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Regina - Vaines pétitions et projets d'évasion de Riel

Les 112 pétitions demandant la commutation de peine de Louis RIEL, ou sa grâce, ou encore un nouveau procès du condamné, étaient appuyés au total par 12 378 signatures distinc-tes; on y relève notamment celles d'un archevêque, de deux évêques, de 44 autres membres du clergé, de 4 préfets et de 40 maires. Par ailleurs, 41 de ces pétitions étaient suivies de quelques signatures et des mots «et d'autres» indiquant par eux-mêmes que ces signatures étaient trop nombreuses pour être mentionnées individuellement; peut-être provenaient-elles de votes d'appui signifiés à main levée lors d'assemblées paroissiales, où autres, où il était difficile de compter, et de faire signer tous les participants. Calculées sur la base, probablement inférieur à la réalité, d'une centaine de noms pour chacune de ces 41 pétitions, on arrive donc à environ 16 500 signatures, sinon plus, d'individus désapprou-vant la condamnation à mort de Louis RIEL.
En opposition à ces nombreux recours en faveur de RIEL, seulement quatre pétitions furent adressées au Gouverneur général, de-mandant le maintien de la condamnation à mort du chef métis; elles provenaient de la Loge orangiste de Toronto-ouest; de Charles O'HARA, journalier, de 38 habitants, tous anglophones, de Regina et de 87 résidents anglophones de Moosomin. (1) De toute éviden-ce donc, les milieux orangistes, pourtant bien au courant des pétitions présentées en faveur de RIEL, étaient tellement bien assurés que la sentence de mort prononcée contre lui serait maintenue, qu'ils ne se donnèrent même pas la peine de réclamer le maintien de cette condam-nation, à la seule exception de la loge mentionnée.

Dans la capitale britannique la condamnation de RIEL avait aussi causé des remous, et certaines lettres diplomatiques furent adressées- de Londres au gouverneur général, indiquant les attentes de la Reine VICTORIA elle-même, envers le gouvernement canadien, d'accorder la vie sauve à RIEL. (2) À ceux qui pourraient s'étonner de cette intervention discrète de la Souveraine en faveur de RIEL, soulignons que la Couronne britannique avait de bonnes raisons de refuser sa confiance à l'orangisme, comme l'expliquait une publication catholique canadienne en 1913: «La Société des orangistes a été plus d'une fois mise hors la loi par le Parlement britannique. Les hommes d'État et les historiens qui comptent (3) en Grande-Bretagne l'ont, presque sans exception, dénoncée. Les ordres du jour de l'état-major l'ont mise à la porte de l'armée anglaise. Son histoire est une de trahison, de meurtres, d'émeutes, de parjures, de corruption et de faussetés...» (4)

Malgré sa puissance et son prestige, la Reine ne pouvait toutefois que difficilement désavouer la justice canadienne; certes, elle disposait de ce pouvoir, mais la Souveraine n'était pas sans se rendre compte des conséquences éventuelles d'un tel geste, qui eut pu suffire à déclencher de graves désordres au pays entre orangistes et Franco-catholiques. Ce fut par la correspondance diplomatique avec le gouverneur général du Canada; semble-t-il, que Londres chercha une solution, en priant le représentant de Sa Majesté de prendre les moyens voulus pour que Louis RIEL ait la vie sauve. C'est ici: que nous retrouvons Pascal BONNEAU à propos d'un événement auquel, assez curieusement, les historiens n'ont généralement accordé que peu de crédit; peut-être auraient-ils mis en doute la véracité du récit que nous a livré la propre fille de Pascal BONNEAU, que je me permets de citer ici dans une traduction libre, de l'anglais au français; peu de temps après le jugement porté contre RIEL, nous dit-elle, «un soir, assez tard, un membre de la, Mounted Police se présenta à notre maison avec un message adressé à mon père par le lieutenant gouverneur DEWDNEY, lui indiquant son désir de le rencontrer. La journée après sa rencontre avec M. DEWDNEY, mon père partit en voyage, et ma mère sembla inquiète. Il avait été décidé entre DEWDNEY et mon père que celui-ci préparait un plan d'évasion de Louis RIEL; pour cela, il prévoirait des chevaux rapides tous les dix milles entre Regina et la frontière américaine afin de favoriser la fuite du prisonnier. Selon les plans mis au point, Louis RIEL aurait eu l'occasion d'échapper à ses gardiens; avec une demi-heure d'avance sur ses poursuivants, aucun coursier dans la région n'aurait pu le rejoindre. Admis aux Etats-Unis en qualité de réfugié politique, il eut été à l'abri de la justice canadienne.

Malheureusement l'un des Métis de Willow Bunch qui avait été chargé de prévoir
les relais des chevaux rapides parla innocemment de ce plan à un individu suspecté d'avoir été complice de la Rébellion, mais qui était en mauvais termes avec RIEL. Sans que la raison exacte de son geste ait pu être établie, cet individu vendit la mèche aux autorités, com-promettant ainsi la dernière chance d'évasion de RIEL. (5) Madame Marie Albina HAMILTON, fille de Pascal BONNEAU, ajoute que sa mère lui relata ces faits peu de temps avant sa mort, et qu'elle même en discuta souvent par la suite avec son père ainsi qu'avec certains Métis de la région de Willow Bunch qui avaient trempé dans ce complot destiné à sauver RIEL de la potence à la dernière minute. (6)

(1) Compte rendu du procès de Louis Riel, p. 242-287.
(2) These are the prairies, Zachary Macaulay Hamilton, Marie Albina Hamilton, p. 57.
(3) Dans le sens de «qui ont du poids, qui sont influents...!»
(4) The Western Catholic, Vancouver, 17 oct. 1913, reproduisant «Casket» d'Antigonish, Nouvelle-Écosse, et cité par le père Morice dans son Histoire de l'Église dans l'Ouest Canadien, Appendice 1, p. 444.
(5) Ibidem, Zachary Macaulay Hamilton, Marie Albina Hamilton, p. 57.
(6) Ibidem, Zachary Macaulay Hamilton, Marie Albina Hamilton, p. 57.





 
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