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Onésime Dorval

Une belle vie de dévouement

La première institutrice de la Saskatchewan: Le minuscule village de Batoche, sur les bords de la Saskatchewan, a eu son moment de célébrité lors du soulèvement métis de 1885. Ce fut le centre de la suprême résistance dans la Saskatchewan Nord et la vieille église porte encore dans ses murs la marque des balles. Là réside encore le vénérable Père J. Moulin, O.M.I. missionnaire octogénaire qui fut blessé d'une balle à la jambe au moment de ces troubles. Mais ce que l'on ignore plus généralement encore c'est que Batoche a aussi l'honneur de posséder la première institutrice de la Saskatchewan dans la personne d'une humble et sainte fille, mademoiselle Dorval, dont on célébrait ces jours derniers le jubilé d'enseignement.

Le Patriote de l'Ouest
le 21 août 1913
Onésime Dorval est née le 3 août 1845 à Sainte-Scholastique, Québec. Son père, Ignace Dorval, est cultivateur et menuisier. Lorsque Onésime a quatre ans, la famille Dorval s'établit à Saint-Jérôme, au nord de Montréal. Il n'y a pas d'école à Saint-Jérome et Onésime Dorval ne commence pas son éducation formelle avant l'âge de 10 ans lorsque son père l'envoie au couvent des Soeurs de Sainte-Croix à Sainte-Scholastique.

Elle commence à enseigner à l'âge de dix-huit ans, ayant terminé seulement sept ou huit années d'école. «Comme c'était une bonne étudiante et qu'à l'époque on manquait d'enseignantes, elle fut employée, aussitôt qu'elle eut suffisamment d'instruction, comme enseignante suppléante à l'École Modèle de Saint-Jérôme. Elle termina ses études alors qu'elle enseignait déjà.»(1) Elle termine ses études et obtient un diplôme officiel d'enseignement lorsque les Soeurs de Sainte-Croix viennent établir un couvent à Saint-Jérôme quelques années plus tard.

Onésime Dorval
Onésime Dorval, institutrice à la mission de St-Laurent (Prov. Archives of Alberta, 1881)
Elle entre chez les Soeurs de Sainte-Croix et se rend au monastère du Bon Pasteur dans l'état de New York pour y faire son noviciat. Mais elle doit abandonner son rêve à cause de sa santé. À New York, elle apprend l'anglais, un outil qui lui sera précieux plus tard dans l'Ouest canadien.

Sa santé s'améliore et, en 1876, elle fait la connaissance du père Albert Lacombe, o.m.i., missionnaire dans le Nord-Ouest. Elle lui demande d'intervenir auprès de Mgr Vital Grandin, o.m.i., évêque de Saint-Albert, pour qu'il puisse lui trouver du travail dans les Territoires du Nord-Ouest. L'évêque accepte cette offre et, au printemps de 1877, Mlle Dorval amorce une longue carrière de 37 ans d'enseignement dans l'Ouest. À l'âge de 32 ans, cette jeune fille, dont la santé était trop fragile pour la vie de religieuse, se dirige vers un pays qui est certainement reconnu à cette époque comme étant dur sur le monde.

Elle se rend premièrement au Manitoba, mais l'évêque de Saint-Albert l'interdit d'aller plus loin à cause de difficultés avec les Indiens dans les Prairies. Elle enseigne donc trois ans à Baie Saint-Paul sur la rivière Assiniboine. En 1880, Mgr Grandin lui accorde enfin la permission de se rendre à Saint-Albert.

En charrette de la Rivière-Rouge, elle se dirige à nouveau vers l'ouest. Le 8 août, la caravane arrive à Stobart(2) près du Lac des Canards. Onésime Dorval fait alors la connaissance du père Alexis André, o.m.i. «Quand Mlle Dorval passa à Duck Lake en arrivant dans le pays, elle était accompagnée d'une petite orpheline, Marie.(3) La caravane campa à quelques distances de la mission. Le père André vint les visiter et voulu retenir mademoiselle Dorval pour Saint-Laurent parce que sa Georgine(4) n'en pouvait plus. Il disait avoir une lettre de Mgr Grandin qui l'autorisait. Mais, comme il ne pouvait trouver cette fameuse lettre, Mlle Dorval ne voulut pas rester sans les ordres express de Mgr Grandin.»(5)

La caravane poursuit ensuite son voyage jusqu'au Fort des Prairies (Edmonton). Mlle Dorval et sa protégée, Marie, doivent aller demeurer chez les Soeurs Grises de Saint-Albert, mais, puisque la maison est très petite, elles vont à la mission du Lac Sainte-Anne, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Saint-Albert.

Les deux femmes passent l'hiver au Lac Sainte-Anne et le printemps suivant, elles retracent leurs pas jusqu'à Saint-Laurent de Grandin. «Mademoiselle Dorval arriva à Saint-Laurent en compagnie de Mgr Grandin le 26 juillet 1881. Ils avaient voyagé en bateau 6 jusqu'à Carlton et de là dans un vieux buckboard qu'on leur avait prêté.»(7)

Onésime Dorval arrive à Saint-Laurent de Grandin le 26 juillet 1881. À son arrivée, elle découvre «une bien pauvre petite église, très basse faisant suite à la maison du père, sans aucun confort; l'austère pauvreté règnait partout; pas loin de l'église une misérable masure(8) servant de cuisine, de classe, de réfectoire.»(9) Lorsque Mlle Dorval arrive à Saint-Laurent avec Mgr Grandin et Marie, le curé de la mission, le père Vital Fourmond, o.m.i., ne les attend pas si vite. Selon Mlle Dorval, «le pauvre père Fourmond... était à blanchir à la chaux l'église et le presbytère, accoutré pour la circonstance.»(10)

Elle passe deux ans à Saint-Laurent. Durant son séjour, elle réussit à convaincre le frère Piquet, o.m.i.,(11) d'ériger une petite statue dans un tronc d'arbre. «Chaque soir durant la belle saison, elle y conduisait ses élèves pour y réciter le rosaire en compagnie du père Fourmond.»(12) C'est le début du pèlerinage à la grotte de Notre Dame de Lourdes à Saint-Laurent, une tradition qui se poursuit jusqu'à nos jours.

Lorsque les Fidèles Compagnes de Jésus viennent ouvrir un couvent à Saint-Laurent en juin 1883, Mlle Dorval quitte la mission métisse pour aller enseigner à Battleford. Elle passe les treize prochaines années à Battleford où elle assiste à l'ouverture de l'école Saint-Vital, district scolaire catholique numéro 11, en 1886. Pendant la rébellion de 1885, elle se réfugie dans le fort à cause de la menace des Indiens de la tribu de Poundmaker.

En 1896, elle arrive à Batoche où elle passe les dix-huit prochaines années de sa vie. La première école de Batoche avait été ouverte, dans le presbytère, en 1884 par le père Julien Moulin, o.m.i., qui en avait été le premier enseignant. En 1887, elle était devenue la première école publique du district de la Saskatchewan. Vers 1894, deux ans avant l'arrivée de Mlle Dorval, le père Moulin avait fait bâtir une école à l'ouest du presbytère.

En 1896, le presbytère est réaménagé et pendant dix-huit ans, Onésime Dorval et le père Julien Moulin, partagent ce bâtiment qui existe encore dans le Parc historique national de Batoche. En plus d'enseigner les cours aux élèves du district, Mlle Dorval devient la cuisinière de la mission.

Durant son séjour à Batoche, le presbytère devient un pensionnaire; les filles partagent un annexe au bâtiment avec Mlle Dorval tandis que les garçons sont hébergés soit dans la salle à dîner ou dans une remise derrière l'annexe. Plusieurs pionniers de Bellevue sont élèves à Batoche. Mon grand-père paternel, Rosario Gareau, est pensionnaire vers 1897.

En 1914, le père Moulin et Mlle Dorval quittent Batoche. Le curé prend sa retraite à Saint-Albert, mais on a encore besoin des services de Mlle Onésime Dorval, la première institutrice diplômée du Nord-Ouest qui est maintenant âgée de 70 ans. Avant de pouvoir prendre sa retraite définitive, elle enseigne une dernière année à Aldina, près de Marcelin. En 1915, elle prend une retraite bien méritée à l'école résidentielle indienne de Saint-Michel à Duck Lake. Là, elle continue d'aider les religieuses.

Durant sa longue carrière, Mlle Dorval a consacré 51 années à l'enseignement, dont 37 dans l'Ouest canadien. Le 19 août 1913, les Soeurs de la Présentation de Marie ont organisé une petite fête pour marquer le cinquantième anniversaire d'enseignement de la première institutrice diplômée de la Saskatchewan. Cette fête a lieu à l'école résidentielle de Saint-Michel à Duck Lake.

Onésime Dorval est décédée le 10 décembre 1932 à l'hôpital de Rosthern. Elle était âgée de 87 ans.

Notes

(1) Quenneville, Jean-Guy, «Onésime Dorval, institutrice», Perspectives sur la Saskatchewan, Régina: Société historique de la Saskatchewan, 1983, p.133.
(2) Stobart est le premier nom donné à Duck Lake. Un nommé Stobart avait ouvert un magasin à cet endroit et en 1876 le père Alexis André, o.m.i., avait fondé une mission.
(3) Marie Darmour est une jeune orpheline que Mlle Onésime Dorval a adoptée avant de quitter le Québec. Marie reste avec Mlle Dorval jusqu'en 1883 à quel moment elle va terminer ses études au couvent des Fidèles Compagnes de Jésus à Prince Albert.
(4) Georgine Hudon est l'enseignante que Mlle Dorval remplacera à Saint-Laurent de Grandin en 1881.
(5) Codex historicus de la mission de Saint-Laurent-de-Grandin, Archives de la Saskatchewan, Micro R-9.45.
(6) Les bateaux utilisés sur la rivière Saskatchewan Nord à cette époque sont les «bateaux York».
(7) Codex historicus Op.cit.
(8) Masure: une habitation misérable, délabrée.
(9) Codex historicus de la mission de Saint-Laurent-de-Grandin , Archives de la Saskatchewan, Micro R-9.45. Cette masure misérable fut démolie en 1883 et remplacée par un hangar avec rallonge qui allait servir de couvent aux religieuses de la congrégation des Fidèles Compagnes de Jésus.
(10) Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891 - 1991 , Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 518. (Traduction)
(11) Le frère Jean-Pierre-Marie Piquet est né en France près de Lourdes et on dit qu'il avait connu Sainte-Bernadette Soubirous. Il arrive à Saint-Laurent en 1879.
(12) Quenneville, Jean-Guy, «Onésime Dorval, institutrice» , Perspectives sur la Saskatchewan , Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1983, p. 134.

Sources:
Codex historicus de la mission de Saint-Laurent-de-Grandin , Archives de la Saskatchewan, Micro R-9.45.

Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891 - 1991 , Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 518.

Quenneville, Jean-Guy, «Onésime Dorval, institutrice» , Perspectives sur la Saskatchewan , Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1983.






 
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