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Des histoires

Musique dans la communauté francophone

Prince Albert: Plusieurs musiciens de la ville organisent une bonne fanfare pour nous égayer durant les mois d'été.
Le Patriote de l'Ouest
le 30 avril 1914
Si la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan a pu survivre et même évoluer pour se développer une culture «fransaskoise» unique, c'est en grande partie à cause du nombre, quand même incroyable, d'activités culturelles et artistiques organisées au début du siècle dans les villages fondés par des Canadiens français, des Français et des Belges.

On retrouve des éléments de cette activité culturelle et artistique à la fin du XIXe siècle, à la Rolanderie, dans la région de Whitewood et Saint-Hubert dans le sud-est de la Saskatchewan. Les familles nobles venues de la France se sont engagées activement dans la vie sociale de la région et certains comtes ont même sorti leurs vieux instruments pour s'intégrer à la fanfare de Whitewood: «Une photographie de l'époque nous montre le groupe de la fanfare municipale de Whitewood. On y distingue aisément: le comte de Jumilhac (le petit bugle), le comte de Soras (piston), Robert Wolfe (clarinette) et le comte de Langle (tambour)»(1) Cette fanfare avait été mise sur pied par le directeur de l'école de Whitewood, M. W.H. Hudson. Parmi les membres de la fanfare, il y avait aussi un des fils du comte de Beaulincourt.(2)

La musique est donc un élément important de la vie socioculturelle des Franco-Canadiens de la Saskatchewan d'antan. Au début du siècle, de nombreuses autres fanfares sont établies ici et là en province.

En Saskatchewan, au début du siècle, l'inventaire de la plupart des foyers canadiens-français compte un piano, une guitare, un accordéon ou un harmonica et il y a beaucoup de bons musiciens francophones et métis. Souvent ces musiciens se regroupent pour former un orchestre, ou plutôt une fanfare. À Duck Lake, un ensemble musical comprenant, entre autres, Jos de la Gorgendière, Gaston Dubois et Raoul Saint-Denis(3) offre un mélange de mélodies traditionnelles, de danses carrées et de rengaines modernes, copiées des big bands américains.

Dans certaines communautés francophones, l'établissement d'un cercle local de la Société Saint-Jean-Baptiste permet l'établissement de fanfares ou de chorales. À Willow Bunch, «le comité musical, formé lui aussi dès les premiers jours de la Société, organise une chorale de vingt-six voix mâles, sous la direction du Dr Godin, et une fanfare de vingt instruments.»(4)

À Gravelbourg, la Société Saint-Jean-Baptiste tente d'en faire autant. «L'Association Philharmonique et la Chorale de Gravelbourg, constituées sous les auspices de la Société en 1915 et 1916 respectivement, n'obtiennent que des résultats décevants; la fanfare sera réorganisée deux ans plus tard, sans beaucoup plus de succès d'ailleurs, puisqu'on formera la fanfare Huel en 1924.»(5) Ailleurs, comme à Laflèche se sont des individus comme Tabaldo Bourassa qui fondent une fanfare.

Au Collège catholique de Gravelbourg, c'est avec sa fanfare que l'institution établit premièrement sa réputation dans le domaine de la musique. « Dès le début du Collège, on a compris l'influence formatrice de la musique, et c'est pourquoi on a toujours fait la place grande à son étude théorique et à ses réalisations pratiques... Et les fondateurs, soucieux de bien commencer, et sachant que la culture musicale est un élément essentiel de formation générale, encouragèrent l'étude de cet art.»(6) Aujourd'hui, cette tradition se poursuit au Collège Mathieu avec l'harmonie, le MAT, la chorale et le Jazz band.

Les premiers membres des fanfares régionales et les chefs de chorales avaient reçu leur formation musicale ailleurs, surtout en France et au Québec. Ce n'est qu'avec l'établissement de couvents et du Collège Mathieu que les jeunes Franco-Canadiens de la Saskatchewan vont pouvoir recevoir une formation musicale dans la province. Dans tous les couvents, il y avait autrefois au moins une religieuse qui offrait des cours de musique. Ces cours étaient populaires dans les couvents de Marcelin, Saint-Louis, Saint-Brieux, Ponteix, Montmartre et Laflèche. Pendant longtemps, le seul revenu des Soeurs de la Charité de Saint-Louis, au couvent de Radville, à part la pension des élèves, a été le coût payé par les parents pour les leçons de musique. Les religieuses ne recevaient pas de salaire puisqu'elles opéraient une école privée.

S'il y a eu au début du siècle, dans la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan, de nombreuses fanfares, il y a aussi eu un élément important de création musicale.

Certains musiciens ont séjourné en Saskatchewan au début du
siècle. Ils ont laissé un bel héritage dans le domaine de la musique, comme les chants patriotiques du R.P. Georges Boileau, o.m.i. et ceux de l'abbé Louis-Pierre Gravel. Certains frères de l'abbé Gravel ont aussi composé des chants.

Le père Boileau est né à Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds, Québec, le 27 août 1885. Après des études au juniorat du Sacré-Coeur à Ottawa, au Noviciat de Lachine et au scolasticat Saint-Joseph à Ottawa, il a été ordonné prêtre le 23 juillet 1911. Oblat de Marie Immaculée, il a travaillé dans certaines paroisses au Québec et a ensuite fait un séjour au scolasticat d'Edmonton avant d'arriver en Saskatchewan en 1921. «De retour dans l'Ouest, le père travailla au Collège Mathieu de Gravelbourg, Saskatchewan (1921-1930), fut nommé visiteur des écoles françaises de cette province (1927-1930), puis vicaire à Lebret, Saskatchewan (1930-1932).»(7)

C'est durant son séjour au Collège Mathieu qu'il a écrit les paroles pour la plupart de ses chants patriotiques. Il a recruté plusieurs collaborateurs pour composer la musique de ces chants, entre autres le R.P. Henri Gervais, o.m.i, l'abbé A. Erny et Messieurs E.-H. Chatillon, Pierre Gautier, J.-I. Paquet et J.-A. Contant. Au moins douze chants ont survécu jusqu'à nos jours, soit Le Doux Parler Ancestral (Boileau-Gervais), L'Hymne de Gravelbourg à la Vierge Immaculée (Boileau-Gervais), Vive ?Le Patriote? (Boileau-Erny), ?Le Baiser de la Langue Française? aux ?Petits de Chez-Nous? (Boileau-Chatillon), Stances Patriotiques des Écoliers de Langue Française à la Vierge Immaculée (Boileau-Gervais), Le Blé Qui Lève (Boileau-Gervais), La Patrie (Boileau-Gautier), L'Éclosion des Berceaux (Boileau-Paquet), Floraison de Lys au Canada Français! (Boileau-Contant), La Survivance de Dollard des Ormeaux (Boileau-Gervais), À l'Avant-Garde! Ô Dollard des Ormeaux! (Boileau-Contant) et Reviens Dollard... Combattre ?Jusqu'au Bout?! (Boileau-Chatillon).

Plusieurs chants du père Boileau sont dédiés aux évêques et aux curés de la Saskatchewan du temps; par exemple, Vive ?Le Patriote? est dédié à Monseigneur Mathieu de Regina et à Monseigneur Prud'homme de Prince Albert et aux pères Achilles-Félix Auclair et Ubald Langlois, o.m.i., ancien et actuel directeur du journal tandis que L'Hymne de Gravelbourg à la Vierge Immaculée est dédié à l'abbé Charles Maillard curé de Gravelbourg. Le père Boileau a même dédié ?Le Baiser de la Langue Française? aux ?Petits de Chez-Nous? à la mémoire de Mgr Adélard Langevin «l'ardent défenseur du Parler des Aïeux aux lèvres des Petits Canadiens-Français, l'irréductible champion de nos libertés scolaires, nationales et religieuses.»(8) Trois chansons du père Boileau sont au sujet de Dollard des Ormeaux puisqu'il y a, à cette époque, un culte à Dollard au Collège Mathieu.

En plus des chants du père Boileau, il est possible de noter un nombre de chants composés par les frères Gravel de Gravelbourg. Guy Gravel est l'auteur des paroles de La Belle Cousine (musique de Botrel) et Floraison (musique d'Émile Gravel) tandis que l'abbé Louis-Pierre Gravel est l'auteur et le compositeur de M'Aimeras-tu?, Cantique de Mariage, Cantique à St-Jean-Baptiste et Hymne à St-Jean-Baptiste. Il collabore avec son frère, le docteur Maurice Gravel, pour composer la musique du chant, Autrefois, écrit la musique pour le poème de Victor Hugo, La Demoiselle et les paroles pour la musique de l'abbé Erny de Meyronne, Ô Mon Pays! Il écrit aussi les paroles Sors de ce Monde, Âme Chrétienne pour être chantée avec la musique d'une vieille mélodie espagnole.

Au début du siècle, les partitions musicales de tous ces chants étaient disponibles aux Franco-Canadiens de la Saskatchewan ayant été imprimées chez Gravel & Frères, Éditeurs de Gravelbourg.

Aujourd'hui, la communauté fransaskoise tente de maintenir cette tradition de création musicale en organisant des projets comme celui de la relève musicale et les tournées Impac.

(1) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980, p. 87.
(2) Hawkes, John, The Story of Saskatchewan and its People, Chicago: The S.J. Clarke Publishing Company, 1924, p. 945.
(3) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986,
p. 198.
(4) Tessier, Lucille, «La vie culturelle dans deux localités d'expression française du diocèse de Gravelbourg (Willow-Bunch et Gravelbourg) 1905-1930», Perspectives sur la Saskatchewan française, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1983, p. 240.
(5) Ibid., p. 241.
(6) Programme souvenir, 25e 1918-1943, «Notre fanfare», Gravelbourg: Le Collège Catholique de Gravelbourg, Sask., 1943.
(7) CARRIÈRE, Gaston, o.m.i., Dictionnaire biographique des Oblats de Marie Immaculée au Canada, Tome 1, Ottawa: Éditions de l'Université d'Ottawa, 1976, p. 109.
(8) BOILEAU, Georges, o.m.i., Le Baiser de la Langue Française aux Petits de Chez-Nous, photocopie aux Archives de la Saskatchewan, Dossier brochure Songs.

Sources

Programme souvenir, 25e 1918-1943, «Notre fanfare», Gravelbourg: Le Collège Catholique de Gravelbourg, Sask., 1943.

Boileau, Georges, o.m.i., Le Baiser de la Langue Française aux Petits de Chez-Nous, photocopie aux Archives de la Saskatchewan, Dossier brochure Songs.

Carrière, Gaston, o.m.i., Dictionnaire biographique des Oblats de Marie Immaculée au Canada, Tome 1, Ottawa: Éditions de l'Université d'Ottawa, 1976.

Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980.

Hawkes, John, The Story of Saskatchewan and its People, Chicago: The S.J. Clarke Publishing Company, 1924.

Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986.

Tessier, Lucille, «La vie culturelle dans deux localités d'expression française du diocèse de Gravelbourg (Willow-Bunch et Gravelbourg) 1905-1930», Perspectives sur la Saskatchewan française, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1983.





 
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