Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 17 numéro 4

Pionniers en Saskatchewan

par Lucille Labrecque-Nawrocki
vol. 17 - no 4, juin 2007
Rosetown n’est généralement pas une région associée avec la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan. C’est toutefois une région qui a attiré de nombreux Canadiens français au début du XXe siècle.
Joseph Paquette a été le premier à s’établir dans cette région en 1904. Au cours des prochaines années, d’autres Canadiens français sont venus le rejoindre, entre autres Joseph-August Pelletier, Hormidas Quintal, Joseph Sénécal, Charles Béchard, Augustin Jean, Joseph Jérome, Hector lachapelle, Adrien lavoie, Narcisse Létourneau, Alfred Normand et Faïda Paquette.
Un autre jeune Canadien français qui est venu s’établir dans la région était Eugène Labrecque de Ham-Nord, Québec. Il est arrivé en 1910 avec un frère, Télesphore Labrecque.
Voici son histoire. Cet article a d’abord été publié dans le Bulletin des Labrecque.


Mon grand-père paternel Alfred Labrecque a épousé Marie Brulotte le 27 juillet 1879 à Saint-Ferdinand, Québec. Dix enfants sont nés de cette union à Ham-Nord, Québec. Mon père, Joseph-Eugène Labrecque, le 7e enfant d’Alfred est né le 29 avril 1891 à Ham-Nord. Eugène est déménagé à Rosetown en 1910 comme pionnier.
Mon grand-père maternel, John Lajeunesse, a épousé Rosalie Morin de Ham-Nord. Ils ont eu une famille de 15 enfants, deux d’entre eux sont morts vers l’âge de deux ans.
Labrecque, 25e
Eugène et Lucienne Labrecque lors de leur 25e anniversaire de mariage. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)


Ils ont quitté Ham-Nord pour s’établir à Debden en Saskatchewan en 1912 avec les quatre plus jeunes. Ma mère Lucienne Lajeunesse, la plus jeune, est née le 6 janvier 1898. Elle avait 14 ans quand elle est arrivée à Debden. Elle a appris à parler anglais durant l’hiver mais elle n’avait pas beau-coup d’occasion de le parler. Elle a épousé Eugène Labrecque le 8 janvier 1918 à Debden.

Eugène et Lucienne Labrecque se sont établis dans une petite maison de bois avec plancher de terre à 9 milles au sud de Rosetown! Durant leur séjour à la campagne, ils ont bâti deux autres maisons plus confortables.

Quand Eugène est parti de l’Est pour venir dans l’Ouest, il était venu avec un cheval, un petit paquet de vêtements et un tout petit peu d’argent dans ses poches. Il a voyagé à bord du train dans le compartiment des animaux parce qu’il n’avait pas suffisamment d’argent pour acheter un billet. Il a déboursé quelques dollars pour son cheval et rien pour lui-même.
famille Labrecque
Eugène Labrecque et son épouse Lucienne Labrecque, née Lejeunesse, ainsi que trois se leurs enfants dans la cour arrière de leur maison en 1927. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)
Dans le compartiment où il se trouvait, il n’y avait pas de fenêtre; donc, de temps en temps, il ouvrait la porte pour voir dehors et respirer le bon air. C’est ainsi qu’il est arrivé à Saskatoon, Saskatchewan en 1910.

En arrivant dans l’Ouest, papa a été malade pendant une année. On pense aujourd’hui que c’était l’eau très dure qui l’affaiblissait. Après quelques temps, il a commencé à creuser des puits avec une machine et un cheval. Il avait également deux hommes qui travaillaient pour lui. C’était un travail très dangereux car il fallait souvent employer la dynamite pour briser les rochers. Mon père connaissait bien les couches de la terre à quelques mètres de profondeur. En dynamitant la terre, il a eu plusieurs accidents mais sans se blesser gravement. Souvent, il disait en riant : «J’ai sept vie comme un chat».

L’été, il creusait des puits mais au cours de l’hiver, il demeurait à Debden et travaillait dans le bois comme bûcheron. Cela a duré sept ans. Il a aussi commencé à défricher et cultiver sa terre. Avant de se marier, il s’est acheté une auto «Ford Model T». Il a été le premier dans la ville de Rosetown à conduire une auto, par conséquent, il a été le premier à être victime d’un accident! Il a frappé un cochon et l’auto s’est renversée. Il s’est endommagé une épaule qui l’a fait souffrir pour le reste de sa vie et il a perdu la vue dans un œil.
Ferme Labrecque
La grange et les graineries de la ferme de Eugène Labrecque en 1946. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)
maison 1946
Vue de la maison de Eugène Labrecque au sud de Rosetown en 1946. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)


En 1940, il s’est construit un bâtiment en bois de 100 pieds de long avec une couverture ronde. Le bâtiment était assez haut pour placer les camions sous le grain. Les ingénieurs de l’Université de Saskatoon lui avaient dit qu’un tel bâtiment serait impossible à construire, mais il l’a fait quand même. Le bâtiment est encore en service aujourd’hui.

Il a aussi été le premier à bâtir des graineries en bois avec un toit pointu. Les hommes n’avaient pas besoin de pelleter le grain, il descendait seul facilement. Après la grande sécheresse des années 1930-37, il a acheté les terres des fermiers qui étaient retournés dans l’Est en payant seulement les taxes municipales. Finalement, il avait trois sections et trois-quarts de terre, faisant de lui à ce moment-là l’un des plus gros fermiers de la région!

Notre troisième maison a été bâtie pendant les années de sécheresse avec de vieilles planches; on y a cependant installé une fournaise neuve. La famille a vécu au sous-sol pendant plusieurs années. Mes parents étaient habitués d’avoir un grand jardin de légumes et plusieurs arbres fruitiers qui nourrissaient la famille sans dépenser beaucoup d’argent. On avait aussi les autres produits de la ferme : le lait, les œufs, la viande. Ma mère faisait même du fromage. Pendant quarante et un ans, mes parents ont cultivé la terre en variant les sortes de semences et ont fait plusieurs autres travaux. Dans le but d’éliminer les difficultés des travaux sur la ferme, papa s’improvisait tantôt forgeron, tantôt soudeur. Papa était un «patenteux».

Maman travaillait fort pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle trayait les vaches durant l’été, prenait soin des poules, ramassait les œufs et voyait au jardinage et à la cueillette des petits fruits, etc.

Durant l’hiver, c’était le temps de coudre les vêtements pour tous et de tresser des tapis pour mettre à la porte ou à côté des lits des enfants. Elle tricotait des foulards, des mitaines, tout ce dont les enfants avaient besoin pour être chaudement vêtus. De notre mère, les filles ont appris à faire les travaux ménagers.
réunion de famille
Les enfants d'Eugène Labreque et Lucienne Lejeunesse lors d'une récente réunion de la famille. Première rangée: Lucille Nawrocki, Ernest Lebrecque, Luc Labrecque, Léo Labrecque, Adèle L'Heureux. Deuxième rangée, de gauche à droit: Caroline Stein, Rose Calam, Alfred Labrecque, S?ur Ilda Labrecque, S?ur Alice Labrecque, Moinque Bouclin, Beatrice Beaudry, Louise Beaudry. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)

Souvent, notre maison était pleine de gens qui faisaient de la musique, dansaient, chantaient; maman pouvait donner à tous un bon repas. La parenté jouait aussi aux cartes lors des grosses veillées quand visitaient les parents de l’Est.

En 1950, Eugène et Lucienne ont fait un pèlerinage à Rome dans le cadre de l’Année sainte pour voir le pape; ils sont même allés prier Marie à Lourdes. Ils ont fait d’autres beaux voyages dans leur vieil âge.

À Pâques 1978, ils ont fêté leur 60e anniversaire de mariage avec leurs 13 enfants, une cinquantaine de petits-enfants et la parenté de l’Est. Lucienne est décédée le 27 mars 1980 et Eugène, le 8 janvier 1981 à Rosetown.
Ferme 1980
Vue aérienne de la ferme vers 1980. La maison, d'aspect plus moderne, a été construite par un des fils de Joseph-Eugène Labrecque. On y voit encore la fameuse grange construit par Eugène Labrecque. (photo: Lucille Labrecque-Nawrocki)





 
(e0)