Des histoiresRacines de sénécaBon nombre de colons sont arrivés en Saskatchewan avec au plus quelques centaines de dollars en poche, tout juste assez pour se réserver un homestead, y construire une maisonnette et faire l'achat de boeufs ou de chevaux de labour. Une fois installées, les familles pionnières étaient bien forcées de patienter jusqu'à ce que la culture du blé et des autres céréales soit d'un rapport suffisant. Mais entretemps, même si l'on se contentait de peu, il fallait bien effectuer quelques achats essentiels au magasin du village. Dans les régions avoisinant le parkland, les familles blanches et métisses se livraient à la cueillette des racines de sénéca, que le marchand échangeait contre des denrées de première nécessité. Le sénéca – aussi appelé sénéga ou polygale – est une petite plante à rhizome qui pousse dans les bois rocheux et les prés; on la reconnaît à ses délicates fleurs blanches, formant un épi presque cylindrique. Au début du siècle, le sénéca était couramment employé en pharmacie pour soulager la bronchite, l'asthme et le rhumatisme, tout autant que comme stimulant. Ses propriétés bénéfiques viennent de l'accumulation du salicylate de méthyle dans le rhizome. Et c'est cette tige souterraine qui, séchée, avait une valeur marchande. Clémentine Beaudet-Mansière, venue avec sa famille au sud de Kinistino en 1905, explique la façon de cueillir le sénéca: «Aussitôt un peu reposés, et les choses un peu en place, nous avons été ramasser des racines de sénéca. Ce sont des petites plantes d'à peu près 8 à 10 pouces de haut, avec tiges et petites fleurs blanches qui ressemblent à de petits épis et dont les racines sont employées en médecine. Papa, maman, soeur Marthe, Henri et moi et grand-mère, nous avons été ramasser de ces racines à quelques milles de chez-nous. On les faisait sécher sur des couvertures. On avait chacun un outil pour ramasser nos racines, un morceau de fer d'à peu près 6 à 8 pouces de long, 2 pouces de large, fixé solidement à un manche en bois. Avec un petit sac comme tablier, on se promenait toute la journée parmi les fleurs et les moustiques. Nos racines se vendaient à peu près 25 ou 30 sous la livre. On les échangeait dans les magasins pour de la farine, graisse, sucre, etc. On partait ainsi pour une semaine en emportant ce qu'il fallait.» Les Amérindiens connaissaient un moyen beaucoup moins pénible de faire provision de racines de sénéca. Ils remontaient tout simplement une des innombrables pistes de souris des champs jusqu'à sa branche principale, et de là jusqu'au nid. Il suffisait d'ouvrir le nid avec un bâton pour ramasser plusieurs kilogrammes de racines entreposées là, déjà sèches et propres, car les souris débarrassaient la tige de tous ses poils, pour ne conserver que la partie nourricière. Avec le perfectionnement des méthodes industrielles de production des composés chimiques, le marché de la racine de sénéca a presque complètement disparu et cette jolie plante, menacée par la cueillette intensive, effectue un retour dans plusieurs régions. (adapté du dossier Lillianne Leray, Archives provinciales) |
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