond Marcotte «de gérer dans un milieu minoritaire avec la majorité anglaise (14) « comme l'a cohllicYnà Lionel Bonneville le directeur de l'Ouest de la télévision, dans 50 ans de radio: Tant de choses à se dire. Des changements et des nouveautés De 1990 à 1998, la SRC a subi plusieurs vagues de compressions budgétaires qui affectèrent la station CBKFT. Les émissions énumérées ci-dessus, à l'exception du Ce Soir, ont disparu lors d'une coupure de 108 millions de dollars au budget de la SRC en 19901991. Cette coupure entraîna aussi la transformation de la station de
Saskatoon en simple bureau d'information qui enverrait ses reportages à Regina. Au total, c'est plus de 400 millions de dollars qui ont été retranchés des budgets de la SRC dans les années 1990 (16). Le budget de la télévision régionale française de la SRC a alors subi des compressions de 16 millions de dollars s'étalant sur une période de cinq ans. Ces coupures ont réduit la production locale à deux heures et demie par semaine, soit le temps hebdomadaire réservé au Ce Soir, édition Saskatchewan, La production française et anglaise se centralisa à Montréal et à Toronto. Le rôle de CBKFT, à l'instar de l'ensemble des stations des réseaux français et anglais de la SRC, se limita à un simple relais de transmission. En 1996, la direction de la SRC a essayé de faire un pas de plus dans cette direction en proposant le remplacement des bulletins de nouvelles des quatre provinces de l'Ouest par une seule émission produite à Winnineg. Devant le tollé
soulevé par cette proposition et la mobilisation des communautés francophones de l'Ouest, la direction de la Société d'État a décidé de maintenir les bulletins de nouvelles régionaux'. Cependant ceux-ci ont dû composer avec des budgets réduits. Cette longue période de compressions changea à tout jamais le visage de la SRC. Les méthodes de travail ont été modifiées. Lorsque que CBKFT a entrepris de rebâtir les heures de production locale, à compter de 1995-1996, elle l'a fait en misant sur la collaboration avec les centres de production des quatre provinces de l'Ouest. Cette collaboration lui a permis de produire des émissions avec des ressources moindres et de respecter le mandat de production locale. C'est à cette époque que naîtront des émissions comme L'Accent francophone ou l'émission jeunesse C:Qui? C:Moi! Aujourd'hui ce type de collaboration se poursuit et elle permet la production et la diffusion de documentaires et d'émissions spéciales consacrées à la vie dans l'Ouest canadien et à la Saskatchewan en particulier. De nos jours, cette production locale varie de cinq à six heures par semaine. Nous pouvons même dire que le nombre d'heures est plus élevé qu'au milieu des années 1980. Mais il n'a toujours pas atteint les sept heures de production locale souhaitées par Raymond Marcotte en 1983. Au moment où CBKFT subit ces transformations, l'offre télévisuel en français en Saskatchewan tend à augmenter. En effet, les Fransaskois verront les câblodistributeurs de la province leur offrir la chaîne de télévision européenne TV5 à compter de 1990, le Réseau de l'information (RDI) à partir de 1995 et le réseau montréalais TVA depuis 1999. En 1998, le CRTC avait accepté la demande de TVA de diffuser son signal à l'ensemble du pays. Dans sa décision, le CRTC souligne l'importance d'offrir «une alternative valable, de calibre », au réseau français de la SRC. Toutefois, cette nouvelle offre télévisuelle est inégale dans la province et elle connaît parfois des ratés. Certains câblodistributeurs ont introduit TV5, l'ont retiré peu de temps après et finalement l'ont réintroduit quelques années plus tard. D'autres ont inclus ces nouveaux canaux dans leur service de base alors que quelques-uns les ont regroupé dans des forfaits nécessitant le paiement d'un supplement de la part du consommateur francophone.
Le bilan de la télévision française en Saskatchewan L'attente. Voilà un mot qui résume bien l'histoire de la télévision française en Saskatchewan. La diffusion des premières émissions en français a eu lieu 15 ans après l'arrivée de la télévision dans la province. CBKFT est entrée en ondes 22 ans après CKCK-TV et CFQCTV. (Voir Revue historique Volume 15, no 2.) La première émission de télévision en français à avoir jamais été produite en Saskatchewan a été diffusée le 4 octobre 1982. Environ 25 ans après que l'ACFC ait demandé un service semblable, les câblodistributeurs ont commencé à diffuser les signaux de TV5 et TVA. Toutefois, il faut nuancer. Le temps d'attente diminue d'une étape à l'autre. CBKFT est entré en ondes sept ans après l'ouverture de CBKMT. Trois ans plus tard,
la production locale en français connaît ses premiers balbutiements et cela a pris seulement trois ans de plus pour qu'elle soit définitivement lancée. Quelle est la cause de cette attente ? Dans cette série d'articles consacrés à l'histoire de la télévision française en Saskatchewan, nous avons vu que le contexte politique était pourtant favorable aux revendications des Fransaskois. En effet, le gouvernement fédéral a demandé à la SRC de tout mettre en oeuvre pour qu'elle respecte son mandat de refléter la caractère bilingue du pays et sa diversité régionale. De plus, contrairement à ce qui s'est passé dans ri 1 12 radio francise l'implantation de la télévision française en Saskatchewan ne rencontra aucune opposition farouche. La cause de cette attente se trouve plutôt, d'une part, dans les défis techniques et les coûts élevés qu'engendraient un tel projet dans les années 1960, 1970 et 1980, et d'autre part, dans la diminution constante des ressources financières de la SRC et la réglementation tatillonne du CRC et du CRTC dans les années 1970 et 1980. La diminution constante du temps d'attente est peut-être due à un contexte politique favorable, mais les pressions publiques de l'ACFC, et les actions en coulisse des Raymond Marcotte, Roland Pinsonneault, et de tous les autres qui n'ont pas été identifiés, n'ont certainement pas nui. Autrement dit, ils ont su exploiter ce contexte favorable pour faire progresser la cause de la télévision française en Saskatchewan. Ce temps d'attente ne fut pas sans conséquences. Les Fransaskois, les jeunes en particulier, pour qui tout ce combat a été mené, avaient déjà pris l'habitude d'écouter la télévision anglaise. En 1980, Raymond Gauthier tenta d'évaluer l'intérêt de la jeunesse fransaskoise pour la télévision française en transposant prudemment les données d'une enquête menée par Radio-Canada au Manitoba sur le même sujet'. En ajoutant quelques données tirées de sa propre enquête, il en vint à la conclusion que CBKFT occupait la dernière place dans les habitudes d'écoute des adolescents. Ceux qui la regardaient lui consacraient environ une heure en moyenne par semaine. Dans la même enquête, Gauthier a constaté aussi que
les enfants de trois à huit ans déménagent progressivement de la télévision française à la télévision anglaise dès qu'ils atteignent l'âge de six ans. Dans cette catégorie, le temps accordé à la station de CBC est supérieur à celui accordé à la station de Radio-Canada. De son côté, le professeur Bernard Wilhelm a constaté, à la fin des années 1980, que les jeunes, accrochés depuis trop longtemps à leurs stations anglaises, n'accordent qu'un intérêt poli à la production locale en français'. Cette mesure de l'intérêt des jeunes fransaskois pour la télévision française illustre le profond impact de la télévision anglaise. Non seulement ont-ils un intérêt modéré pour la production locale française, qui pourtant se veut un reflet de la réalité fransaskoise et plus largement de celle de la Saskatchewan et de l'Ouest canadien, mais ils accordent également peu d'attention à la production
française venant d'ailleurs. Ils lui préfèrent la production locale de langue anglaise ainsi que celle venant de l'extérieur. Il ne faut pas s'en étonner, les francophones minoritaires évoluent dans un milieu où le champ médiatique repousse les messages autres qu'anglophones'. La télévision française en Saskatchewan demeure fragile car elle dépend d'un monopole public. La Société RadioCanada ne peut agir sans le soutien financier de l'État fédéral, ce qui la rend très vulnérable à la conjoncture politique du moment. Sans ce soutien financier, CBKFT et les centres de production des autres stations françaises de l'Ouest ne peuvent produire les émissions locales qui leur permettent d'être le miroir de la population. En raison du râle important que joue l'État fédéral dans l'existence des médias en milieu minoritaire, toute coupure dans le budget de la SRC se traduit par un affaiblissement du rayonnement déjà faible de la télévision française. Notes et références (1) Leader Post, 14 avril 1981. (2) Ibid. (3) Jean-François Dubois, «L'impact de la télévision sur la radio» dans 50 ans de radio. Tant de choses à se dire, collectif d'auteurs, Regina, La nouvelle plume, 2002, p. 176. (4) Ibid. (5) Ibid. (6) L'Eau vive, 19 octobre 1983. (7) Ibid. (8) L'Eau vive, 29 septembre 1976. (9) Dubois, op. cit., p. 175. (10) Ibid., p. 165-166. (11) Ibid., p. 175. (12) The Western Producer, 3 novembre 1983 (13) Dubois, op. cit., p. 179. (14) Lionel Bonneville, directeur de l'Ouest de la télévision, cité dans Ibid., p. 180. (15) L'Eau vive, 13 décembre 1990. (16) L'Eau vive, 20 février 1997. (17) L'Eau vive, 26 septembre 1996. (18) L'Eau vive, 6 février 1997. (19) L'Eau vive, 5 novembre 1998 (20) Raymond Gauthier, Comme blé d'hiver: les Fransaskois et les médias électroniques, Regina, ACFC, 1980, p. 33 à 38.
(21) Bernard Wilhelm, «Médias québécois et médias francophones hors Québec: l'Ouest», dans Médias francophones hors Québec et identité. Analyses, essais et témoignages, sous la direction de Fernand Harvey, Québec, IQRC, 1992, p. 277. (22) Simon Laflamme, «Les médias en milieu minoritaire: les rapports entre l'économie et la culture», dans Idem, p. 33. |
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