Revue historique: volume 4 numéro 1Marie-Antoinette PapenUne animatrice pour CFNS par Laurier Gareau Vol. 4 - no 1, novembre 1993 Antonio de Margerie et sa petite soeur, Marie-Antoinette Papen, ont été intimement liés à la cause du français en Saskatchewan pendant de nombreuses années; lui comme chef du Secrétariat de lA.C.F.C. pendant plus de 30 ans et elle comme la doyenne de la radio française en Saskatchewan. Marie-Antoinette de Margerie est née à Sainte-Anne-des-Chênes au Manitoba le 9 juin 1907. Affectueusement surnommée «Ninette» par son frère Antonio et ses deux soeurs, Solange et Jacqueline, Marie-Antoinette est la fille cadette dEugène de Margerie et de Bélona Généreux. Son père meurt un an après sa naissance et il revient à sa mère de voir à son bien-être. De sa mère, Marie-Antoinette de Margerie garde de bons souvenirs: «Maman ma inculqué des principes religieux très forts, très solides, que jessaie de mettre en pratique aujourdhui. Mais avec maman, nous avons été comme deux amies, vraiment.»(1) Ayant finit ses études, elle vient remplacer son frère Antonio comme institutrice à Hoey en 1929. Ce dernier vient dêtre nommé chef du Secrétariat de lA.C.F.C. «Ninette» comble le poste dinstitutrice à lécole de Hoey pendant cinq ans. Cest durant cette période quelle fait la connaissance dun jeune fermier belge, Charles Papen, qui est installé à Hoey. À cause de la première guerre mondiale, la famille Papen était venue de la Belgique en 1918 pour sétablir à Hoey lorsque le jeune Charles avait 16 ans. Plus tard, «Ninette» se souviendrait lavoir vu le premier dimanche après son arrivée à Hoey. «Jétais dans la porte à regarder les gens qui passaient, et je vois un jeune homme qui passe, avec une jeune fille à chacun de ses bras.»(2)
Deux ans et demi passeront avant quelle vienne vraiment à faire la connaissance de Charles Papen. Ils sont mariés en léglise de Saint-Louis le 27 décembre 1934. Elle arrête denseigner pour un an lorsque son premier fils, Jean, vient au monde, mais la grande dépression loblige à reprendre lenseignement à Hoey. À cause de la dépression, Charles, Marie-Antoinette et Jean Papen sexpatrient en Belgique en 1937. «Pendant dix ans, Antoinette découvrira la Belgique et y prendra goût malgré les horreurs de la deuxième guerre. Pour Charles cependant, la mère patrie lui pèse et il ne pense quà retourner en Saskatchewan, terre dadoption chérie.» (3) Le retour au Canada se fait en 1947. Durant le séjour en Europe, deux enfants, Suzanne et Robert, sont venus se joindre à la famille Papen. De retour au Canada, «Ninette» approche son frère Antonio pour un poste denseignante. De Margerie réussit à lui décrocher un emploi à lécole Knapton, située à cinq milles de Prudhomme. Charles Papen est maintenant comptable, et il est impossible pour lui de se trouver du boulot à Prudhomme. Les Papen se séparent pour deux ans; Charles est à Saskatoon où il travaille pour diverses maisons daffaires tandis que Marie-Antoinette et les enfants demeurent dans la maison de lécole Knapton. «Là, ça la été deux années un peu triste, me trouver tout à coup dans ce petit coin perdu de Prudhomme, à lécole Knapton. Cinq milles du village, cinq milles de tout, pas dautomobile, pas moyen de me rendre au village chercher mon courrier. Le courrier passait par les mains de tout le monde.»(4) Après deux ans de séparation, Marie-Antoinette va rejoindre son mari à Saskatoon où elle travaille comme secrétaire à lHôpital Saint-Paul. Puis, en 1951, cest à nouveau son grand frère qui lui aide à diriger ses énergies dans une nouvelle carrière. En 1951, la Saskatchewan reçoit la permission de construire deux postes de radio française. Pour bâtir ces deux postes, il faut de largent et une vaste campagne de prélèvement de fonds est organisée sous la direction de Raymond Denis. Il faut souscrire plus de 250 000$.
Antonio de Margerie recommande à Denis dembaucher sa jeune soeur, Marie-Antoinette, comme secrétaire-sténographe. «Pour voir au travail de secrétariat à Saskatoon, Raymond Denis engage une jeune mère de famille. Il sagit de la soeur dAntonio de Margerie, madame Marie-Antoinette Papen. Ce travail sera pour elle le début dune longue carrière à CFNS.»(5) La campagne porte fruit alors que les Franco-Canadiens de la Saskatche-wan souscrivent plus de 340 000$ envers la construction des deux postes de radio. Marie-Antoinette Papen sacquitte si bien de ses fonctions quon lui offre un emploi pour soccuper de la discothèque du poste CFNS ainsi que des annonces publicitaires. «En 1952, Fernand Ippersiel, directeur des programmes à CFNS, linvite à animer une émission pour les femmes. Elle accepte et lémission Au fil de lheure devient une institution, étant diffusée sans relâche jusquà la retraite de lanimatrice en 1972. Lors de sa dernière émission en 1972, madame Papen a rappelé à ses auditrices comment elle en était venue à animer cette émission. «Il y a vingt ans cette année, M. Ippersiel, notre directeur des programmes de ce temps-là, mavait appelée dans son bureau et puis il mavait dit: Mme Papen, on va vous confier l'émission féminine lorsque le poste CFNS entrera en ondes. Cest votre bébé, occupez-vous en!' Eh bien, mon bébé a vingt ans et je pense quil est capable de voler de ses propres ailes, je lespère du moins. Il y a vingt ans que vous êtes fidèles à votre émission féminine, alors je veux profiter des quelques dernières minutes qui me restent pour remercier toutes mes auditrices.»(6) Ainsi est née la carrière au micro dune des plus populaires animatrices dans les annales de la radio française en Saskatchewan. Madame Papen est donc devenue une des premières employées du poste CFNS à Saskatoon. Au cours des vingt prochaines années, elle deviendrait, selon les besoins, secrétaire, traductrice de nouvelles, discothécaire, annonceur, opératrice et, pour quatre mois en 1961, directrice du poste. Son mari, Charles, était devenu directeur de CFNS en 1956. Lorsquil meurt subitement en 1961, Marie-Antoinette accepte la direction du poste jusquà lentrée en fonction de Raymond Marcotte. En 1971, le Conseil de la vie française en Amérique, probablement à linstigation de Raymond Marcotte, décide dhonorer Marie-Antoinette Papen pour toute sa contribution à la cause du français au Canada. Elle reçoit alors la Médaille dor de cet organisme. Un ans plus tard, elle prend sa retraite de CFNS. La dernière fois quelle anime lémission «Au fil de lheure», elle invite les auditeurs du poste à venir la visiter. «Je reste à Saskatoon, ma porte vous est ouverte, continuellement; venez me voir et si je puis vous aider dune façon ou dune autre, vous naurez quà me le dire.»(7) En 1977, Marie-Antoinette Papen «est subitement frappée par un mal profond qui lui a fait perdre presque tout contact avec le monde autour delle.» Elle se retire alors dans un foyer à North Battleford. Elle meurt le 8 avril 1989. À sa mort à lâge de 82 ans, sa carrière denseignante prend fin, car même si elle a abandonné lenseignement formel de la salle de classe en 1950, Marie-Antoinette Papen avait continué sa carrière denseignante tout au long de sa vie et même, au micro, elle savait comment éduquer ses auditrices et ses auditeurs. Ses trois enfants vont suivre son exemple et se lancer dans léducation. Son fils Jean est ordonné prêtre et il enseigne le français pendant plusieurs années au Collège Notre-Dame à Saint-Louis. Sa fille, Suzanne, se joint à la congrégation des Soeurs de la Présentation et devient enseignante. Même le benjamin, Robert, devient professeur duniversité. Nest-il pas logique que les trois aient opté de suivre dans les traces de leur mère, de leur grand-père et de leur arrière-grand-père? Ses deux fils ont grandement contribué à notre appréciation et à notre connaissance de la culture canadienne-française. Jean dans la littérature canadienne-française et Robert dans létude de la langue française du peuple Métis. Notes et références (1) Transcription dune entrevue radiophonique avec Marie-Antoinette Papen, le 22 septembre 1974 dans le cadre de lémission Gens de Mon Pays avec lanimateur Roger Lavallée. Archives de la Saskatchewan, Collection: Société Radio-Canada, Cassette R-5114. (2) Ibid. (3) Doré, Thérèse, «Hommage à Antoinette Papen», lEau Vive, le 20 avril 1989. (4) Transcription dune entrevue radiophonique avec Marie-Antoinette Papen, Op. cit. (5) Gareau, Laurier, Le défi de la radio française en Saskatchewan, Régina (Sask): La Société historique de la Saskatchewan, 1990. p. 113. (6) Ibid. p. 150. (7) Lapointe, Richard, 100 Noms, Régina (Sask): La Société historique de la Saskatchewan, 1988. p. 315. |
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