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Société historique de la Saskatchewan

Des gens

Paul Rivière

La famille, la paroisse et l'école ont longtemps été les trois grands pôles autour desquels se formait la résistance de la minorité franco-catholique. Il y en a eu un quatrième, l'action coopérative, qui n'a pas pris toute l'ampleur souhaitée mais qui eut néanmoins son importance. La première caisse populaire en Saskatchewan, par exemple, fut créée à Albertville dès 1916 par le curé du village, M. l'abbé Abraham LeBel. Des coopératives d'achat de semences, de ficelle d'engerbage et de charbon, dont les cercles locaux de l'A.C.F.C. formaient le noyau, ont aussi existé durant la décennie suivante. On a même un temps contemplé la possibilité d'établir une coopérative franco-canadienne à l'échelle provinciale dans le secteur de l'alimentation, mais plusieurs marchands de village se liguèrent pour faire avorter le projet. Plus tard, bon nombre de Franco-Saskatchewannais ont contribué activement au mouvement pour la création du Wheat Pool, des coopératives de village et des Credit Unions. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, la mise sur pied d'une section saskatchewannaise du Conseil Canadien de la Coopération a donné un nouvel élan au mouvement coopératif. L'un de ceux qui a mené cet élan fut Paul Rivière, de la région de Radville.
C'est au printemps de 1906 que quatre jeunes Aveyronnais quittent leur pays natal pour l'Ouest canadien. Henri Rivière et les trois frères Mazenc ont lu des tracts distribués par des agents recruteurs et ils partent en quête de la fortune. Ils se prennent chacun un homestead sur la même section dans le district de Sainte-Colette, à l'ouest de Radville, cassent et ensemencent quelques acres en été, puis travaillent dans les mines de la Colombie-Canadienne en hiver. Lorsqu'éclate la Première Guerre, Henri Rivière rejoint son régiment, se bat dans les tranchées, est prisonnier de 1917 jusqu'à l'Armistice et se marie en 1919 avant de reprendre le chemin du Canada.

Paul-Victor Rivière naît le 20 mai 1920 et reçoit son éducation élémentaire à l'école Lacadia. Comme tous les fils d'agriculteurs, il doit très jeune se charger d'une partie des travaux de la ferme. Mais c'est déjà la sécheresse et, comme partout ailleurs dans le sud de la province, les récoltes diminuent considérablement et à maints endroits, manquent tout à fait. Devant cette situation, et aussi pour permettre à sa femme de se remettre plus facilement d'une maladie dans un climat plus hospitalier, Henri Rivière ramène la famille en France:

«En 1934, le père a loué la ferme, puis il a pris la famille en France. On a passé trois ans en France, ce qui ma aidé beaucoup pour maintenir notre langue; j'ai été à l'école pendant trois ans en France. Je suis parti d'ici à l'âge de 14 ans et on est revenu... j'avais 17 ans. Le père avait acheté une petite ferme en France... une toute petite ferme; c'était simplement une affaire à court terme. C'était des petites fermes dans ce temps-là. Ils semaient du blé d'automne, beaucoup de patates aussi. Ils faisaient l'élevage... il y avait de grandes prairies: l'élevage, le lait, la crème, le boeuf un peu, et puis aussi la vigne... ils faisaient un peu de tout.»

En 1937, la famille revient en Saskatchewan et reprend la culture. De 1942 à 1945, Paul Rivière est caporal et chauffeur de camion dans l'armée canadienne. «À mon retour de l'armée, je me suis marié et j'ai pris la ferme paternelle et puis j'ai travaillé sur la ferme toute ma vie, à venir jusqu'en 1977. J'ai commencé à m'intéresser aux caisses populaires, aux coopératives, à mon retour de l'armée, quand j'ai pris la ferme.»

Durant les premières années, Paul Rivière se consacre presque exclusivement à mettre sur pied une entreprise agricole prospère. En plus de se livrer à la culture du blé et des autres grains sur une grande échelle, il exploite un parc de reproduction de bovins et un autre pour la finition des porcs. En reconnaissance de ses succès dans le domaine de l'agriculture et de l'élevage, il reçoit en 1968 la médaille du «fermier modèle» pour le sud de la province. Pendant toutes ces années, il ne néglige pas ses devoirs communautaires: il est un temps commissaire d'école, puis conseiller de la municipalité rurale de Ceylon de 1948 à 1962. Il fait aussi partie du conseil d'administration de la caisse populaire de Radville à partir de 1954 et en est le président de 1962 à 1976.

Vers la fin des années 1960, comme il peut dorénavant compter sur l'aide de ses fils pour mener la ferme, il se sent libre d'accepter plusieurs positions au sein d'organismes agricoles et coopératifs provinciaux. Membre du conseil d'administration de la Cooperative Trust Company of Canada à partir de 1966, il devient vice-président trois ans plus tard, avant d'accéder à la présidence en 1975. Il servira à ce poste jusqu'en 1981. Paul Rivière est aussi élu membre du conseil d'administration de la Credit Union Central of Saskatchewan en 1972 et de la Co-Operative Union of Canada en 1976. Il siège au conseil d'administration de la Saskatchewan Hog Marketing Commission de 1974 à 1979, de Expork Canada West entre 1973 et 1976, et de la Saskatchewan Oil and Gas Corporation de 1979 à 1982.

Il accorde aussi son appui actif aux organismes franco-saskatchewannais et franco-canadiens de développement économique. Membre du conseil d'administration du Conseil de la Coopération de la Saskatchewan à partir de 1970, il en est le président pendant neuf ans et son représentant au directorat du Cooperative College of Canada. Il est de plus vice-président du Conseil Canadien de la Coopération de 1972 à 1975.

La famille Rivière s'installe à Saskatoon en 1977. «Paul Rivière a toujours été un combattant de la première ligne, affirmant constamment sa foi dans le processus démocratique au sein du mouvement coopératif. En tant que Fransaskois, il a toujours été un propagandiste et un défenseur de nos intérêts et de nos droits. Malgré les nombreuses critiques, rien ne semblait arrêter cet homme convaincu et convaincant. En plus de ses nombreux postes administratifs, M. Rivière trouvait le temps de faire partie de différentes coopératives locales à Saskatoon, dont entre autres, la Caisse Populaire La Fransaskoise. Son travail inlassable à l'avancement du mouvement coopératif en Saskatchewan et au Canada aura certainement donné des résultats tangibles et contribué par exemple aux discussions de regroupement des quatre caisses populaires fransaskoises.»

Paul Rivière est décédé à Régina le 27 décembre 1982, à l'âge de 62 ans.

(citations: entrevue avec Paul Rivière (R-5074) aux Archives provinciales; ibid; L'Eau Vive, 5 janvier 1983, p. 1; renseignements: Radville-Laurier, The Yesteryears, Radville-Laurier Historical Society, Radville, 1983, p. 376-377; Radville Star, 6 janvier 1983, p. 1 et 12)





 
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