Des motsMots du jourDes Fransaskois vivant ailleurs au pays lisent fidèlement la Parlure fransaskoise. Et, c'est peut-être de la plume de ceux-ci qu'on vient enfin à se découvrir. Trop souvent, nous les Fransaskois ne réalisons pas que nous ne sommes pas tellement différents des autres. Nous avons tendance à blâmer les autres pour les défauts du monde, sans vouloir accepter que nous ne sommes pas toujours des anges. C'est pour cette raison qu'une lettre du docteur Rosario Morin, anciennement de Gravelbourg et maintenant de Montréal, m'a fait sourire. Il écrit: «Les expressions que je vais te citer ne figurent probablement pas dans le Petit Robert ou dans le Bon langage de l'abbé Blanchard. Dans le temps on a fait de la propagande pour éliminer les sacres de notre vocabulaire. Le Canadien-français ingénieux a trouvé des substituts: au lieu de dire christ on dira crousse comme le dit si bien mon ami Edmour Gaudet; on dira bapteige (batêche) au lieu de baptème; kalisse au lieu de calice; tabernouche au lieu de tabernacle; saudit au lieu de maudit; calvin (calvinouche) au lieu de calvaire.» Avant d'aller plus loin, mentionnons que le docteur Morin a raison qu'aucun de ces termes ne figure dans le Dictionnaire du bon langage de l'abbé Blanchard, ni dans le Petit Robert. Toutefois, ils ont été, et continuent d'être utilisés couramment par bien des Fransaskois. Il existe cependant un dictionnaire qui n'a pas eu peur de s'attarder sur les jurons canadiens-français. Il s'agit d'un texte de Lorenzo Proteau intitulé La Parlure Québécoise. Et, les jurons canadiens-français ne sont pas tous tirés de symboles religieux comme on a souvent tendance à croire. Voici quelques exemples tirés de l'oeuvre de Lorenzo Proteau: «être en beau caltor, un juron qui désigne un état d'esprit coléreux; être en gribouille ou être en joual vert, se dit d'une personne qui se sent hors de soi à la suite d'un événement incontrôlable; il sacre comme un péché mortel, se dit d'une personne qui jure comme un déchainé; torvisse, torrieu, enfant de chique, chite de merde et torvine de maringouin, tous se disent à un individu imprévisible dont on se méfie et qu'on apostrophe à la suite d'un vilain tour qu'il a joué.» Lorenzo Proteau nous rappelle aussi l'expression il a descendu tous les saints du ciel qui veut dire qu'il a blasphêmé comme un démon. Et qui était tous les saints qu'on faisait descendre du ciel? «Saint-Simonaque, Saint-Caliboire, Saint-Sibolac et Sainte-Nitouche» étaient probablement les plus populaires, mais il y en avait sans doute bien d'autres. Dans un petit moment de colère, on peut en inventer plusieurs saints. Revenons pour un instant à la lettre du docteur Morin. Il suggère le terme saudit au lieu de maudit. Dans plusieurs familles fransaskoises, le terme mozzus remplaçait souvent maudit. Dans mon cas personnel, j'ai eu le malheur, dans un moment de folie (sans doute), d'utiliser le véritable sacre maudit dans le titre d'une de mes pièces Les maudites femmes (1976). Je dois vous admettre que le ciel m'est tombé sur la tête. Même si la pièce était une des réussites du Théâtre amateur français de Régina, beaucoup de Fransaskois n'ont jamais eu la chance de la voir parce qu'elle était un affront à tous les Fransaskois. Elle fut interdite dans plusieurs communautés. Maudit est un de ces termes qu'on peut retrouver dans le Petit Robert. On peut lire dans le Robert: «Maudit, ite: 2. (Avant le nom). Dont on a sujet de se plaindre. Voir détestable, exécrable, haïssable – Cette maudite histoire le tracasse beaucoup. Mon maudit amour pour les arts (Stendhal).» J'espère seulement que cette lettre du docteur Morin qui m'a permis d'aborder ce sujet des jurons canadiens-français ne revienne pas me hanter. Les jurons font partie de notre patrimoine, malgré le fait que nous aimerions bien prétendre qu'ils n'existent pas. |
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