Revue historique: volume 15 numéro 2Revendiquer la télévision française en SaskatchewanTV is here... par Frédéric Roussel Beaulieu Première partie Vol. 15 - no 2, décembre 2004
Les débuts de la télévision au Canada et en Saskatchewan
La télédiffusion a débuté au Canada le 6 septembre 1952 à Montréal et le 8 septembre suivant à Toronto. C'est la Société Radio-Canada (SRC) via son réseau français (Radio-Canada) et son réseau anglais (CBC) qui en est l'instigatrice. Entre 1952 et 1954, la télévision connaît un développement phénoménal. Les stations privées se sont multipliées dans les principales villes du pays, de Halifax à Vancouver. Au cours de la même période, le nombre de téléviseur est passé de 146 000 en septembre 1952(1) à 1 100 000 en décembre 1954(2) . Cette croissance vertigineuse permet à la SRC de mettre en place un réseau de six stations publiques et de 40 stations privées affiliées, diffusant les programmes de la société d'État, qui couvrait l'ensemble du pays grâce à des tours micro-ondess(3) . En 1959, le réseau atteint Terre-Neuve rejoignant ainsi 91 % des Canadiens(4). La Saskatchewan n'échappe pas à cet engouement pour la télévision. Plusieurs stations de télévision privées sont fondées dans les années 1950. Les stations de Regina (CKCK-TV) et de Saskatoon (CFQC-TV) entrent en ondes en 1954, suivi de Swift Current (CJFB-TV) en 1957, de Prince Albert (CKBI-TV) et de Yorkton (CKOS-TV) en 1958 et enfin de Moose Jaw (CHAB-TV) en 1959. Ces stations sont affiliées à CBC et cette association dure jusqu'en 1969, soit jusqu'à l'ouverture de la première station appartenant à CBC. Entre 1969 et 1971, CKCK-TV, CFQC-TV et CKBI-TV ont signé des ententes avec le réseau privé Canadian Television Network (CTV) fondé en 1961(5). Les débuts de la télévision française au Canada La télévision française connaît également à cette époque un développement rapide. La station CBFT de Montréal est la première à télédiffuser en langue française en 1952. Elle devient une station uniquement francophone en 1954. Rapidement des stations privées françaises entrent en ondes ailleurs au Québec. En 1960, un réseau de télévision privé francophone voit le jour dans cette province. Toutefois, à l'extérieur du Québec, les stations privées françaises sont inexistantes puisque l'auditoire francophone n'est pas assez élevé pour générer les revenus publicitaires qui financent en grande partie ces entreprises. La mise sur pied et le fonctionnement régulier de stations de télévision de langue française hors Québec sera l'œuvre de la Société Radio-Canada, donc de l'État canadien.
La société d'État a multiplié les efforts pour répondre aux nombreuses demandes des citoyens habitant des régions à majorité française ou à forte concentration française. Dans les villes où il existait déjà une station de télévision de CBC, Radio-Canada négociait des arrangements pour assurer la diffusion d'un certain nombre d'émissions françaises produites à Montréal. C'est ainsi que la station CBOT de CBC à Ottawa diffusait des émissions en français en 1954, cela représentait 22 % de sa programmation régulière(6). Parallèlement à ces ententes, la SRC développa un réseau de stations autonomes de langue française qui connut une expansion importante à compter de 1959. En 1961, ce réseau s'étendait de Moncton à Sturgeon Falls en Ontario(7). Le réseau de Radio-Canada progressait à mesure que se développait le réseau de CBC. Autrement dit, CBC précédait Radio-Canada. Il y avait toujours un décalage de quelques années entre l'ouverture d'une station de télévision de CBC et celle de Radio-Canada. Au Québec ce fut l'inverse, Radio-Canada précéda CBC. Ce scénario se répéta dans l'Ouest canadien. La station CBWFT de Winnipeg entra en ondes en 1960 six ans après l'ouverture de la station CBWT. Au début Winnipeg n'était pas entièrement intégré au réseau de Radio-Canada. Le poste recevait les émissions par enregistrement magnétoscopique(8). Dans les années suivantes, la situation s'améliora sensiblement. CBWFT recevait le signal depuis Montréal et la station commença à produire ses premières émissions locales. Pendant plusieurs années, le Manitoba fut la seule province de l'Ouest canadien à jouir d'une station de télévision autonome de langue française(9). Dans les années 1960, les Franco-Albertains, pour ne prendre qu'un exemple, ne pouvaient regarder que les quelques émissions françaises diffusées par la station de CBC inaugurée en 1961 à Edmonton(10). Ce n'est que neuf ans plus tard qu'ils eurent droit à un meilleur service dans le cadre d'une station bilingue inaugurée le 1er mars 1970. CBXFT diffusait 60 heures de programmation en français provenant du Québec avec 15 jours de retard, sauf pour le Téléjournal de 18h30. La station était alors reliée directement au réseau de Radio-Canada(11). La station diffusait également les 40 heures d'émissions anglaises du Metropolitan Edmonton Education Television Association (MEETA)(12). Qu'en était-il de la situation de la télévision française en Saskatchewan à cette époque? Pour tout dire, elle était inexistante. Les stations privées affiliées à CBC ne diffusaient pas d'émissions en langue française. Il en a été ainsi jusqu'à l'ouverture de la première station de télévision de CBC en 1969. Mais cela ne veut pas dire qu'il était impossible de voir des productions canadiennes-françaises à la télévision anglaise. Par exemple, La Famille Plouffe (1954-1959), l'une des émissions les plus populaires de Radio-Canada, était diffusée en anglais sous le nom de Plouffe Family par les stations de télévision saskatchewanaises(13). Les scènes de cette production montréalaise étaient tournées en français puis en anglais. Encore aujourd'hui, plusieurs Fransaskois se souviennent qu'ils ont regardé au petit écran cette célèbre émission dont les acteurs ont déjà participé à une émission radiophonique sur les ondess de CFNS à Saskatoon. Il était tout de même possible d'entendre un peu de français sur les ondess des stations affiliées à CBC. Cependant il ne s'agissait pas de productions françaises, mais plutôt d'émissions destinées aux gens qui désiraient apprendre le français. L'émission Speaking French (1958-1963) s'adressait aux adultes alors que dans Chez Hélène (1959-1973) l'animatrice Hélène Baillargeon apprenait le français aux enfants d'âge préscolaire à l'aide de jeux, de chansons et d'histoires. Prendre conscience de l'impact de la télévision anglaise Les chefs de file franco-canadiens n'ont pas tardé à prendre conscience de l'ampleur du phénomène de la télévision et de son impact sur les communautés francophones de la Saskatchewan. Et surtout, ils voyaient bien que les Franco-Canadiens étaient loin du compte comparativement aux autres groupes francophones du pays. Dès 1952, alors que les stations radiophoniques CFRG et CFNS venaient tout juste de commencer leurs activités, le docteur Maurice Demay, président de Radio-Pariries-Nord (RPN), affirmait la nécessité d'avoir une télévision française en Saskatchewan(14). En 1960, lors d'une assemblée plénière de RPN, Dumont Lepage, qui représentait CFRG et l'Association catholique [culturelle à compter de 1964] franco-canadienne (ACFC), a fait écho au souhait du docteur Demay «La question de la radio française n'est pas encore définitivement réglée tant pour le Sud que pour le Nord et cependant un problème encore plus pressant requiert notre attention, celui de la télévision française(15) ». Lepage ajoute que les Franco-Canadiens ont un besoin urgent de ce média «pour contrecarrer les effets anglicisateurs de la télévision anglaise et américaine(16) ». L'effet assimilateur de la télévision anglaise se manifeste dès la fin des années 1950. Au moment où les Franco-Canadiens commencent à entendre du français via CFRG et CFNS, voilà qu'ils ont la possibilité d'entendre de l'anglais par l'intermédiaire d'un médium autrement plus fascinant et captivant que la radio. Des Franco-Canadiens prennent l'habitude d'écouter la radio française dans la journée puis la télévision anglaise dans la soirée. D'autres, qui ont pris l'habitude d'écouter la radio anglaise, ignorent la radio française et ajoutent la télévision anglaise à leur loisir. L'impact de ses habitudes a été énorme. Le professeur Bernard Wilhelm a constaté à Montmartre en 1969 les effets de la télévision anglaise chez les enfants d'âge préscolaire de familles de langue française. «Placés quotidiennement par leurs parents dès la matinée devant un poste de télévision, écrit-il, ces enfants étaient incapables de s'exprimer dans la langue de leurs parents(17) ».
La télévision française: un média trop dispendieux Les chefs de file franco-canadiens se sont retrouvés dans une situation pour le moins ardue. D'une part, comme l'a fait remarquer Antonio de Margerie dans Vie Française en 1956, ils doivent voir à la stabilité financière des radios françaises afin d'assurer leur existence à long terme(18), et d'autre part, ils doivent entreprendre un nouveau combat pour donner à la population un accès à la télévision française qui existe déjà ailleurs au pays.
Toutefois, la télévision est un médium beaucoup trop dispendieux pour que les Franco-Canadiens puissent penser fondesr leur propre station de télévision. En effet, la télévision privée a besoin de revenus publicitaires pour survivre. Or, le nombre de francophones en Saskatchewan n'est pas assez élevé pour rentabiliser l'achat d'une annonce télévisée en français par une entreprise locale ou étrangère. Les stations de radio CFRG et CFNS ont été confrontées à ce problème dans un secteur où les coûts d'exploitation sont beaucoup moins élevés que ceux de la télévision. Tirant les leçons de l'expérience radiophonique, les chefs de file en viennent à la conclusion qu'il vaut mieux demander à la SRC d'ouvrir une station de télévision française en Saskatchewan. Pourtant le gouvernement canadien, par l'intermédiaire de ses nombreux ministères et organismes d'État, n'a pas toujours été compréhensif envers les francophones de l'Ouest canadien lorsqu'ils ont revendiqué la radio française. Ces derniers n'ont pu compter que sur leurs propres moyens, avec tous les sacrifices que cela comporte, pour réaliser leur rêve(19). Toutefois, l'histoire pourrait ne pas se répéter. La SRC semble vraiment disposée à donner aux francophones du Canada un accès à la télévision française comme le montre le développement du réseau français mentionné plus haut. Lorsque Dumont Lepage assiste à l'assemblée plénière de Radio-Prairie-Nord, la station de Radio-Canada à Winnipeg est en ondes depuis quelques mois. Selon lui, cela démontre que Radio-Canada est bien disposée à l'endroit des francophones de l'Ouest «Un bon commencement a été fait au Manitoba puisqu'il y a maintenant un poste de TV française à Winnipeg. Il faut obtenir que la TV française se rende jusqu'en Saskatchewan(20) ». Cependant, dans son analyse de la situation, Lepage oublie un fait important. CBC s'est installée au Manitoba en 1954 et cela a facilité la venue de la télévision de Radio-Canada en 1960. Or, dans les années 1950 et au début des années 1960, la Saskatchewan n'a pas de station de télévision de CBC. Les Franco-Canadiens se lanceront donc dans cette nouvelle bataille avec l'espoir d'une attente moins longue que dans le cas de la radio. Revendiquer la télévision française Les premières revendications en vue d'obtenir la télévision française en Saskatchewan auraient débuté en 1956(21). Cependant, les sources ne livrent aucun indice pouvant confirmer l'existence de revendications dans les années 1950. Il n'est pas impossible que des Franco-Canadiens, l'ACFC ou d'autres organismes aient envoyé des lettres à la direction de la SRC, au cabinet du premier ministre du Canada et à certains ministres fédéraux. Mais nous n'avons aucune preuve. Selon les archives de l'ACFC, il est même fort probable que les revendications n'aient commencé qu'au début des années 1960. Cela peut paraître étonnant que les chefs de file franco-canadiens, qui sont conscients de l'impact de la télévision anglaise, puissent n'avoir entrepris aucune action dans les années 1950 pour revendiquer la télévision française. Pourtant, si on comprend bien que la préoccupation majeure de l'époque est d'assurer la survie à court et à long terme des stations CFRG et CFNS, cela n'a rien d'étonnant. Par contre, dans les années 1960, tout a été mis en œuvre pour faire savoir à la SRC et au gouvernement fédéral que les Franco-Canadiens veulent la télévision française.
Les campagnes de revendication organisées par l'ACFC entre 1960 et 1968 prennent la forme d'envoi massif de lettres et de pétitions où les Franco-Canadiens demandent à la SRC de leur assurer un service de télévision française dans les plus brefs délais possibles. Ces lettres et ces pétitions sont également envoyées au premier ministre du Canada, au chef de l'opposition, au chef du Cooperative Commonwealth Federation (CCF) - à partir de 1964 sera le Nouveau Parti démocratique (NPD) - et aux députés fédéraux de la Saskatchewan. Les petits Franco-Canadiens sont également invités à faire leur part dans ces campagnes. Les élèves des écoles de Zenon Park et de Jackfish Lake, par exemple, rédigent des lettres qui sont envoyées au premier ministre du Canada, au chef de l'opposition et au directeur général de Radio-Canada(22). L'ACFC multiplie les efforts et ne néglige aucun moyen pour mobiliser les Franco-Canadiens. Par exemple, l'organisateur de la campagne de revendication de 1962, Dumont Lepage, a eu l'idée de l'associer au 50e anniversaire de l'ACFC. Sous le thème «La Télévision Française il nous la faut: nous l'aurons», les Franco-Canadiens sont invités à préparer un envoi massif de lettres à la direction de la SRC au plus tard le 1er mars 1962(23). Cet envoi de lettres est présenté comme un cadeau à l'ACFC «1962 étant la 50e année de survivance, pourquoi ne pas donner un cadeau à l'ACFC en demandant la télévision française dans une petite lettre à Radio-Canada(24) ». Autre exemple, lors de la campagne de revendication d'avril 1968 environ 20 000 cartes postales ont été distribuées dans les cercles locaux de l'ACFC(25). Elles ont été remises à ceux qui désiraient écrire une lettre à la direction de la Société Radio-Canada.
Généralement les Franco-Canadiens répondesnt favorablement aux appels lancés par l'ACFC et parfois assez rapidement comme le souligne Lepage dans une lettre envoyée à Antonio de Margerie en 1961: «La paroisse de Storthoaks a déjà envoyé une pétition. Je vous inclus la copie de cette pétition, leur lettre à Radio-Canada et la réponse(26) ». Quelques Franco-Canadiens s'éloignent des directives de l'ACFC et rédigent des lettres plus personnelles qui mettent en relief leur besoin pour la télévision française. En 1962, Donalda Topping de Batoche demande la télévision française pour rendre intéressantes les dernières années des vieux pionniers qui ne parlent que le français. «Comme vous le savez il y a encore de nos bons vieux qui n'ont pas eu l'avantage comme nous d'apprendre deux langues même d'aller à l'école. Ce sont eux qui maintenant ne peuvent plus travailler. [...] Beaucoup regarde la télévision, mais ils manquent le meilleur. [...] Mon père est un de ceux-là, [...] il nous faut lui donner un aperçu de l'histoire pour qu'il puisse la suivre [...] (27) ». Selon la stratégie adoptée par l'ACFC dans les années 1960, ces campagnes de lettres et de pétitions précèdent ou suivent l'envoi de lettres officielles rédigées par le secrétaire général de l'organisation au président de la SRC, au premier ministre du Canada et à quelques ministres influents. Ces lettres soulignent invariablement l'extrême urgence de la situation. L'argument principal est le suivant: il faut établir la télévision française au plus tôt parce que plus tard il sera peut-être trop tard. La télévision française est présentée comme un moyen incontournable pour assurer la continuité du fait français en Saskatchewan. C'est ce qu'explique de Margerie en 1962 au président de la SRC, Alphonse Ouimet. «Il y a un regain d'intérêt pour la langue française chez les Franco-Canadiens de la Saskatchewan. Nous souhaitons ardemment, et pour bientôt, que la télévision française, puissant moyen de formation, vienne enfin secondesr, appuyer nos efforts de survivance(28) ». À compter de 1968, l'ACFC modifie quelque peu sa stratégie. L'urgence de la situation est toujours au cœur de son argumentation, mais elle élargie le public de la télévision française pour y inclure les francophiles. C'est ainsi que le secrétaire général, René Rottiers, demande au président de la SRC, George F. Davidson, d'implanter «des postes français de télévision qui desserviront toute notre population francophone aussi bien que les nombreux anglophones qui désirent, eux aussi, dans notre province, jouir de la télévision française(29) ». Pour accroître l'impact des campagnes de revendication, l'ACFC demande l'appui des autres organisations francophones de la Saskatchewan. Les paroisses et des associations comme celle des Dames de Sainte-Anne apportent leur soutien aux campagnes de revendication en demandant aux paroissiens et à leurs membres de rédiger des lettres pour réclamer la télévision française(30). Les stations CFRG et CFNS soutiennent également les campagnes de revendication. En septembre 1960, RPN a appuyé «chaleureusement la requête adressée par l'ACFC à Radio-Canada»(31). Quelques années plus tard, CFRG et CFNS présentent un mémoire conjoint pour appuyer celui de l'ACFC lors des audiences de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme à Regina en 1966. L'ACFC profite de cette occasion pour dénoncer le traitement réservé aux francophones de l'Ouest et de la Saskatchewan en matière de télédiffusion et elle réclame l'établissement de stations françaises de la SRC(32).
L'ACFC recherche aussi les appuis des associations de défense des Canadiens français des autres provinces. Lors de la campagne de 1962, une copie de la lettre destinée au président de la SRC est envoyée au R.P. Jean Patoine, o.m.i d'Edmonton afin que la Fédération des Associations de l'Ouest appuie la campagne de l'ACFC(33). En 1967, René Rottiers pose un geste semblable en demandant aux organismes défendant les droits des francophones dans d'autres provinces d'appuyer les revendications des Franco-Canadiens(34). L'ACFC reçoit également l'aide d'organismes saskatchewanais qui ne sont pas nécessairement associés à la défense des droits des Franco-Canadiens. Ainsi, lors de l'assemblée annuelle de l'Association of Teachers of French, le 5 octobre 1968, Roger Lalondes, président de l'ACFC de 1968 à 1972, et Florent Bilodeau parviennent à convaincre les délégués d'adopter leur résolution demandant l'établissement de stations de télévision de langue française en Saskatchewan(35). En 1968, une nouvelle suscite de vifs espoirs au sein de l'ACFC. Roland Pinson-neault, ancien président de l'ACFC (1964-1968), a été nommé au Bureau des gouverneurs de Radio-Canada. Tous croient qu'il pourra «aider fortement à hâter l'avènement de la télévision française(36) » en Saskatchewan. D'ailleurs, au cours de son séjour au Bureau des gouverneurs (1968-1972), Pinsonneault a défendu «avec vigueur les intérêts des communautés francophones de partout au pays(37) ». Il est donc mis à contribution lors de la campagne de revendication de 1968. Les organisateurs lui ont demandé d'apporter à sa première réunion du Bureau des gouverneurs une pétition signée par les Franco-Canadiens de toutes les régions de la province. Parallèlement aux campagnes de revendication, l'ACFC a approché à plusieurs reprises les postes privés affiliés à CBC pour leur demander de diffuser certaines émissions en français en attendant l'avènement d'une station de télévision en langue française. La station privée CFCM de Québec a adopté une formule semblable avant l'avènement de CBC dans la vieille capitale. L'ACFC croyait qu'il serait possible de l'appliquer de la même façon en Saskatchewan. Les postes privés se montrèrent favorables à la formule, mais les choses en sont restées là et rien n'a été fait.
En 1968, les délégués du Congrès général de l'ACFC, tenu les 2 et 3 mars à Prince Albert, demandent que leur association poursuive ses démarches auprès des stations privées, mais en utilisant, cette fois, la SRC comme messager: «que l'ACFC fasse des démarches auprès de la Société Radio-Canada, afin d'obtenir des postes anglophones de la télévision la diffusion d'une émission française quotidienne(38) ». Se conformant à la volonté des délégués, René Rottiers écrit à la direction de la SRC pour lui demander qu'elle prenne «immédiatement les dispositions requises afin que, dans l'intervalle, c'est-à-dire en attendant l'ouverture d'une station française les stations de télévision anglophones de notre province diffusent plusieurs émissions quotidiennes en langue française(39) ». Cette démarche n'a pas le succès escompté. La direction de la SRC explique à l'ACFC qu'elle n'a pas encore de station de télévision en Saskatchewan, alors «le seul moyen de réaliser vos désirs serait de vous adresser aux stations privées(40) ». Dans l'éventualité où elles accepteraient, la SRC est prête à leur fournir gratuitement des émissions enregistrées. Autrement dit, la SRC voudrait bien aider les Franco-Canadiens, mais elle ne peut contraindre les stations affiliées à son réseau anglais de diffuser des émissions en français. À l'automne 1968, nous le verrons plus loin, l'ACFC est revenue à la charge en demandant publiquement à la SRC de faire en sorte que les stations affiliées à son réseau anglais diffusent des émissions en français. Les campagnes de revendication suscitent des réactions Les destinataires politiques des lettres et des pétitions se prononcent peu ou pas sur la question de la télévision française en Saskatchewan. Les premiers ministres et les chefs de l'opposition fédéraux successifs ont envoyé de simples accusés de réception où il est indiqué que la correspondance est transférée au Solliciteur général du Canada, le répondant de la SRC à la Chambre des communes(41). Ce dernier écrit à son tour qu'il transfère les lettres à la direction de la société d'État(42). Les députés quant à eux répondesnt que cette affaire relève de la SRC et des ministres concernés.
Certains députés prennent tout de même position concernant ces revendications. Ainsi Albert R. Horner, le député fédéral de The Battlefords, explique à la jeune Réjeanne Arcand de l'École Saint-Léon de Jackfish Lake qu'il sympathise avec le désir des Franco-Canadiens de conserver leur langue et leur culture. Cependant «l'extrême dissémination de la population d'expression française en Saskatchewan(43) », croit-il, rendrait difficile l'implantation d'une station de télévision française pouvant desservir toutes les régions de la province. Il estime que les dépenses qu'entraîneraient un tel projet sont «financièrement infaisables» pour la SRC. Selon lui, les communautés franco-canadiennes seraient mieux servis par une compagnie intéressée à implanter une station privée. «Pour le moment ceci me paraît être la seule possibilité(44) » conclut-il. Un seul homme politique d'envergure a pris position en faveur des revendications des Franco-Canadiens. Le 1er novembre 1960, le député fédéral d'Assiniboia et chef national du CCF, Hazen Argue, a proposé à Willow Bunch l'établissement de la télévision française(45). Outre le fait que sa circonscription comprend plusieurs électeurs francophones, la prise de position de Argue est motivée par le souci de sauvegarder la culture canadienne «contre les assauts massifs venant du sud(46) ». Selon lui, la sauvegarde de cette culture doit être assumée par la SRC. Et surtout, précise-t-il lors d'une intervention à la Chambre des communes, l'expansion des services de Radio-Canada et de CBC «serviraient à souligner le caractère bilingue et biculturel de notre pays(47) ». La Société Radio-Canada réagit aussi aux revendications des Franco-Canadiens et il y a une évolution dans les réponses données par la direction. Dans la première moitié des années 1960, elle dit comprendre l'urgence de la situation en Saskatchewan, mais elle doit gérer les nombreuses demandes des groupes francophones du pays selon une échelle de priorités qui tient compte de ses moyens techniques et financiers. C'est ce qu'explique Marcel Ouimet, le directeur général de la radiodiffusion, dans la lettre qu'il a envoyée à madame Huriet de Forget en mars 1962: «Toutefois, nous ne savons pas encore quand il nous sera possible d'apporter la télévision française en Saskatchewan car le coût d'exploitation d'une telle station est considérable vu le trop petit nombre de nos compatriotes de langue française dans votre province(48) ». À compter de 1968, la SRC semble déterminée à poser des gestes concrets. Le 18 avril, le président, George F. Davidson, réputé sympathique aux revendications des Canadiens français de l'Ouest(49), répond à une lettre envoyée par René Rottiers en lui annonçant que la «Société a formé un comité spécial chargé d'étudier les besoins des francophones du Canada dans le domaine de la radiotélévision(50) ». Davidson souligne que ce comité répond à la demande de l'ACFC d'accorder la priorité à cette question. Il écrit que le comité aura besoin de l'aide des organisations comme l'ACFC pour déterminer quels sont les besoins. Enfin, Davidson ajoute que la SRC se propose de «dresser immédiatement un plan approprié d'expansion de la télévision». Tout cela bien sûr dépend des ressources financières mises à la disposition de la société d'État, mais cette fois des décisions durables sont sur le point d'être prises.
Accélération des événements L'ACFC n'est certainement pas la seule responsable de ce changement de ton à la direction de la SRC. Les associations de défense des droits des francophones de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et d'ailleurs ont également exercé des pressions politiques. De plus, le contexte politique de l'époque est favorable aux revendications des francophones hors Québec. Le gouvernement libéral de Lester B. Pearson a lancé la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1971), le Secrétariat d'État commence à jouer un rôle plus actif dans le soutien apporté aux communautés minoritaires et enfin au printemps 1968, Pierre Elliott Trudeau devient chef du Parti libéral et premier ministre du Canada. Ce dernier entend faire du Canada un pays bilingue où les citoyens pourront recevoir des services dans l'une ou l'autre langue officielle du pays. Ce contexte favorable s'est traduit par certains changements dans la législation qui gère la SRC. La Chambre des communes adopte le 7 mars 1968 une nouvelle loi sur la radiodiffusion dont l'article 2 précise que tous les Canadiens, tant de langue française que de langue anglaise, ont droit au service fournit par la SRC. Ce service doit répondre aux besoins particuliers des diverses régions tout en contribuant activement à la production et à l'échange d'informations et de divertissement d'ordre culturel et régional (51). À l'automne 1968, un nouvel organisme, le Conseil de la Radio-télévision canadienne (CRC), tient des audiences publiques à Regina pour connaître les besoins de la Saskatchewan en matière de télécommunication. L'ACFC saisie cette nouvelle occasion de faire connaître les revendications des Franco-Canadiens. La stratégie adoptée à ce moment lui permet de faire un acte d'éclat, afin de placer publiquement les autorités fédérales sur la défensive, tout en se livrant à des négociations en privé. Dans son mémoire, l'ACFC affirme que la politique de la SRC en matière de télévision «n'a été, à toute fin pratique, qu'une forme peut-être involontaire, mais une forme tout de même d'anéantissement culturel(52) ». L'ACFC reproche à la SRC de contribuer fortement à l'intensification de l'assimilation des Franco-Canadiens au groupe anglophone en fournissant des émissions de langue anglaise aux stations de télévision privées alors qu'elle n'offre pas le même service aux francophones. S'appuyant sur l'article 2 de la nouvelle loi sur la radiodiffusion, l'ACFC réclame la mise en place de mesures pour corriger la situation. Elle demande l'établissement du réseau de télévision française de la SRC et qu'il y ait une certaine production locale. Sachant très bien que cette demande nécessitera une période d'attente de quelques mois, l'ACFC veut que la SRC commandite «en tant que mesure intermédiaire d'urgence» la diffusion quotidienne d'émissions de langue française sur les ondess des stations privées affiliées à CBC. Évidemment, cette solution ne doit être qu'une mesure temporaire «jusqu'à l'établissement d'un réseau français normal en Saskatchewan».
Les rencontres en privé sont menées par Raymond Marcotte qui possède un réseau d'influence étendu. En compagnie de membres de l'ACFC, il rencontre Pierre Juneau, le président du CRC, pour lui transmettre quelques informations pouvant lui permettre de mieux comprendre la situation des Franco-Canadiens et aussi pour exprimer leur «anxiété en ce qui a trait à l'établissement, dans le plus court délai possible, de la télévision française(53) ». Marcotte a aussi fait une tournée avec l'un des membres du CRC, C. Cliche, pour lui faire découvrir directement les besoins particuliers de ses compatriotes. Ce n'est pas le seul service que Marcotte rend à la cause de la télévision française. Quelques semaines avant les audiences du CRC, il se livre à une autre manœuvre d'influence souterraine. Il écrit au président de la SRC pour lui demander de considérer la Saskatchewan en premier lieu lors de l'expansion du réseau de la télévision française dans l'Ouest canadien(54). Il explique à George F. Davidson que les Franco-Canadiens ne peuvent attendre l'arrivée de la transmission par satellite en 1973 pour avoir enfin accès à la télévision française. Marcotte rappelle à Davidson que la SRC a le mandat d'offrir un service bilingue à la population canadienne. Nous verrons plus loin que Marcotte aura encore l'occasion de rendre service à ses compatriotes dans le dossier de la télévision. Quelques mois après la visite du CRC à Regina, les événements vont se précipiter en Saskatchewan. La Société Radio-Canada annonce son intention de se porter acquéreur des stations CHAB-TV de Moose Jaw et CHRE de Regina. Au printemps 1969, le CRC annonce qu'il y aura des audiences publiques à Regina pour entendre le point de vue du public et les parties impliquées dans la vente. Le 27 mai 1969, le président de l'ACFC, Roger Lalondes, s'empresse d'écrire au CRC afin d'appuyer la demande de permis déposée par la SRC pour l'achat de CHAB-TV(55). Lors des audiences tenues du 5 au 10 juin 1969, l'ACFC recommande au CRC d'accepter l'offre d'achat présentée par la SRC. Dans son mémoire(56), l'ACFC explique aux membres du CRC que le seul moyen d'obtenir des émissions en langue française en Saskatchewan dans un délai assez court, c'est de permettre à la SRC d'acquérir CHAB-TV.
Au terme des audiences de juin 1969, le CRC approuve l'acquisition de CHAB-TV et CHRE par la SRC. Après une décennie de pressions auprès des autorités fédérales, les Franco-Canadiens voient poindre une lueur d'espoir à l'horizon. La SRC s'implantera enfin en Saskatchewan. Cependant, conformément à ce qui s'est produit ailleurs au Canada, c'est CBC qui s'installera la première à Moose Jaw. Qu'importe, la SRC a établi des précédents en permettant la diffusion d'émissions françaises sur les ondess de CBC. L'achat de CHAB-TV signifie donc que la télévision française en Saskatchewan sera bientôt une réalité. Notes et références (1) La Liberté et Le Patriote, 25 septembre 1954. (2) Idem, 18 décembre 1954. (3) Stephen Cole, Here's looking at us Celebrating Fifty Years of CBC-TV, Toronto, McClelland and Stewart, 2002, p. 68. (4) Ibid. (5) Susan Gittins, CTV The Television Wars, Toronto, Stoddart Publishing Co. 1999, p. 95-96. (6) La Liberté et Le Patriote, 20 novembre 1954. (7) Lettre de Ludovic Hudon (Service de l'information de R-C) à Jean-Paul Descôteaux (Secrétaire général de l'ACFC), 11 octobre 1961, Archives de la Saskatchewan (AS), R-621, Dossier XXXIV(16). (8) Ibid. (9) Lettre adressée aux associations provinciales et nationales de langue française du Canada par René Rottiers (Secrétaire général de l'ACFC), octobre 1967, AS, R-621, Dossier XXXIV(6a). (10) Op. cit., lettre du 11 octobre 1961. (11) «Inauguration de CBXFT-Canal 11-Edmonton», Circuit fermé. Organe du personnel de Radio-Canada, vol. 6, no 6, 1er avril 1970. (12) Ibid. (13) «CFQC-TV Schedule», Prince Albert Daily Herald, 22 janvier 1955 et «Television Schedule», Leader Post, 6 février 1958. (14) Laurier Gareau, avec la contribution de Nicole Blackburn, Le défi de la radio française en Saskatchewan, Regina, La Société historique de la Saskatchewan, 1990, p. 166. (15) Procès-verbal de l'assemblée plénière de Radio-Prairies-Nord Limitée tenue à Prince Albert le 5 septembre 1960, AS, R-621, Dossier XXXIV (13). (16) Ibid. (17) Bernard Wilhelm, «Montmartre Un village en Saskatchewan», Vie Française, vol. 27, no 4-5, janvier-février 1973, p. 144. (18) Antonio de Margerie, «La vie française en Saskatchewan», Vie Française, vol. 11, no 3-4, novembre-décembre 1956, p. 77-78. (19) Pour plus de détails à ce sujet, voir Laurier Gareau, avec la contribution de Nicole Blackburn, Le défi de la radio française en Saskatchewan, Regina, La Société historique de la Saskatchewan, 1990 et Collectif d'auteurs, 50 ans de radio. Tant de choses à se dire, Regina, La nouvelle plume, 2002. (20) Op. cit. Procès verbal de l'assemblée plénière de Radio-Prairies-Nord. (21) Le plan Accéléré de rayonnement de la Société Radio-Canada Encore une feinte. Mémoire présenté au ministre Otto Lang par l'Association Jeunesse Fransaskoise, 1974, AS, R-1291, Dossier 731. (22) Accusés de réception envoyés aux élèves de plusieurs écoles de la province par le Cabinet du premier ministre, le Cabinet du chef de l'opposition et le directeur général de Radio-Canada, AS, R-621, Dossier XXXIV (18). (23) «Campagne pour la télévision française, 1962», AS, R-621, Dossier XXXIV(17). (24) Remparts, vol. 1, no 3, 1er février 1962. (25) Sommaire des activités principales du Secrétariat de l'ACFC en avril 1968, AS, R-621.
(26) Lettre de Dumont Lepage à Antonio de Margerie, 5 octobre 1960, AS, R-621, Dossier XXXIV (13). (27) Lettre de Donalda Topping à la direction de Radio-Canada, 13 février 1962, AS, R-621, Dossier XXXIV (17). (28) Lettre d'Antonio de Margerie à Alphonse Ouimet, 16 avril 1962, AS, R-621, Dossier XXXIV (16). (29) Lettre de René Rottiers à George F. Davidson, 2 avril 1968, AS, R-621, Dossier XXXIV (6b). (30) Comité de télévision, 1965, AS, R-621, Dossier XXXIV (2). (31) Procès-verbal de l'assemblée plénière de Radio-Prairies-Nord, op. cit. (32) Rapport préparé par l'ACFC et remis à l'ACELF afin de préparer un mémoire présenté à Pierre Elliott Trudeau le 23 janvier 1973, AS, R-621, Dossier VII(14). (33) Procès verbal de la réunion de l'exécutif de l'ACFC du 15 avril 1962, AS, R-621, Dossier XXXIII (3b). (34) Lettre de René Rottiers, secrétaire général de l'ACFC, aux associations provinciales et nationales de langue française du Canada, AS, R-621, Dossier XXXIV(6a). (35) Minutes of SATF Annual General Meeting, October 5 1968, AS, R-621, Dossier V (30g). (36) Directives aux cercles locaux de l'ACFC, 1er avril 1968, AS, R-621, Dossier I (4i). (37) Jean-Pierre Leclerc, Le cri du Pinson. Roland Pinsonneault se raconte, Montréal et Regina, Les Éditions Francine Bretons / La Société historique de la Saskatchewan, 2001, p. 182. (38) Directives au cercles locaux de l'ACFC, 1er avril 1968, AS, R-621, Dossier, I (4i). (39) Op. cit. lettre du 2 avril 1968. (40) Lettre de George F. Davidson à René Rottiers, 18 avril 1968, AS, R-621, Dossier XXXIV (6b). (41) Accusés de réception envoyés par le Cabinet du premier ministre, le Cabinet du chef de l'opposition et le directeur général de Radio-Canada, AS, R-621, Dossier XXXIV (18). (42) Ibid. (43) Lettre d'Albert R. Horner à Réjeanne Arcand, 15 février 1961, AS, R-621, Dossier XXXIV(18). (44) Ibid. (45) Dominion du Canada, Compte rendu officiel des Débats de la Chambre des communes. 4e session, 24e législature, (1960-1961), séance du 27 janvier 1961, p. 1566. (46) Lettre de Hazen Argue à Alphonse Ouimet, président de la Société Radio-Canada, 5 décembre 1960, AS, R-621, Dossier XXXIV(18). (47) Compte rendu officiel des Débats de la Chambre des communes, séance du 27 janvier 1961, op. cit. (48) Lettre de Marcel Ouimet, directeur général de la radiodiffusion française de Radio-Canada, à Mme René Huriet, présidente de l'ACFC de Forget, 1er mars 1962, AS, R-621, Dossier XXXIV(16). (49) Lettre de René Rottiers à Raymond Marcotte, 26 septembre 1968, AS, R-621, Dossier I (13b). (50) Op. cit. lettre du 18 avril 1968. (51) «Loi sur la radiodiffusion», Statuts du Canada, 16-17 Elizabeth II, chap. 25, 1967-1968. (52) Mémoire présenté par Roger Lalondes, Président, Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, au Conseil de la Radio-Télévision Canadienne, Regina, octobre 1968, AS, R-621, Dossier XXXII (5c). (53) Lettre de Raymond Marcotte à Pierre Juneau, 28 octobre 1968, AS, R-621, Dossier XXXIV (6b). (54) Lettre de Raymond Marcotte à George F. Davidson, 24 septembre 1968, AS, R-621, Dossier I (13b). |
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