Des motsRebicheterMadame Annette Loiselle, de Saskatoon, écrit: «Je lis La Parlure fransaskoise avec beaucoup d'intérêt. C'est une chronique très intéressante, surtout qu'elle nous dévoile bien des choses; ainsi, qui aurait cru que M. Pinsonneault portait tant de plaisir au jeu de pelote!!!» Madame Loiselle prend l'occasion de suggérer toute une liste d'expressions communes au pays de la Fransasque. La première, plutôt un vieux dicton, était souvent utilisée au temps de ma jeunesse quand nous vivions sur la ferme. Il s'agit du dicton suivant: «Les poules se jouquent, il va mouiller.» Le terme jouquer veut dire «se poser, se percher en un lieu élevé pour dormir, en parlant des oiseaux» (le Petit Robert). Toutefois, dans le Petit Robert on trouve cette définition sous le mot jucher. Les deux viennent de l'ancien français joquier et juchier «v. (1155, Wace; probablement de joc, joug). 1. Être en repos. 2. Être en repos, rester sans rien faire, attendre.» (Larousse de l'ancien français). Dans la langue canadienne-française, ce verbe voulait aussi dire «suspendre quelque chose». David Rogers a trouvé la citation suivante dans le roman Marie-Calumet de Rodolphe Girard, page 113. «R'commencez-moé ça, ordonnait-elle, ...jouquez-moé c'te guirlande-là un p'tit brin plus haut.» (Rogers – Dictionnaire de la langue québécoise rurale.) En ce qui concerne le verbe mouiller, l'abbé Étienne Blanchard dans son Dictionnaire du bon langage nous rappelle qu'il faut corriger par pleuvoir. Dagenais, dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, nous rappelle que les Canadiens-français ne sont pas les seuls à utiliser le verbe mouiller au lieu de pleuvoir. «La pluie mouille, mais mouiller n'est pas synonyme de pleuvoir. C'est commettre une faute d'origine dialectale que de dire il mouille au lieu d'il pleut. Ce mot patois vient d'Anjou et du Poitou. Mouillasser est aussi d'origine européenne; on disait mouillasser dans le Haut-Maine par exemple comme encore de nos jours au Canada pour pleuvoir un peu ou pleuvoir par intermittence.» Dans le roman Marie-Calumet de Girard, David Rogers a également trouvé la citation suivante: «C'est ça qu'en est un temps de chien, répondit Narcisse, i mouille à siaux.» (page 248). Comme je le mentionnais plus tôt, ce vieux dicton était communément utilisé chez nous et j'étais plutôt surpris de ne pas le retrouver dans le Livre des expressions québécoises de Pierre DesRuisseaux. Voici alors une expression qui est possiblement unique à nous dans l'Ouest. Une autre expression proposée par madame Loiselle est: «Le bonhomme se rebiche.» Comme madame Loiselle, j'ai souvent entendu le terme rebicher, mais dans la plupart des dictionnaires du langage populaire on dit plutôt rebicheter. Selon Bergeron, «Rebicheter (se) v. pron. – Se rebiffer. – Se donner un air important. – Se rajeunir. Ex. Depuis qu'elle est veuve, elle s'rebich'te.» Dans le Bon langage, l'abbé Blanchard écrit: «Regimber, se gendarmer. Voir kick.» Sous kick, il ajoute: «Hésiter, être indécis, comme l'âne de Buridan, en suspens, rester en balance, ne savoir sur quel pied danser, tourner autour du pot, tergiverser, barguigner, flotter, lanterner, branler dans la manche, se faire tirer l'oreille, faire la poule mouillée, avoir la chair de poule.» Enfin, kick ne semble être l'opposé de se rebicheter. Se rebicheter vient de l'ancien français rebiffer (1630) et veut dire «se froncer le nez. – refuser avec vivacité et aigreur de se laisser mener, humilier.» (Petit Robert). Le verbe regimber est souvent utilisé au lieu de se rebicheter. |
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