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Des histoires

Remèdes populaires

Durant les premières décennies du siècle, un grand nombre de familles agricoles vivent relativement loin d'un village et elles ne peuvent courir à la pharmacie pour acheter des remèdes à tout bout de champ. D'ailleurs, souvent, leur faible revenu ne le leur permettrait pas. Les mères de familles doivent donc connaître une foule de remèdes maison. Et c'est surtout du garde-manger et de la nature que proviennent les ingrédients de ces remèdes.
Durant les longs hivers, la famille est privée de nourriture fraîche et elle passe relativement peu de temps au soleil et au grand air. Au printemps, elle a donc bien besoin d'un tonique pour, comme on dit alors, «se purifier le sang». Chaque matin avant le petit déjeuner, les enfants doivent avaler une pleine cuillerée d'un mélange de soufre et de mélasse. Personne n'a encore inventé les mots pour décrire le goût de cette potion infecte. Très sucrée au premier contact avec le palais, elle laisse un arrière-goût âcre qu'on tente en vain de faire passer en avalant un bol de gruau, couvert de cassonade et noyé dans la crème. Imaginez la surprise de tous ceux qui se sont fidèlement soumis à ce détestable rituel pendant tant d'années, lorsque les diététiciennes du gouvernement leur apprennent finalement dans les années 1940 que l'odieuse potion pouvait avantageusement être remplacée... par de la bonne rhubarbe fraîche! Et elles leur indiquent aussi comment la faire pousser, très tôt au printemps, sous un châssis tout contre le mur sud de la maison.

Les mères s'inquiètent aux premiers signes d'un rhume, qui risque de dégénérer en bronchite, pneumonie, pleurésie ou infection sérieuse de l'oreille. Au premier éternuement, il faut vite se gargariser avec de l'eau tiède très salée. Chez d'autres familles, on se trempe les pieds dans un baquet d'eau très chaude à laquelle on ajoute de la moutarde sèche. On sirote en même temps du jus de citron chaud ou une «ponce», un mélange d'eau bouillante et de miel, avec quelques gouttes de gin ou de whisky. Dans les régions où cet arbuste pousse dans les coulées, on préfère souvent une décoction de gadelles noires, avalée chaude ou froide. On complète le traitement en frictionnant vigoureusement la plante des pieds du malade avec un onguent au camphre.

Si le rhume semble résister, on se force à avaler trois ou quatre gorgées d'eau chaude contenant deux bonnes pincées de poivre de Cayenne et quelques cuillerées de miel. Quel effet! Il vous semble que tout le corps, des pieds à la tête, est immergé dans un immense chaudron d'eau bouillante. Le traitement a aussi l'effet de faire disparaître les maux de gorge en même temps.

Les rhumes de poitrine sont les plus dangereux et les plus craints. Lorsque le rhume n'est pas si grave qu'il empêche le malade de vaquer à ses occupations normales, on lui frotte la poitrine avec de la graisse de cochon – qu'on appelle de la «panne» – ou d'oie, à laquelle on ajoute quelques gouttes de térébenthine à la dernière minute. Mais lorsque le mal empire, la maman sort solennellement un bout de drap de coton qu'elle a conservé tout spécialement pour l'occasion. La cérémonie de la «mouche de moutarde» va débuter.

À un mélange à parts égales de farine et de moutarde sèche, on ajoute tout juste assez d'eau tiède pour en faire une pâte grumeleuse. On l'étend alors entre deux bouts de coton, qu'on dépose sur un morceau de papier d'emballage placé sur la poitrine du malade. D'abord tiède, la mouche commence très vite à se réchauffer. La chaleur est tolérable au départ mais elle devient de plus en plus violente; elle peut facilement brûler la peau si on n'y prend garde. Après ce qui semble être une éternité, on enlève la mouche de moutarde et on en prépare une autre. On recommence l'opération jusqu'à ce que le malade se sente mieux, en prenant soin d'étendre à chaque fois un blanc d'oeuf battu sur la poitrine pour empêcher la formation de cloques. Certains farceurs ont prétendu que la mouche de moutarde n'avait aucun effet curatif; selon eux, toutes les prétendues guérisons s'expliquent par le fait que le pauvre enfant craignait tellement qu'on répète le traitement, qu'il n'osait jamais plus se plaindre de quoi que ce soit! Il ne fait pourtant aucun doute que les cataplasmes de ce genre sont utiles et efficaces. Pour les bébés et les jeunes enfants, on se sert quelquefois de «mouches d'huile de lin»; ils ont l'avantage de ne pas brûler la peau. Lorsqu'un jeune ou un adulte souffre de pneumonie et que le médecin ne peut venir ou qu'il se déclare impuissant devant la maladie (il faut se rappeler que les antibiotiques puissants ne datent que de la Seconde Guerre mondiale), on a souvent recours à un cataplasme aux oignons. On fait frire une bonne quantité d'oignons à laquelle on ajoute un volume à peu près égal de farine et suffisamment de vinaigre pour que le mélange forme une pâte lisse. On étend ce mélange très chaud entre deux morceaux de coton placés sur la poitrine et on répète le traitement jusqu'à ce que le patient se mette à suer à grosses gouttes.

Pour une amygdalite ou pour le croup, la mère de famille va chercher un morceau de porc salé, le plus gras possible, qu'elle saupoudre généreusement de poivre noir. Le lard salé est ensuite enroulé autour du cou et retenu en place par un bas de laine noué. Un autre remède pour le croup consiste à avaler quelques gouttes de térébenthine ou d'huile à lampe dans une grosse cuillerée de cassonade. Pour la toux, on prépare un sirop d'oignons lentement cuits dans du sucre et un peu d'eau. On lutte contre la fièvre en avalant deux grandes cuillerées de jus de betteraves, légèrement sucré. Tous ces maux s'accompagnent souvent d'un mal d'oreille que l'on soulage en plaçant deux ou trois gouttes d'huile d'olive chaude dans l'oreille, ensuite bouchée avec de la ouate. Pour ceux qui souffrent de malaises de l'estomac, il existe plusieurs remèdes. Le plus simple et le plus effectif, c'est certainement celui qui consiste à faire brunir un peu de farine dans un poêlon et à y ajouter quelques tasses d'eau afin d'en faire un breuvage. On peut également faire une infusion de feuilles de fraises sauvages – jamais plus de cinq ou six cependant – dans une chopine d'eau. Les maux de reins se soignent avec une infusion de graines de citrouille. Plusieurs fermiers prennent aussi l'habitude de mâcher des bouts de carottes en travaillant; cela soulage considérablement leur «mal de rognons».

Après avoir pris soin de sa famille, la ménagère épuisée souffre quelquefois d'un mal de tête. Il lui suffit de se mettre sur le front un morceau de papier d'emballage, trempé dans du vinaigre, pour que la migraine disparaisse au bout de quelques heures. À vrai dire, le secret du traitement, c'est qu'il faut s'étendre et ne pas bouger pour que le papier reste sur le front. Quel luxe pour la mère de famille de cette époque!

De nos jours, bien peu de femmes, dépositaires traditionnels des secrets de cette forme de médecine, en connaissent même l'a.b.c. Toutefois, dans les réserves indiennes, on respecte encore les anciennes qui connaissent les secrets des simples.





 
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