Philippe-Antoine Bérubé

Philippe-Antoine Bérubé (Archives de la Saskatchewan)

En septembre 1907, un prêtre arrive comme curé de Vonda. Il s'agit de l'abbé Philippe-Antoine Bérubé. Originaire de Rimouski, au Québec, il vient de passer cinq ans aux États-Unis, dans l'état du Wisconsin. L'abbé Bérubé a offert ses services au diocèse de Prince Albert et Mgr Albert Pascal, o.m.i. l'a nommé procureur diocésain et missionnaire-colonisateur. C'est surtout dans le poste de missionnaire-colonisateur qu'il va faire sa marque.

Le 17 septembre 1907, Philippe-Antoine Bérubé vient établir ses quartiers à Vonda où il doit occuper le poste de curé de paroisse. À ce moment, Vonda fait partie du diocèse de Prince Albert. « Il fait ériger de suite une chapelle d'environ 40 pieds sur 26, avec une tour et un clocher. »1 Il couche chez un nommé Leroux, l'agent des terres, jusqu'à ce qu'un presbytère soit construit.

Puis, le missionnaire-colonisateur se lance dans le recrutement de nouveaux colons pour le diocèse de Prince Albert. « À l'été de 1908, il entreprend une longue tournée de recrutement dans les vieilles paroisses du Bas-Canada et il revient en août avec au moins 80 colons; un bon nombre d'autres suivent durant l'automne. En tout, environ 150 nouveaux arrivants se prennent un homestead ou achètent une terre. »2 La plupart de ces nouveaux colons s'établissent à Vonda, à Saint-Denis et à Prud'homme.

Vonda est établi en 1902 lorsque le Canadien Northern réserve l'endroit pour un village et y délimite des lots et des rues. L'année suivante, on commence la construction de la ligne de chemin de fer et le premier train arrive à Vonda le 31 mai 1905. Avec l'arrivée du chemin de fer viennent aussi les spéculateurs et les hommes d'affaires. Lorsque l'abbé Bérubé arrive en 1907, la majorité des gens à Vonda sont Anglais, quoiqu'il y ait certains Canadiens français comme Siméon Robert, le premier boucher, et F.-X. Dufour, propriétaire d'un café et ensuite premier propriétaire de l'hôtel Alexandra. L'arrivée des colons de l'abbé Bérubé en 1908 est «suffisant pour faire basculer le rapport des forces en faveur du clan français à Vonda.»3

Ayant connu des succès pour attirer des colons vers l'Ouest, de la vieille province du Québec, l'abbé Bérubé tourne ensuite son attention vers la Nouvelle-Angleterre en 1910. « Plusieurs Canadiens français émigrés aux États-Unis ne s'étaient jamais complètement adaptés aux conditions de travail et de la vie dans les villes manufacturières et ils avaient conservé la nostalgie d'une existence moins mouvementée sur la ferme. »4

L'abbé Bérubé se rend dans les villes manufacturières de la Nouvelle-Angleterre pour essayer de recruter des Franco-Américains pour les régions boisées du nord de la Saskatchewan. « Annonces, salles publiques, orateurs, tout était payé par le gouvernement canadien. Les deux conférenciers les plus populaires étaient l'Abbé Bérubé et Romulus Laurier, neveu de Sir Wilfrid Laurier. Leurs discours portaient sur les avantages immenses qui s'offraient à celui qui voulait aller s'établir dans l'Ouest canadien. Pour 10 $, l'immigrant devenait possesseur de 160 acres de terre.... en pleine prairie. »5

Il recrute ainsi aux États-Unis comme au Québec des colons qui vont venir fonder de nouvelles paroisses dans le diocèse de Mgr Pascal. « Vers la mi-avril 1910, il arrivait dans l'Ouest à la tête de cinq ou six cents émigrants canadiens-français recueillis surtout aux États-Unis. Cette foule remplissait tout un train. »6 Ces colons vont fonder de nouvelles paroisses canadiennes-françaises à Debden, Victoire, Arborfield et Zenon Park. D'autres iront s'établir à Arborfield et à Henribourg.

Philippe-Antoine Bérubé est aussi un des premiers à essayer de regrouper les forces franco-canadiennes en Saskatchewan. En 1909, il tente d'organiser un regroupement provincial des cercles locaux de la Société St-Jean-Baptiste. Une réunion a lieu dans sa paroisse mais elle n'apporte pas les résultats voulus. L'abbé Bérubé sera aussi présent à la fondation de l'ACFC à Duck Lake en 1912.

Dans ses mémoires, Raymond Denis affirme que l'abbé Bérubé croyait que « les deux grandes questions autour desquelles nous devions nous unir, c'était la question des écoles et celle de la colonisation. »7 Étant d'un caractère fougueux, le curé de Vonda s'en prend souvent à ses supérieurs, que ce soit Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, Mgr Mathieu, archevêque de Regina, ou Mgr Pascal.

Dans sa biographie de l'abbé Bérubé dans 100 NOMS, Richard Lapointe relate un épisode entre l'abbé et Mgr Mathieu lors du congrès de fondation de l'ACFC en 1912. L'abbé Bérubé demande qu'on nomme un curé pour aller convaincre des religieuses à venir établir des couvents en Saskatchewan. Voulant se moquer de lui, Mgr Mathieu déclare que Bérubé devrait être ce prêtre qui irait exercer ses charmes sur les bonnes religieuses du Québec. L'abbé Bérubé, un homme très laid, retorque que l'année précédente, Mgr Mathieu était «allé rendre visite aux religieuses et maintenant, elles se déclarent prêtes à venir immédiatement.»8 Il ajoute que l'archevêque de Regina semble exercer plus de charmes sur les religieuses que lui.

L'abbé Philippe-Antoine Bérubé est décédé à Vonda le 17 avril 1913. Il a été enterré dans sa paroisse natale dans le diocèse de Rimouski.

1 Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988. p. 38.
2 Ibid. p. 38.
3 Ibid. p. 38.
4 Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan , Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986. p. 129.
5 Zenon Park History Book Committee, Yesterday - Hier, Today - Aujourd'hui, Zenon Park 1910-1983 , Humboldt (Sask.): Humboldt Publishing Limited, 1983. p. 276.
6 Lapointe, Richard, 100 NOMS, op. cit. p. 42.
7 Denis, Raymond, Mes mémoires, Manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. p. 47.
8 Lapointe, Richard, op. cit. p. 43.

Sources

Denis, Raymond, Mes mémoires, Manuscrit aux Archives de la Saskatchewan.

Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988.

Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan , Régina: Société historique de la Saskatchewan, 1986.

Zenon Park History Book Committee, Yesterday - Hier, Today - Aujourd'hui, Zenon Park 1910-1983 , Humboldt (Sask.): Humboldt Publishing