Des histoiresOrganisations coopérativesOn a maintes fois reproché à la population franco-saskatchewannaise son manque d'esprit coopératif, citant à titre de preuve les querelles de clocher et les luttes intestines divisant les mouvements patriotiques. Peut-être s'agissait-il là de l'esprit revendicateur français qui accepte mal le mors, fût-il d'argent. Dans le secteur économique, les Franco-Canadiens ont su adopter et adapter des solutions coopératives lorsque le bien-fondé et les avantages d'une entreprise ne faisaient aucun doute. De Bellegarde à la Butte Saint-Pierre, de Dollard à Zénon Parc, les exemples sont nombreux. Faute d'espace, nous ne pouvons effectuer qu'un survol bien incomplet de la province et citer des exemples dans trois villages, Albertville, Radville et tout d'abord Saint-Front: «Trois organisations paroissiales ont été formées depuis 1940. La première, l'Association Coopérative de St-Front, fut fondée en 1943 dans le but d'aider les cultivateurs dans l'expédition de leurs animaux pour le marché. Jusque là, si un fermier avait une ou deux têtes de bétail à envoyer, il devait prendre une journée pour les conduire à la station. Quelques fermiers organisèrent l'association et, avec l'aide du gérant de la Coopérative de Carrot River, construisirent une cour à bestiaux avec balance pour peser les porcs et les veaux. Au jour fixé, les fermiers amenaient leur bétail à la cour d'assemblage, le gérant les marquait et un camion amenait les animaux à Spalding. De 1943 à 1960, 8500 porcs et 2000 bêtes à cornes furent expédiés. Dès 1948, la quantité d'animaux diminue jusqu'en 1954. Cette diminution est due à la baisse de production sur les fermes. Comme les fermiers transportaient leurs animaux par camion au marché, la société a décidé de fermer la cour à bestiaux. L'organisation fut donc dissoute en 1960. «La deuxième organisation fut la caisse populaire, fondée en 1944 avec 21 membres. La caisse connut une ère de prospérité jusqu'en 1950 lorsque les mauvaises récoltes et l'abus de quelques membres affaiblirent son prestige. La troisième entreprise paroissiale est le téléphone rural. Depuis 1930, quelques fermiers avaient établi un système téléphonique bien primitif, d'une ferme à l'autre en se servant des clôtures barbelées qui entourent leur terrain. En 1936, M. Hormidas Proulx avec l'aide de quelques paroissiens réussit à construire une ligne de téléphone à fil unique reliant son magasin au central de Dahlton. Cette ligne fut très utile en plusieurs occasions, malgré ses imperfections. Mais les gens n'étaient pas satisfaits et, en 1943. Ils organisèrent l'association du téléphone rural de St-Front avec une vingtaine de membres. Avec la bonne volonté de chacun, des poteaux furent dressés le long des chemins, des appareils récepteurs installés dans les maisons éparpillées de la paroisse à un coût minime: un seul fil suffit à relier un bout de la paroisse à l'autre. En 1946, il y avait 35 abonnés sur un seul réseau, et les appels se faisaient entendre à chaque instant de la journée. N'ayant pas besoin de central, le coût d'entretien est très bas, 3 $ par année chacun.» À Albertville, il y eut plusieurs entreprises coopératives, dont la caisse populaire établie dès 1916, ainsi qu'un pâturage communautaire et une coopérative de déneigement des chemins. «Vingt-quatre agriculteurs de la région d'Albertville se réunirent pour mettre sur pied le pâturage communautaire Bégin, chacun achetant une part de 25 $ pour former un capital de 600 $, La coopérative fut officiellement constituée de 12 mars 1948. Les sociétaires signèrent un bail de trente ans sur huit carreaux de terre dans la municipalité de Paddockwood. On défricha et cassa le terrain avant de l'ensemencer en herbe. On creusa aussi des étangs et on érigea des enclos. Lorsque tout fut prêt, dix-huit membres y amenèrent leurs troupeaux. «Dès que les agriculteurs commencèrent à s'acheter des automobiles et des camions durant les années 1940, ils désiraient s'en servir même en hiver. On passait la herse sur les chemins pour tasser et faire durcir la neige; on traçait aussi des pistes dans les champs et on se servait même de chevaux pour tirer une charrue en V. Toutefois, aucune de ces méthodes ne donnait satisfaction.» «On forma finalement une coopérative pour ouvrir les chemins jusqu'à la grand'route au tout début des années 1950. Une dizaine de voisins achetèrent un petit chasse-neige rotatif. Toutefois, durant l'hiver 1955-1956, il y eut tellement de neige qu'il devint impossible d'ouvrir les chemins. La camionnette qui servait au transport des écoliers fut même abandonnée dans un banc de neige. Au dégel, il y avait des murs de neige plus haut que les voitures de chaque côté de la route. L'année suivante, les sociétaires achetèrent un chasse-neige de plus grande capacité. La municipalité se chargea de l'entretien des chemins en hiver à partir de 1969; devenue inutile, la coopérative fut dissoute en 1970.» Jusqu'en 1954, alors que la Saskatchewan Power installa les fils électriques dans les campagnes des environs de Radville, la seule méthode sûre de transport en hiver était le cheval et le traîneau. Quand il faisait très froid, on ne pouvait pas faire démarrer la voiture; d'ailleurs, les chemins étaient souvent bloqués par la neige. Après la Seconde Guerre, l'auto-neige Bombardier était considérée comme une véritable providence! Les frères Roy, de Radville, en avaient deux et ils allaient chercher les malades; ils faisaient aussi une tournée régulière deux fois par semaine dans le district de Lacadia afin que les gens puissent aller faire leurs provisions. Pour faciliter le passage des voitures, on forma une coopérative de chasse-neige, comme le raconte André Barbarin: «Un cercle du club communautaire de Lacadia, le Snow Plow Club, a été formé en 1949-1950; à cette époque, c'était le seul club de chasse-neige de la région. L'investissement se limitait à une charrue Richardson de 1500 $. Cinq personnes contribuèrent chacun leur part: Jean Mazenc, Louis Carles, Paul Rivière, René Rivière et André Barbarin. On travaillait à tant de l'heure et on servait les fermes avoisinantes en premier; ensuite, si l'on avait le temps, on allait jusqu'à 20 milles pour ouvrir le chemin d'autres groupes de fermiers. Certains hivers, on a travaillé jusqu'à 300 heures. «Les routes durant les années 1930 et même durant la Guerre n'avaient pas encore été surélevées et ne valaient guère mieux que des pistes de prairie. C'est seulement dans les années 1950 que les routes ont été améliorées, alors que le gouvernement provincial a entrepris la construction de grandes routes pavées et de gravier.» (tiré ou adapté de St. Front & Districts Memoirs, St. Front History Book Committee, Humboldt, 1981, p. 81; Buckland's Heritage, Buckland History Book Committee, s.l., 1980, p. 445; Builders of a Great Land, History Committee of R.M. of the Gap #39, Ceylon, 1980, p. 547) |
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