Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des lieux

Regina - Nos organisations paroissiales: Le Cercle de l'A.C.F.C. devenu l'A.C.F.R. (8)

La motion de l'A.C.F.C. de Regina soulignant au Premier ministre Ross Thatcher une erreur de traduction dans l'inscription bilingue au monument élevé à la mémoire de Louis Riel, mérite que nous nous y attardions quelque peu. Il ne s'agissait pas seulement d'une ou de deux erreurs, mais aussi de fautes de français. Voici les deux textes:
LOUIS RIEL

MÉTIS LEADER FROM HIS FINAL SPEECH TO THE JURY: 'l WORKED TO BETTER THE CONDITION OF THE PEOPLE OF THE SASKATCHEWAN AT THE RlSK OF MY LlFE.'

DEDICATED BY
THE RIGHT HONOURABLE P.E. TRUDEAU
PRIME MINISTER OF CANADA
OCTOBER 2, 1968

CHEF METIS
DE SON DISCOURS FINAL DU JURY: 'J'AI TRAVAILLE D'AMELIORER L'ETAT
DU PEUPLE DE LA SASKATCHEWAN AU PERIL DE MA VIE,'

DEDlE PAR
LE TRES HONORABLE P.E. TRUDEAU
PREMIER MINISTRE DU CANADA
2 OCTOBRE, 1968

Une première erreur dans ces inscriptions est que la citation empruntée au discours de Louis Riel n'est pas extraite de son dernier discours au jury, mais de son discours du 31 juillet 1885, précédant celui de l'avocat de la Couronne, M. Robinson.(1) Louis Riel prononça son dernier discours au jury le lendemain, 1er août, après que le juge Richardson eût terminé la lecture de la preuve au jury et que ce dernier eût déclaré Riel coupable; l'avocat de Riel, Me Fitzpatrick renouvela alors son objection à la compétence de ce tribunal, et ensuite Louis Riel prononça son dernier discours avant le prononcé de la sentence. Notons ici un extrait tiré de la version française du rapport du procès de Louis Riel:

«Le condamné: Votre Honneur, messieurs les jurés.
M. le juge Richardson: ll n'y a plus de jurés, ils ont tous été renvoyés.

Le condamné: Eh bien, ils ont passé avant moi.
M. le juge Richardson: Oui, ils ont passé.

Le condamné: Mais en même temps, je les considère comme encore là, là sur leurs sièges.»(2) et Louis Riel prononça alors son dernier discours au jury, qui occupe douze pages dans la version française du compte rendu du procès de Louis Riel. Ce dernier discours de Louis Riel s'adressait donc à la fois au juge et aux jurés, même si ceux-ci avaient été renvoyés, prématurément, semble-t-il, puisque Riel n'avait pas encore terminé sa défense. Pour respecter la vérité historique, l'inscription aurait donc dû dire:

«Extrait de son dernier discours devant les membres du jury», ou bien: «Extrait de son dernier discours avant d'être condamné.»

Par ailleurs, Riel n'était pas l'un des chefs métis; il était LE CHEF DES METIS, et c'est ce qu'aurait dû indiquer l'inscription. Je relève par ailleurs dans la traduction officielle de la transcription du procès la phrase d'où a été extraite la citation reproduite sur la plaque de bronze au monument de Louis Riel:
«Bien que, simplement, comme hôte, JE TRAVAILLE A AMELIORER LA CONDITION DE LA POPULATPON DE LA SASKATCHEWAN, AU RISQUE DE MA VIE, pour le bien de tout le Nord-Ouest, je n'ai jamais reçu de salaire.»(3)

Notons que cette phrase est donnée au présent et non au passé composé comme l'indique l'inscription de la plaque. Bien que n'ayant pu vérifier le texte officiel anglais dans le compte rendu du procès, je relève la monstruosité linguistique coulée dans le bronze de la plaque: «J'Al TRAVAIlLLE D'AMELIORER...», bien différente de la citation reprise plus haut. Rappelons aussi qu'une citation doit être reproduite dans sa version exacte, donc sans altérations, ce qui ne semble pas avoir été le cas ici. Reprenant la phrase de Louis Riel citée plus haut, il convient de noter que le chef des Métis l'a prononcée avant de connaître sa condamnation à mort, et qu'il continuait à espérer la grâce du tribunal; il se déclare «hôte» étant donné qu'il est alors citoyen américain, et qu'il est venu en Saskatchewan à la demande expresse des Métis pour «travailler à améliorer la condition de la population de la Saskatchewan, au risque de sa vie,» oeuvre qu'il se propose bien de poursuivre si on lui accorde la vie sauve; ce qui peut expliquer que Riel se soit exprimé au présent; une erreur éventuelle de transcription de la déclaration de Riel, faite en anglais, n'est pas non plus à exclure, et elle aurait pu avoir pour effet de reproduire la citation au passé composé, plutôt qu'au présent.

Relevons par ailleurs trois autres fautes: la traduction en français de «DEDICATED», lorsqu'elle s'applique à un monument, doit se rendre par «INAUGURÉ» et non par «DEDIE», aussi, en bon français, et tout spécialement dans le cas d'une inscription officielle de ce genre, il convient de ne pas omettre les accents sur les majuscules; enfin, en français, il ne faut pas séparer le mois du millésime par une virgule, comme on le fait en anglais. On écrit «LE 2 OCTOBRE 1968» et non pas «2 OCTOBRE, 1968».

Disons donc, en le regrettant, que la qualité linguistique de cette inscription traduit l'ignorance de son auteur, et qu'après seize années, le Cercle de l'A.C.F.C. serait justifié de demander au gouvernement actuel de remplacer cette plaque par une autre rédigée en bon français, et non pas en franglais.

René Rottiers
Tous droits réservés

(1) Version officielle française de la transcription du procès de Louis Riel, p. 202.
(2) Ibid, p. 216.
(3) Ibid, p. 201.





 
(e0)