Des histoires«Ouinechargeurs»Depuis le milieu du siècle dernier, le moulin à vent est le gardien solitaire des prairies nord-américaines. Invention capitale dans l'expansion de l'élevage sur des terrains où le bétail n'aurait pu trouver le moindre point d'eau sûr, le moulin à vent est un modèle de simplicité et de fiabilité. Une roue formée d'un grand nombre d'ailettes - habituellement dix-huit - est montée au sommet d'une tour métallique. Un système d'engrenages transforme le mouvement circulaire de la roue en un mouvement de va-et-vient, transmis à une longue tige qui actionne le piston de la pompe située entre les pattes de la tour. Des centaines de ces éoliennes sont encore debout, solides, dans les campagnes, quoique devenus inutiles par suite de l'emploi des pompes électriques.
La compagnie Windcharger, de l'Iowa, commercialisait une génératrice à vent de 1000 watts qui s'accouplait au système Delco, de telle sorte qu'il n'était pas nécessaire de changer la filerie des maisons ou d'acheter de nouveaux appareils électriques. Les «ouinechargeurs» gagnèrent donc immédiatement en popularité. Lorsque l'argent vint à manquer durant la sécheresse et la crise économique des années 1930, un grand nombre d'agriculteurs installèrent une génératrice à vent. Elle fournissait la plus grande partie du courant de la maisonnée, le Delco n'étant utilisé que par temps calme ou lorsque la demande dépassait la capacité du «ouinechargeur». La firme Windcharger n'était pas la seule à produire ces appareils en grande série; les compagnies Parris-Dunn, Air Electric et WinPower, toutes trois de l'Iowa, ainsi que Hebco et Jacobs avaient elles aussi leur part du marché. Quant au magasin Eaton, il vendait un modèle appelé «Viking», qui était en fait un Windcharger sur lequel on avait apposé l'emblème Eaton. La génératrice n'était pas très dispendieuse, une centaine de dollars au plus, quoiqu'il ait fallu compter une bonne quarantaine de dollars supplémentaires pour la tour. Ce sont les batteries rechargeables pour accumuler l'électricité produite qui coûtaient le plus cher, soit environ 275 $ pour un ensemble de capacité suffisante; contenues dans des bocaux de verre épais, elles pesaient plus de 400 kilos, et c'est pourquoi on les installait généralement au sous-sol de la maison. De construction soignée et solide, le «ouinechargeur» pouvait cependant être endommagé par les grands vents, alors que les pales se mettaient à tourner si rapidement qu'elles auraient littéralement explosé sans un système compliqué de freinage incorporé à la machine. Les jours de grésil, les accumulations de glace au bout des pales pouvaient aussi déséquilibrer l'appareil et, souvent même, causer le bris d'une pale. Avec la construction du réseau provincial de la Saskatchewan Power au début des années 1950, on démantela les «ouinechargeurs», devenus inutiles. Vingt ans plus tard, le renouveau d'intérêt envers les nouvelles formes d'énergie suite à la crise du pétrole amena quelques «patenteux» à découvrir ce que nos pères savaient déjà durant les années 1930: le vent est gratuit, surtout en Saskatchewan... (adapté de Don Gavton, «Before the grid», Farm Light & Power, mars 1986, p. 20) |
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