Des histoiresPhotographes publicsLes albums de photos des familles rurales illustrent surtout des scènes quotidiennes de la ferme et des événements comme un pique-nique, le mariage d'une cousine et la visite de Monseigneur l'évêque ou de Monsieur le député. Souvent un peu flous, presque toujours trop sombres ou trop peu nuancés, invariablement pris de trop loin, on reconnaît dans ces photos la touche de l'amateur muni d'un «kodak» de qualité moyenne. Mais il arrive souvent que l'on trouve des instantanés qui ont en commun la clarté et l'excellente qualité de l'image ainsi que l'uniformité de la composition et du décor, c'est-à-dire une ou deux personnes pleine grandeur, sur un trottoir bondé de passants, devant un tramway ou la vitrine d'un magasin. Pour un peu, on dirait que la même personne a pris ces photos pour toutes les familles. C'est en fait exactement ce qui s'est passé, car ces clichés ont été pris par une petite poignée d'hommes qui exerçaient le métier de photographe public dans les grandes villes de la province, durant les années 1940 et 1950.
Le profit du photographe public dépendait en dernière analyse de son habileté à juger de l'intérêt éventuel du passant, car chaque cliché invendu signifiait une perte nette de quelques sous. On se doute un peu de la clientèle favorite: les habitants des campagnes, reconnaissables à leurs vêtements et à leur démarche, pour qui une visite à la ville était encore une occasion à marquer d'une pierre blanche, ou tout au moins d'une photographie en noir et blanc. Il va sans dire que les photographes publics faisaient des affaires d'or quand les grandes foires agricoles régionales et provinciales attiraient des dizaines de milliers de ruraux à Saskatoon, à Régina ou à Moose Jaw. |
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