Des lieuxRegina - Échec du projet de fondation d'une paroisse françaiseLe deuxième document en cause adressé par l'abbé J.C. KEOHAN à Mgr MCGUIGAN portait sur l'opportunité de confier une éventuelle paroisse nationale française à Regina aux pères Oblats. Ce document prenait la forme d'un véritable plaidoyer auprès de l'archevêque, le priant, au cas où le Saint-Siège autoriserait la fondation d'une telle paroisse, de ne pas la confier aux Oblats de Marie Immaculée; sept paragraphes exposaient ces raisons: les Oblats (allemands) disposaient déjà, à perpétuité, de la plus importante paroisse de la ville; les Oblats de Lebret étaient venus influencer les Canadiens français de Regina, leur promettant une paroisse bilingue: les Oblats bâtiraient eux-mêmes cette église, ce qui n'entrainerait que très peu de dépenses pour les fidèles; il était souhaitable que tous les membres du clergé, diocésain soient soumis directement à l'autorité de l'archevêque, tandis que dans le cas des Oblats, leur première obligation était envers leur Ordre, et en second lieu seulement, envers l'Archevêque; le Provincial de la Province française des Oblats argumentait qu'une telle paroisse française à Regina leur revenait de droit, étant donné leur travail missionnaire dans l'Ouest. Leurs mérites, demandait le curé de la paroisse Sacred Heart, n'avaient-ils pas été suffisamment reconnus déjà de diverses façons? Mais une autre raison, peut-être la principale, résumait assez bien les sentiments personnels de l'abbé KEOHAN: «The motives behind their desire to promote such a parish are evidently nationalis-tic, judging from many of the arguments they advance. As a Catholic Priest, I think it is high time that Catholicism and Catholic Faith and Catholic Unity be placed above nationalism.»(1) Le révérend curé se gardait toutefois de donner sa définition de «Catholic Unity» ainsi que celle du «nationalisme» telle qu'il le percevait personnellement. Pour lui, de toute évidence, le nationalisme du droit, le seul concevable, le seul qui s'imposait, c'était le sien propre: le catholicisme anglophone; il semblait impensable et intolérable au révérend curé, que les catholiques francophones puissent de leur côté prôner un autre nationalisme, francophone celui-là... «La tendancedans l'Ouest devait être de fondre ensemble les divers groupes raciaux afin de produire une grande «Canadian Race.»(2) Le message de l'ecclésiastique à son Archevêque était clair: iil n'y avait aucune place au sein de la Catholicité, dans la ville de Regina, pour une paroisse nationale canadienne-française. Faut-il vraiment s'étonner de tels sentiments? Un rapide coup d'oeil dans l'ouvrage du père MORICE, O.M.I.: «L'Église dans l'Ouest canadien» nous révèle les noms d'une vingtaine d'évêques ayant exercé leur sacerdoce épiscopal dans l'Ouest canadien avant la fin de la deuxième décennie, environ, de notre siècle, dont uen majorité d'Oblats; on n'y relève le nom d'aucun évêque de langue anglaise, bien qu'il y en ait eu probablement dans certaines régions de l'Ouest. L'Église catholique dans l'Ouest canadien et le Grand Nord a, incontestablement, été établie grâce au dévouement presque exclusif de prêtres francophones, dont une forte majorité d'Oblats de Marie Immaculée; n'empêche que jamais encore jusqu'à présent aucun prêtre de langue française n'a été revêtu de la pourpre cardinalice dans l'Ouest canadien. Non pas que nous voulions en faire un drame, ou, tirer de ce fait des conclusions qui risqueraient de manquer d'ob-jectivité, mais lorsque l'abbé KEOHAN parle d'un catholicisme qui doit rester «au dessus du nationalisme» la chose vaut d'être soulignée... Les lettres des abbés J.J. O'NEilL et J.C. KEOHAN eurent toutefois visiblement pour effet d'influencer fortement Mgr McGUIGAN. Malgré les assurances données au T.R.P. MAGNAN, O.M.I., le 22 février 1931 (3), de confier aux Oblats la future paroisse des Canadiens français de Regina, l'Archevêque mit bien vite en place le dispositif destiné à faire échouer ce projet. La copie du document clé de ce dispositif, trouvée aux Archives, ne porte ni date, ni adresse, ni signature; il a été adressé vraisemblablement par S. Exc. Mgr McGUIGAN à la Délégation apostolique du Canada quelque temps après que l'Archevêque de Regina eut reçu la lettre de l'abbé KEOHAN, datée du 22 juillet 1931. (4) Ce document, dont le texte manuscrit est écrit en anglais de la main même, semble-t-il, de l'Archevêque, avait été transcrit en bon français, et s'inspirait des objections soulevées par les abbés O'NEIL et KEOHAN, qu'il reprenait fidèlement. Le ton de la lettre indiquait de façon non équivoque que l'Archevêque de Regina ne souhaitait pas l'accord du Saint-Siège à la fondation d'une paroisse nationale française dans la capitale provinciale, ni, au cas où le Saint-Siège eut ordonné la fondation d'une telle paroisse, qu'elle soit confiée aux pères Oblats. Voici des extraits de ce document: «Mais mon objection principale repose sur ceci, que les Pères Oblats de langue française je veux dire le groupe français qui travaille dans cette région sont trop imbus de l'esprit national. Ils ne semblent pas avoir le respect voulu pour l'autorité épiscopale quand l'Évêque est de langue anglaise. Ils semblent s'arroger je ne sais quelle juridiction sur tous les fidèles de langue française.» «...lors des difficultés scolaires suscitées par un gouvernement hostile, toutes les religieuses du diocèse suivirent ma direction excepté un groupe dirigé par ces Pères Oblats. Celle-ci abandonnèrent leurs écoles plutôt que de faire le petit sacrifice demandé.»(5) (la loi leur inerdisait de revêtir leurs habits religieux dans les écoles publiques où elles enseignaient). Quoi qu'il en soit, il ne fut plus aucunement question, pendant presque vingt ans, de fonder une paroisse natioanle française à Regina, bien qu'elle eut été promise par Mgr. O.E. MATHIEU. (1) Lettre et mémorandum adressés par le père J. C. Keohan, en date des 22 juillet 1931 à son Exc. Mgr McGuigan. Archives de l'Archidiocèse de Regina. (2) Passim, chronique du 8 décembre 1982 (2) (3) Ibidem. (1) 4. Op.cit Lettre et mémorandum de J.C. Keohan du 22 juillet 1931. 5. Ibidem. |
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