Des lieuxRadville et Sainte-ColetteUn bon médecin canadien et homme d'action ferait très bonne vie ici à Radville. Nous avons besoin d'un bon avocat aussi, parlant les deux langues, anglaise et française; il doublerait sa clientèle s'il savait un peu d'allemand et wallon. Nous sommes à plus de quarante milles de tout avocat. Le Patriote de l'Ouest le 29 mai 1913 La région de Radville, comme bien d'autres communautés en Saskatchewan, a accueilli des colons des quatre coins du monde, du Québec et de la France, de l'Angleterre et des États-Unis et même de la Scandinavie, de l'Allemagne et de la Belgique. Au printemps de 1904, deux jeunes Canadiens français, Ferdinand Bouchard et Alfred Casavant, arrivent de Dunseith, Dakota du Nord. Ils se réservent des homesteads et retournent aux États-Unis puis reviennent à Radville le printemps suivant avec équipement agricole, vaches et chevaux. Mme Bouchard (Sarah McKay) et ses six enfants les suivent au mois de juillet. Lorsque Ferdinand Bouchard et Alfred Casavant arrivent dans la région, il y a déjà des francophones à Radville. J.B. Martin, père, est le premier à s'établir dans cette région à l'est des «badlands», en 1901; son fils, J.B. Martin, fils, vient le rejoindre deux ans plus tard en 1903. Cette année-là, Joseph Renaud arrive aussi du Manitoba, tandis que Louis Vérot vient de la France pour prendre un homestead. En 1904, les deux frères de Louis Vérot, Alphonse et Eugène, viennent le rejoindre, tandis qu'Herménégile Bessette arrive du Manitoba. En 1905, en plus de Bouchard et Casavant, c'est au tour des frères Marion, Léopold et Omer (Manitoba), Théodore Labossière (Manitoba) et Alex Cottreil (France) à venir se prendre des terres dans la région. Au cours des prochaines années, d'autres familles françaises et canadiennes-françaises viennent les rejoindre à Radville; se sont les familles Audette (Québec-1908), Ayotte (Dakota-1910), Beaudry (Québec-1911), Cherpin (France-1906), De Vreese (Belgique-1909), Delaye (France-1906), Deschambault (Québec-1906), Dionne (Manitoba-1906), Fradette (Québec-1910), Galarneau (Québec-1908), Laliberté (Québec-1908), Loiselle (Manitoba-1908), Morrissette (Manitoba-1906), Paulhus (Québec-1906), Porte (France-1908), Prost (France-1906), Rivière (France-1908) et Van de Sype (Belgique-1907). Trois familles Bourassa choisissent Radville comme destination. L.J. Bourassa est le premier dans la région; il arrive du Québec en 1906. Deux ans plus tard, c'est au tour de Charles Bourassa du Manitoba à se réserver un carreau de terre dans les parages. Enfin, les frères Victor et Romuald Bourassa arrivent du Dakota du Nord en 1911. Plusieurs des Français et Belges viennent s'établir dans la région à l'invitation de l'abbé Jean-Isidore Gaire missionnaire-colonisateur et fondateur de Bellegarde, Cantal et Wauchope. Une de ces familles françaises est celle de Jean Porte de la région du Rhône en France. Son fils, Jean-Claude, racontait l'épisode suivant en 1976: «Un curé colonisateur du Canada est venu à Lyon faire un discours et lorsque mon père l'entendit, il a pris goût de venir au Canada, même si le discours du curé Gaire était un peu exagéré. 'Ce curé disait qu'en Saskatchewan on brûlait les prairies, on passait un coup de herse à disc et on semait pour ensuite récolter une abondance de céréales.' La réalité fut néanmoins assez différente, précise-t-il.»(1) Plusieurs des premières familles françaises de Radville ne feront qu'un bref séjour dans la région avant de se diriger ailleurs; certains aboutiront à Laflèche plus au nord et à l'ouest. Le premier curé est l'abbé Jacquet, un Français venu avec son père et son beau-frère en 1906. «Une dizaine de homesteads avaient déjà été pris dans la région avant l'arrivée de l'abbé Jacquet, mais ils avaient tous été abandonnés. C'est que le chemin de fer le plus proche passait à Weyburn, à 60 kilomètres, soit un trajet de trois jours en chariot chargé de blé à aller et de charbon et d'autres provisions au retour.»(2) Radville: Notre petit village sur le C.N.R., à un point de division commencé en avril 1910, compte déjà plus de 700 âmes. Il y a ici place pour toutes les industries; on manque de tout, même de boulanger, coordonnier et boucher. Mais nous avons deux banques, trois magasins généraux, etc. Le C.N.R. a sa 'Round House' qui a bien coûtée plus de $100,000 et il est à construire sa boutique. Le Patriote de l'Ouest le 29 mai 1913 La construction du chemin de fer dans la région devient un «boom» économique pour Radville. C'est en 1909 que le Canadien Northern commence la construction d'une ligne ferroviaire allant de Weyburn à Radville. Le premier train dans la région arrive en 1910. L'année suivante, on continue la construction vers l'ouest, jusqu'à Bengough. Entre temps, le Canadien Northern construit aussi une ligne du chemin de fer de Radville à Moose Jaw, tandis que le Canadien Pacifique construira un chemin de fer reliant Radville à Bienfait. La ligne principale, Weyburn, Radville, Bengough, se rendra jusqu'à Willow Bunch en 1926. En 1912, on commence alors la construction du «Round House» ou rotonde à Radville. Il s'agit d'un bâtiment circulaire où se garent les locomotives sur des voies en éventail, au centre desquelles se trouve un pont tournant. «Dans l'an 1912, notre gare actuelle fut construite et le C.N.R. commença la construction d'une rotonde à dix voies et un atelier pour machinistes avec plusieurs employés. Deux de ces premiers employés sont toujours avec nous, il s'agit des beaux-frères Théodore et Paul Labossière.»(3) Le Canadien Northern décide de bâtir sa gare et son «Round House» sur le homestead de Conrad Paquin. C'est à partir de 1910 que des commerces commencent à s'établir autour de la gare, qui, jusqu'en 1912, n'est qu'un vieux wagon fourgon. Un des premiers curés à venir desservir la région de Radville est l'abbé Louis Nadeau; «il devient le curé résident de la paroisse Sainte-Germaine en 1906 et fut instrumental dans la construction de l'église de Souris Valley en 1907.»(4) Mgr Adélard Langevin, évêque de Saint-Boniface, est venu lui-même choisir l'emplacement de l'église Sainte-Germaine, sur le terrain de Theodore Labossière. La cloche de l'église Sainte-Germaine est emportée de la France et est un don de Louis Massonier. L'année 1906 voit aussi l'arrivée de l'abbé Thomas Jacquet, un Français venu avec son père et son beau-frère. «Une dizaine de homesteads avaient déjà été pris dans la région avant l'arrivée de l'abbé Jacquet, mais ils avaient tous été abandonnés. C'est que le chemin de fer le plus proche passait à Weyburn, à 60 kilomètres, soit un trajet de trois jours en chariot chargé de blé à aller et de charbon et d'autres provisions au retour.»(5) L'abbé Jacquet se prend un homestead au sud-ouest du futur emplacement de Radville. Dans les histoires du coin, on dit que le curé aurait planté sa canne sur une hauteur au coin de sa terre et qu'il aurait crié, «Ici Seigneur, je bâtirai votre temple». D'autres histoires ajoutent que le curé aurait juré de dédier la paroisse à sainte Colette. «Il bâti avec son père une hutte en tourbe et célébrait la messe tous les dimanches jusqu'à l'année 1908 où l'église a été commencée et finie en 1909 et a été dédié à la patronne Ste-Colette. Cette paroisse est située à quinze milles au sud-ouest de Radville.»(6) L'abbé Jacquet fait cadeau de dix acres de son homestead pour la construction de l'église. Trois ans après la construction de l'église de Sainte-Colette, la santé oblige l'abbé Jacquet à déménager en Louisianne. Il aura été le seul curé résident de la paroisse. En 1912, une première église catholique est construite sur du terrain du Canadien Northern à Radville. L'abbé R. Prud'homme est le premier curé de la paroisse Sainte-Famille. Un an plus tard, le curé meurt subitement et il est remplacé par l'abbé M. Gendron. Le nouveau curé décide de déménager l'église. C'est sur le terrain de la nouvelle église que les Soeurs de la Charité de Saint-Louis construisent leur Académie Saint-Louis en 1915. Les religieuses étaient venues l'année précédente visiter la région. «À la demande de l'abbé Gendron, les Soeurs de Saint-Louis venaient regarder de près l'endroit où on les exortaient d'établir une école pour pensionnaires et externes.»(7) Les seuls revenus pour les religieuses sont la pension (12$ par élève par mois) et les coûts des leçons de musique. En 1922, les Soeurs de Saint-Louis réussissent à faire reconnaître leur couvent comme école séparée. Durant les années 1950, avec la centralisation des écoles, l'Académie Saint-Louis cessera d'être un pensionnat et deviendra une simple école séparée. L'histoire de l'Académie Saint-Louis de Radville deviendra intimement liée à celle du district scolaire Lacadia à Sainte-Colette. Les pionniers de la région se réunissent en juin 1911 chez Sylva Bourassa dans le but de fonder un district scolaire. «Il n'y eut pas de classe en 1911 car les maîtresses qualifiées étaient rares et le bâtiment devant servir d'école n'avait pas encore été construit.»(8) La région a toutefois été peuplée de gens de tous les coins du monde. «Il y eut dès le début des frictions entre les franco-catholiques et les autres contribuables; ces derniers se plaignaient de ce qu'on enseignait le français et le catéchisme 'au détriment d'autres matières'.»(9) Malgré ces chicanes et la nécessité d'embaucher des enseignants moins qualifiés mais qui étaient détenteurs d'un brevet d'enseignement de la Saskatchewan, il est probable que l'école Lacadia a bien enseigné le français et le catéchisme aux jeunes Canadiens français de la région. La centralisation des écoles mène à la fermeture de l'école en 1955. «En 1944, dans le cadre de la campagne de regroupement des arrondissements en unités plus étendues, le district de Lacadia no 290 fut rattaché à la Grande Unité Scolaire de Radville. Le gouvernement C.C.F. voulait ainsi organiser d'une manière plus rationnelle le système d'éducation, éliminer dans la mesure du possible les disparités régionales et améliorer le niveau général de l'enseignement.»(10) Avec la fermeture de l'école Lacadia, les jeunes se rendent à Radville pour poursuivre leurs études; pour les franco-catholiques, c'est à l'Académie Saint-Louis. La centralisation des écoles a mené à la perte du français pour bon nombre des francophones de Radville et de la région. «Plus de la moitié des 1,200 résidents de Radville sont d'origines, cependant très peu parlent encore français,» rapportait Rupert Baudais en 1976, «les rares conversations françaises que l'on puisse entendre sont entre les personnes les plus âgées... Depuis 10 ans, il n'y a plus d'activités françaises dans le village.»(11) La centralisation des écoles aurait donc mené à la disparition d'un autre coin francophone de la Saskatchewan. Références (1) Baudais, Rupert, «Welcome to Radville!», reportage publié dans l'Eau Vive, le 12 mai 1976, p. 16. (2) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986, p. 259. (3) Our First 50 - A History of the Town of Radville, Saskatchewan, 1910-1960, Radville: 1960, p. 22. Traduction. (4) Our First 50 - A History of the Town of Radville, Saskatchewan, 1910-1960, Radville: 1960. p. 54. Traduction. (5) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986, p. 259. (6) Our First 50, Op. cit., p. 54. (7) Ibid., p. 65. (8) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Op. cit., p. 260. (9) Ibid., p. 262. (10) Ibid., p. 263. (11) Baudais, Rupert, «Welcome to Radville!», reportage publié dans l'Eau Vive, le 12 mai 1976, p. 16. Sources Un bout d'histoire.... 75 Baudais, Rupert, «Welcome to Radville!», reportage publié dans l'Eau Vive, le 12 mai 1976. Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986. Our First 50 - A History of the Town of Radville, Saskatchewan, 1910-1960, Radville: 1960. Archdiocese of Regina: A History, Regina: Archdiocèse de Regina, 1988. |
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