Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 16 numéro 2

On s’garoche à Batoche

souvenirs de Laurier Gareau
Vol. 16 - no 2, décembre 2005
Je venais de quitter un emploi à Radio-Canada, à l’automne 1978, quand j’ai été invité par Laurelle Favreau, directrice générale de l’Association jeunesse fransaskoise, d’écrire une pièce de théâtre pour un événement qui se déroulerait l’été suivant. En collaboration avec les associations jeunesses du Manitoba, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, l’AJF commençait l’organisation d’un énorme rallye de toute la jeunesse francophone de l’Ouest qui se déroulerait à Saint-Laurent en juin 1979. Est-ce que j’étais intéressé à faire partie de ce «happening» jeunesse? J’avais 28 ans... trop vieux pour même être membre de l’AJF.

Roland Stringer prononce un discours patriotique
Photo: Site internet Conseil jeunesse provincial
Roland Stringer prononce un discours patriotique à la foule de jeunes dans le rôle de Raymond Denis.



L’union des comités nord et sud de l’Association des jeunes francophones de la Saskatchewan, pour créer l’Association jeunesse fransaskoise, s’était fait seulement un an et demi plus tôt lors d’un colloque au vieux Collège Notre Dame de Saint-Louis. Mais déjà, à l’automne 1978, l’AJF posait les jalons d’une série d’actions qui allaient en faire l’association dominante dans le développement culturel de la communauté fransaskoise pour les cinq prochaines années.

Grâce à l’initiative de jeunes comme Laurelle Favreau, Michel Gervais, Jean-Raymond Châles, Roland Stringer et Luc Martin, l’année 1978-1979 allait être une suite d’activités socio-culturelles: tournée dans les écoles du groupe franco-

Maurice Aubin
Photo: Site internet Conseil jeunesse provincial
Le jeune auteur-compositeur-interprète franco-albertain, Maurice Aubin.


ontarois «33 Barrettes», premier Festival de théâtre Zone, le Super Fransaskois Show et bien sûr «On s’garoche à Batoche».

C’est ainsi que commence mon association avec «On s’garoche à Batoche», l’événement qui a marqué toute une génération de jeunes francophones de la Saskatchewan et de l’Ouest. Je deviens l’auteur attitré de l’événement. En plus de co-écrire la pièce La Nation provisoire avec Jean-Raymond Châles (pièce qui serait produite par le théâtre La Boîte à Popicos d’Edmonton), j’allais écrire quatre monologues de personnages historiques francophones: Marie-

Le R.P. Léopold Sabourin, S.J
Photo: Site internet Conseil jeunesse provincial
Le R.P. Léopold Sabourin, S.J., curé de Bellevue, célébrant à messe devant le cimetière de Batoche.


Anne Gaboury-Lagimodière (Lise Rivard), Père Albert Lacombe (Michel Allard), Wilfrid Laurier (Gérald Marchildon), et Raymond Denis (Roland Stringer). Il y a aussi une collaboration avec Bernard Lavigne dans la production d’un diaporama sur l’histoire des francophones de l’Ouest canadien (plus de 5000 photos historiques projetés sur trois écrans géants). J’avais écris la narration pour ce diaporama de 40 minutes, mais mon plus

Les tentes militaires venant de LaRonge
Photo: Site internet Conseil jeunesse provincial
Les tentes militaires venant de LaRonge ornent le terrain de stationnement du site du pèlerinage de Saint-Laurent pendant quatre jours en juin 1979.


beau souvenir est de travailler jusqu’à quatre heures du matin dans la vieille cantine du terrain du pèlerinage de Saint-Laurent pour finir de synchroniser 5000 images avec la narration. Nous étions à la dernière minute parce que les écrans et les projecteurs étaient un don du Gouvernement du Québec et les deux techniciens n’étaient arrivés à Saint-Laurent que le jeudi après-midi. Déception le vendredi soir! Deux projecteurs ne fonctionnent pas et il faut remettre la projection au dimanche soir.

«On s’garoche à Batoche» a aussi été la découverte de nombreux jeunes artistes francophones de l’Ouest, d’une jeune Nicole Brémault du Manitoba, Gisèle Lemire de la Saskatchewan, Maurice Aubin de l’Alberta et Danyèle Julien de la Colombie-Britannique sous la direction d’un grand musicien et compositeur, Dennis Connelly. L’événement, c’est aussi une invasion de chenilles à la veille du rassemblement qui tombaient des arbres du terrain de Saint-Laurent sur les tentes militaires que nous étions allés chercher à LaRonge. Puis, «On s’garoche à Batoche» c’est une marche de plusieurs kilomètres de Saint-Laurent au site historique de Batoche le dimanche matin pour la messe et une visite des lieux de la bataille de 1885. Mais, d’abord et avant tout, «On s’garoche à Batoche» aura été un éveil pour les quelque 600 jeunes présents du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique à leur héritage francophone et à la culture que leurs ancêtres leur ont légués.

À cause de cette initiative des quatre regroupements jeunesses de l’Ouest, toute une génération de jeunes franco-phones auront développé une fierté pour leur langue et leur culture. Ces jeunes, on les retrouverait plus tard dans les comités de parents qui ont poussé pour l’obtention de la gestion scolaire. On les retrouverait dans les comités culturels locaux à Saint-Denis, à Bellevue, à Gravelbourg et ailleurs en province aidant à créer dans la province durant les années 1980 une vitalité culturelle qui avait comme son point de mire la Fête fransaskoise initiée en 1980 par l’AJF.

J’ai de bons souvenirs de cette foire qu’on avait nommée «On s’garoche à Batoche». La fierté d’une génération de jeunes francophones a été bâtie autour d’une série de «happenings» culturels, dont «On s’garoche à Batoche». Je crois que notre ami, Denis Simard, a bien compris ce

des jeunes se fabriquent des costumes
Photo: Site internet Conseil jeunesse provincial
Avec du papier journal, des jeunes se fabriquent des costumes du temps de La Vérendrye.


message alors qu’il essaie de rebâtir la fierté fransaskoise chez les jeunes en 2005. Il faut créer des événements rassem-bleurs comme des festivals de théàtre ou des batailles des bands (Ramdam), si on veut que les jeunes s’embarquent dans notre communauté fransaskoise. Chapeau aux chefs de l’AJF qui, en 1979, ont mobilisé toute une jeunesse pour donner vie au terme «Fransaskois»! Chapeau aux leaders de l’Association en 2005 qui n’ont pas peur de «piler sur» certaines vieilles orteils qui préfèrent parler de francophonie plutôt que de passer à l’action.





 
(e0)