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Des lieux

Regina - Pascal Bonneau, homme d'affaires

La situation financière précaire du C.P.R. n'avait pas empêché d'arroser au champagne le baptême de Regina, dans le wagon spécial de W.C. VAN HORNE.
La presse, et notamment le Globe de Toronto, le Winnipeg Free Press, l'Ottawa Free Press, et d'autres quotidiens du pays n'approuvaient, ni le site, ni le nom, de la future capitale; aussi, les média ne manquèrent pas de la ridiculiser. Mais les jeux étaient faits et quelques mois plus tard, le 27 mars 1883, le siège du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest était officiellement transféré de Battleford à Regina, qui devint ainsi du fait même la nouvelle capitale des Territoires. Paradoxalement, Regina, Ville-Reine des Prairies, malgré son nom et son titre pompeux n'était encore qu'un campement de tentes avec quelques habitations éparses, et elle n'obtint le statut de ville que le 19 juin 1903, après être devenue «The first organized town in the Territories» le 1er décembre 1883.

Au nombre des premiers pionniers de Regina se trouvait un Canadien français entreprenant, Pascal BONNEAU, originaire de Ste-Brigitte d'Iberville au Québec; il était venu s'installer à St-Boniface au Manitoba en 1879 et avait eu l'occasion de travailler en qualité de contremaître à la construction de la voie ferrée du C.P.R. entre Kenora et Winnipeg. Par la suite, en compagnie de Frank LABELLE, il prit des sous-contrats pour la construction de la ligne Winnipeg-Regina. Comme l'écrit l'abbé Adrien CHABOT, curé de Willow Bunch, sa famille le suivit, demeurant tout l'été sous la tente, et lorsque la voie du C.P.R. atteignit le Tas d'Os à l'automne 1881, Pascal BONNEAU décida de s'y établir et y construisit une maisonnette de 18 pieds par 14, puis tout auprès, il éleva une tente qui lui servit de magasin. Au cours de ce premier hiver de l'existence de Regina ce furent les Métis de Willow Bunch qui approvisionnèrent en grande partie la population de le capitale par le truchement de Pascal BONNEAU; il leur achetait leur pemmican et leurs pelleteries et les payaient en fourniture diverses.

Entre-temps, l'un des fils de Pascal BONNEAU, Trefflé, continua à travailler à la construction de la ligne du Canadien Pacifique, mais alors qu'il était occupé à déblayer la voie en Colombie-Britannique, il fut sérieusement blessé à un bras par la chute d'un arbre et dut en subir l'amputation. Il revint alors à Regina et aida son père à bâtir sur la rue Broad le premier magasin qui fut construit dans le capitale; c'était un magasin à deux étages, et BONNEAU y débitait les derniers bisons tués à la chasse dans la plaine de Regina. Son esprit d'initiative le porta même à mettre en conserve vingt tonnes de viande de cet animal majes-tueux, dont la race serait bientôt virtuellement éteinte. Mais, cette fois, Pascal BONNEAU avait été mal inspiré; était-ce une vengeance de Grand Esprit? du Grand Manitou des plaines voyant disparaître cette race noble et fière qui avait permis jusque là aux Indiens de subsister? Ou bien, tout simplement, BONNEAU n'aurait-il pas réussi à faire convenablement le vide d'air dans les boites de fer blanc? Nul ne le sait; mais toujours est-il que les quelque 40 000 boites de conserve qui retenaient prisonnières ces vingt tonnes de reliques des derniers bison ayant vécu en liberté dans l'immense plaine, se mirent à exploser les unes après les autres, et qu'elles durent être jetées dans une immense fosse commune ...

Pascal BONNEAU, infatigable, avait aussi signé un contrat pour la construction des premières rues de la ville et embaucha pour l'exécution de ces travaux des Métis de la Montagne de Bois. Bientôt, on vit 70 tentes plantées autour de la ville, tandis que leur chevaux entravés broutaient paisiblement au alentours. Les vols étaient fréquents à cette époque; aussi quelle ne fut pas leur stupéfaction de s'apercevoir un beau matin que des cow-boys américains s'étaient emparés d'une centaine de leurs chevaux ....

À part ces soucis d'ordre matériel, il fallait bien prendre soin aussi des besoins spirituels de ces nombreux Métis et blancs de langue française qui travaillaient à l'édification de le cité. Pascal BONNEAU s'en occupa, et c'est ainsi qu'il demanda au père Joseph HUGONARD, O.M.I., de Qu'Appelle, en 1882 de venir célébrer la messe à Regina; et elle fut dite dans une tente. Le père MORICE écrit que ce fut la toute première messe dite à Regina. Ce fut en effet la première messe célébrée dans la future capitale des Territoires depuis que Tas d'Os s'appelait Regina. Il est toutefois à peu près certain que d'autres messes avaient été dites auparavant en ces lieux; la plaquette intitulée «Outline History of the Archdiocese of Regina» publiée en 1961 à l'occasion du jubilé d'or de l'Archidiocèse indique, page 110, que le même père HUGONARD avait célébré la messe «on a little field altar of a prairie democrat» en avril 1880, et aussi à peu près au même moment par le père ST-GERMAIN «just south of Pile O'Bones.» Par ailleurs, selon une autre source il est plus que probable que des missionnaires aient célébré la messe au même endroit depuis environ 1870, et notamment le père LESTANC lors de leurs voyages avec des Métis à la Montagne de Bois ou à Willow Bunch. Au cours de l'été 1883, ce fût cette fois l'abbé L.-N. LARCHE qui vint à Regina, mais dans le but d'y jeter les bases d'une paroisse catholique.





 
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