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Regina - Bastion anglo-saxon et orangiste au siècle dernier

Malgré les progrès démographiques de Regina au siècle dernier, certains facteurs défavorables découragèrent de nombreux immigrants, et spécialement des Franco-catholiques, à venir s'y installer. Nous étions à l'époque où la société anglo-saxonne, et la forte influence du courant orangiste, agité dans nos régions par l'Ontarien Dalton McCARTHY, cherchaient à attirer dans la capitale du Nord-Ouest le plus grand nombre possible de leurs partisans; les autres races étaient indésirables.
C'est ainsi qu'en mars 1892 cette clique qui brillait par son étroitesse d'esprit organisa dans la capitale. «a spécial indignation meeting» pour s'opposer à l'établissement dans le district de Regina de 260 familles de Juifs russes, persécutés. Des télégrammes et des discours répétèrent alors partout, bien haut, que «Regina is not a desirable place to make a dumping ground for Russia's pauper element.» (1) Quant aux Franco-catholiques, tout le dispositif législatif avait été mis en place pour qu'ils se sentent eux aussi des intrus indésirables dans la capitale du fanatisme racial de l'Ouest canadien. C'est ainsi qu'au cours de cette même année 1892, le Premier ministre des Territoires, Frederick HAULTAIN, lui-même orangiste notoire, faisait adopter par la Législature l'ordonnance 22, laquelle stipulait que les cours devaient être donnés en langue anglaise dans toutes les écoles, les commissaires pouvant toutefois autoriser un cours primaire en français; l'ensei-gnement de la religion était interdit durant les heures scolaires normales, tout en pouvant être autorisé par les commissaires durant la dernière demi-heure de la journée scolaire. (2) Cette législation, «plus hypocrite et moins brutale que celle du Manitoba, atteignait tout aussi bien son but, qui ne pouvait être que de réduire à néant le droit, dont les catholiques avaient joui jusque-là, d'élever leurs enfants selon l'impulsion de leur conscience. Cette législation créait l'étrange spectacle d'écoles appelées catholiques, qui étaient dirigées par des protestants, en conformité avec l'idéal protestant, et dans lesquelles était seul permis l'usage de livres approuvés par des protestants.» (3) Deux mois auparavant, le 19 janvier 1892, le même Frederick HAULTAIN avait déposé et fait accepter un projet de loi qui portait le coup de grâce au français à la Législature des Territoires. (4) Bien qu'ayant alors été aboli en principe, le français est toutefois vraisemblablement resté, constitutionnellement, langue officielle dans les Territoires, grâce à l'honorable Joseph ROYAL, alors Lieutenant Gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, et qui, de toute évidence, n'a jamais donné la Sanction royale à cette Ordonnance qui abolissait le français à la législature. (5) Sans aucun doute, ces coups de boutoir répétés contre la langue française et les droits des parents en matière d'enseignement confessionnel à l'école, furent-ils plus que suffisants pour décourager nombre de Franco-catholiques à venir s'établir, non seulement à Regina, mais dans l'Ouest canadien comme tel.

Aujourd'hui, 90 ans après l'adoption de ces mesures iniques, on est mieux en mesure d'évaluer leur impact alors que l'école française commence à peine à être reconnue en Saska-tchewan, là où le nombre le justifie; même, pour prendre l'exemple de la seule école française de type A, à Regina, l'école Mgr de Laval, les parents des élèves n'ont absolument rien à dire, par exemple, dans le choix du personnel enseignant de cette école; ce sont des commissaires anglophones, ne parlant pas français, et ne connaissant absolument rien aux besoins d'une école française, qui se disent compétents pour combler les besoins de cette école. Par ailleurs, il faut encore que des chefs de file; tels que le père André MERCURE, O.M.I., de Cochin, se résignent à un long pèlerinage à tous les échelons de la justice pour espérer réussir à faire reconnaître un droit strict, inscrit dans l'Acte des Territoires du Nord-Ouest depuis 1877, celui d'obtenir un procès en français dans notre province... Entre-temps, que de milliers de francophones se sont abstenus de venir renforcer notre groupe en raison de ces- mesures oppressives! et que de milliers d'autres se sont assimilés de par la force des choses, entravant ainsi l'épanouissement libre et normal, linguistique et culturel des Fransaskois...!

Pour les Canadiens français de Regina la situation devait se compliquer encore, du point de vue religieux, en raison de la prédominance numérique du groupe de catholiques allemands dans la ville. C'est ainsi qu'après le départ, du père CARON, en 1894, ses successeurs furent généralement de langue anglaise ou germanique, et que la paroisse Ste-Marie fut confiée aux Pères Oblats de langue allemande, le 12 novembre 1903.

Il fallut attendre l'année 1905 pour voir se bâtir une deuxième église catholique à Regina, l'église «Our Lady of Holy Rosary» qui fut bénite le 17 décembre de la même année par Mgr Adélard Langevin, O.M.I. Rien n'indique cependant qu'elle fut desservie par un prêtre de langue française; quelques années se passèrent encore avant que l'on retrouvât du clergé francophone dans une paroisse de la ville. L'Archevêque de St-Boniface fut toutefois bientôt débordé par ses obligations dans le vaste territoire placé sous sa houlette, et il procéda, en date du 4 mars 1910, à l'érection du diocèse de Regina, en tant que suffragant de l'Archidiocèse de Saint-Boniface.

(1) Regina The Queen City, Earl Drake, p. 71.
(2) Journals of the Legislative Assembly of The North-West Territories, 1891-92, art. 83, 84; pp. 110-111, amendement à l'article 11.
(3) L'Église dans l'Ouest canadien, R.P. Morice, Vol. III, p. 237.
(4) Journals of the Legislative Assembly of The North-West Territories, 1891-92, Ibidem. pp. 11-111.
(5) Soixante-cinq années de luttes; Esquisse historique de l'Oeuvre de l'A.C.F.C., René Rottiers, 1977, p. 9.





 
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