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Regina - Réactions à la condamnation de Riel

Le but de nos chroniques historiques n'est pas d'entrer dans les détails du procès de Louis Riel. Ce procès fut toutefois l'un des événements les plus importants de la jeune capitale des Territoires du Nord-Ouest et est passé à l'histoire comme ayant été le plus célèbre procès qui s'y soit déroulé jusqu'à présent. Nous nous attarderons donc quelque peu aux réaction qui en ont découlé, puisque ce procès fait partie de l'histoire de Regina.
La sentence de mort prononcée contre Louis Riel avait provoqué un choc brutal parmi la population, et spécialement chez les francophones; mais les Canadiens français et les Métis n'étaient pas les seuls à ressentir tout l'odieux de cette senten-ce; même certains membres du gouvernement britannique considéraient le condamnation à mort du chef rebelle comme une grave erreur et ils ne se firent pas faute de faire connaître leurs sentiments au gouverneur général du Canada, le Marquis de Lansdowne. Bientôt de nombreuses pétitions affluèrent au bureau du représentant de Sa Majesté à Ottawa, pour demander la commutation de la peine de mort du condamné; au total 112 pétitions vinrent crier leur désapprobation à la suite de cette condamnation, dont 77 en provenance du Québec, 18 du Manitoba, 8 des États-Unis, et même une venant de Paris. (1)

À titre d'exemple, nous avons choisi une de ces pétitions adressée par des Canadiens français établis à Holyoke, dans l'état du Massachusetts, et qui résume assez bien les sentiments de tous ceux qui réclamaient la grâce de Riel: «À Son Excellence le très honorable sir Henry Charles Keith Petty-Fitzmaurice, marquis de Lansdowne, P.C., G.O.M.G., gouverneur général du Canada. Confiant dans votre justice et convaincus que vous désirez également le bonheur de vos sujets de quelques nationalités qu'ils soient, et que vous voulez ardemment que l'harmonie et la concorde règnent parmi tous les enfants de la grande famille de la Puissance, nous, les soussignés, qui n'avons rien perdu de nos sentiments patriotiques pour notre mère patrie, désirons attirer votre attention sur le procès que l'on vient de faire subir à Louis Riel, du Nord-Ouest, pour crime de haute trahison; et nous croyons que ce procès a été inique et a failli complètement aux fins de la justice; Que celui qui a présidé au tribunal n'était qu'un simple magistrat et que le jury a été choisi par lui; Que contrairement au droit anglais, il n'y avait que six jurés au lieu de douze, et qu'il a été impossible à Riel d'exercer le droit d'en récuser jusqu'au nombre de vingt, tel que la loi l'indique; Que ces jurés paraissent n'avoir été que de simple instruments sous le contrôle du prétendu juge; Que Riel a été condamné à la peine capitale en dépit et au mépris de la loi et de la justice anglaise; Que les Canadiens français de Holyoke, considérant que la sentence de mort prononcée est inique et en violation directe avec toutes les notions de justice et de droit, protestent énergiquement contre bette sentence; Que vu l'incompétence du tribunal de juger en pareille matière et du parti pris par le magistrat siégeant de condamner l'accusé quand même, malgré les preuves d'aliénation mentale faites par des hommes de l'art et experts, attestant de l'irresponsabilité des actes commis par le dit Riel, nous croyons que le jugement est inique et doit être de nulle valeur en droit, en raison et en équité;

Que malgré l'appel à la clémence fait à la cour par le juré, cette dernière, présidée par le magistrat stipendiaire Richardson, déclara que Riel n'avait pas de grâce à attendre ni du gouvernement fédéral ni du gouvernement impérial, et ce contre toutes les traditions et notions judiciaires et de décence; Que dans sa charge aux Jurés le dit Richardson, contrairement au devoir qui incombe au juge, en pareille cause s'appesantit sur les preuves faites contre le prisonnier, effleu-rant à peine celles en sa faveur généralement et en particulier sur celles attestant de son aliénation mentale; Que par sa charge faite avec partialité et dans le but évident de faire condamner le prisonnier, il évita d'avertir le jury, comme il était de son devoir de le faire, de lui accorder le bénéfice du doute, et que par cette conduite il préjugea et convainquit illégalement le jury de la prétendue culpabilité de Riel.

Qu'en conséquence de tout ce qui est ci-dessus énuméré, nous comme citoyen libres et confiants dans la justice d'un pays libre, dont les lois sont acquises à la protection du citoyen, déclarons solennellement et publiquement que Riel n'a pas eu le fair play d'un procès équitable, mais au contraire a été la victime de l'ignorance et du fanatisme; Qu'en conséquence, nous citoyens Canadiens-français, habitant la cité de Holyoke, prions respectivement Votre Excellence de vouloir bien prendre la présente requête en considération, savoir; Que Louis Riel ait droit à un nouveau procès ou à un pourvoi en grâce. Et les dits citoyens Canadiens-français ne cesseront de prier. Noms des personnes en faveur d'une commutation de la sentence contre Louis Riel. Date: le 16 septembre 1885. Patrick Gallagher, J.C. Cormier et 600 autres.» (2)

(1) Extrait du compte-rendu du procès de Louis Riel, pp. 242-287.
(2) Ibidem, pp. 271-272.





 
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