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Des mots

Placoter

En fin de semaine dernière, quelque cent artistes de tous les coins de la province se sont réunis à Regina pour la 3e assemblée annuelle de l'Association des artistes de la Saskatchewan.

En plus d'assister à plusieurs spectacles de très haute qualité, de participer à des ateliers pour faire avancer leur art et de faire connaître leur point de vue lors de la réunion annuelle, les artistes ont consacré leur fin de semaine au placotage, car plusieurs d'entre eux ne se voient qu'une fois par année.

Placoter permet aux artistes de savoir ce qui se fait dans les autres disciplines artistiques; le peintre vient à connaître ce qui se fait dans le domaine de la danse, le musicien échange des idées avec l'auteur, le choriste demande des conseils de mise en scène à l'amateur du théâtre. Enfin, le vidéo-man enregistre tous les propos des placoteux avec sa caméra betacam.

Puisqu'il s'agissait d'une rencontre des artistes, il fallait bien mettre en évidence l'art du placotage.

Dans son Dictionnaire de la langue québécoise, Léandre Bergeron nous propose les définitions suivantes: «Placotage: n.m. commérage, bavardage. Placoter: v. intr. ou transitif. Bavarder. Courailler. Perdre son temps. Dire ou faire. Ex. Qu'est-ce qu'i vient placoter ici? Barboter. Placoteux, se: adj. ou n.m. ou f. Qui placote. Qui barbote.»

Bergeron nous propose aussi le terme placasseux «adj. Bavard.» qui ne semble pas être commun en Saskatchewan.

Il m'a été impossible de trouver, dans aucune de mes sources de références, l'origine de ces termes. Dans le Dictionnaire du français québécois, les Trésors de la langue française au Canada, Volume de présentation, on donne beaucoup d'exemples de l'utilisation de placoter, placotage et placoteux dans l'écriture québécoise, dans les journaux, les romans, etc.

La plus vieille référence à placottage semble avoir été dans le journal La Presse de Montréal du 3 mars 1934. Cette journée-là, les lecteurs pouvaient lire: «Et s'il faut que les chats se mettent à sortir du sac dans la paroisse de monsieur Taschereau, ça va faire du placottage dans les environs de la porte Saint-Louis.»

La même année, un témoin de St-Vallier déclarait, lors d'une enquête préliminaire devant la Cour des sessions de la paix, que l'accusé «avait ça dans la tête, les placotages que les gens faisaient et il répétait ça pour une risée.»

On retrouve le verbe placoter pour la première fois dans la littérature québécoise dans le roman Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy (1945). «Il va la perdre, sa job, s'il continue à placoter au restaurant d'en face plutôt que de se tenir prêt à servir le monde.»

Au Québec, on trouve plusieurs synonymes du verbe placoter: bavasser, chouenner, jaser, piquer une jase, tandis qu'en France on va entendre: bavarder, commérer, jacasser, jaspiner et parler. Plus rarement, on entendra causer, papoter et potiner.

On va rencontrer les synonymes suivants pour placoteux: bavasseux, mémère, porte-panier et panier-percé.

Enfin, les artistes ont beaucoup placoté pendant la fin de semaine, mais parfois il fallait être sérieux, comme quand le moment est venu de signer une pétition contre l'imposition d'une taxe de 7% sur la vente des livres, des revues et des journaux. Le placotage a cessé pour quelques secondes alors que les artistes ont apposé leur signature sur la pétition.

Vous voyez, avec cette fameuse taxe, les communs des mortels pourraient arrêter d'acheter des livres, des revues et surtout l'Eau vive et sans notre petit hebdomadaire, les gens n'auront jamais la chance de connaître nos bons artistes fransaskois.

– Aille! Toi! Oui, oui, toi! As-tu signé la pétition qui circule dans ton coin contre la taxe sur la vente de tout matériel de lecture? Non! Voyons, il le faut! Rends-toi vite à ta bibliothèque pour le faire. Cette taxe doit disparaître.





 
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