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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Photographes publics

Les albums de photos des familles rurales illustrent surtout des scènes quotidiennes de la ferme et des événements comme un pique-nique, le mariage d'une cousine et la visite de Monseigneur l'évêque ou de Monsieur le député. Souvent un peu flous, presque toujours trop sombres ou trop peu nuancés, invariablement pris de trop loin, on reconnaît dans ces photos la touche de l'amateur muni d'un «kodak» de qualité moyenne. Mais il arrive souvent que l'on trouve des instantanés qui ont en commun la clarté et l'excellente qualité de l'image ainsi que l'uniformité de la composition et du décor, c'est-à-dire une ou deux personnes pleine grandeur, sur un trottoir bondé de passants, devant un tramway ou la vitrine d'un magasin. Pour un peu, on dirait que la même personne a pris ces photos pour toutes les familles. C'est en fait exactement ce qui s'est passé, car ces clichés ont été pris par une petite poignée d'hommes qui exerçaient le métier de photographe public dans les grandes villes de la province, durant les années 1940 et 1950.


un pionnier du district
Cette photographie d'Étienne Moulin, un pionnier du district de Milly, a été prise par un photographe public à la fin des années 1940 (Archives de la Saskatchewan)
Le photographe public s'installait le long d'un trottoir achalandé, le plus souvent au voisinage des grands magasins à rayons. Il était équipé d'un appareil spécial, monté sur trépied et capable d'accepter un rouleau de pellicule de 750 poses. Il se déplaçait à quelques reprises au cours de la journée, afin de toujours garder le dos au soleil. À chaque fois, il réglait la mise au point de telle sorte qu'il n'avait qu'à appuyer sur le déclencheur quand un passant arrivait à la distance idéale, par exemple, lorsqu'il mettait le pied sur tel joint du trottoir. Le photographe tendait alors au passant un coupon numéroté, habituellement sans lui dire un mot. L'adresse où il fallait écrire pour obtenir la photo paraissait au dos du coupon. De retour chez lui, le passant retournait le coupon par le courrier, insérant un mandat de soixante-quinze sous ou d'un dollar dans l'enveloppe et le photographe lui faisait parvenir le cliché par retour du courrier. Il semble aussi que quelques photographes se servaient d'un appareil complexe, de fabrication allemande ou suisse, qui développait la pellicule sur-le-champ.

Le profit du photographe public dépendait en dernière analyse de son habileté à juger de l'intérêt éventuel du passant, car chaque cliché invendu signifiait une perte nette de quelques sous. On se doute un peu de la clientèle favorite: les habitants des campagnes, reconnaissables à leurs vêtements et à leur démarche, pour qui une visite à la ville était encore une occasion à marquer d'une pierre blanche, ou tout au moins d'une photographie en noir et blanc. Il va sans dire que les photographes publics faisaient des affaires d'or quand les grandes foires agricoles régionales et provinciales attiraient des dizaines de milliers de ruraux à Saskatoon, à Régina ou à Moose Jaw.





 
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