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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 14 numéro 4

Louis Demay

Un pionnier de Saint-Brieux
par Laurier Gareau
Vol. 14 - no 4, juin 2004
La famille Demay arrive à Saint-Brieux avec les Carbasse en 1906. Monsieur Demay est accompagné de ses enfants Louis, Gabriel et Sylvie et le mari de cette dernière, Charles Esbrayat. Louis Demay est alors âgé d'environ 17 ans. Son père ne semble pas avoir pris un homestead car son nom ne paraît pas sur le cadastre.

Né le 20 juillet 1889 à Bordeaux, France, Louis Demay a fait de bonnes études en France avant son départ pour l'Ouest canadien à l'âge de 16 ans. Il aurait travaillé quelques années comme commis dans un magasin à Melfort avant de venir s'établir définitivement à Saint-Brieux en 1913. Dans le livre d'histoire du 75e anniversaire de l'ACFC, publié en 1987, on peut lire: «Le jeune homme travaille d'abord à Bellegarde et Antler, puis il s'initie au commerce en prenant du service comme commis dans un magasin général de Melfort.»(1) L'auteur du cahier souvenir ne cite pas de sources pour cette aventure à Bellegarde et Antler.

Le Canadian Northern décide en 1912 de bâtir une ligne secondaire allant de Melfort vers le sud jusqu'à Lanigan. La compagnie achète une section de terre à l'est du lac Lenore pour créer un nouveau village de Saint-Brieux. En 1904, l'abbé LeFloc'h avait établi la mission de Saint-Brieux sur les bords du lac.
Louis Demay est un des premiers à ouvrir un commerce dans le nouveau village en 1913. «En 1913, quand le village de Saint-Brieux prit naissance, Louis, en association avec son beau-frère, Charles Esbrayat construisit un magasin général. À la déclaration de la guerre en 1914, Charles Esbrayat, se rendit immédiatement en France pour rejoindre son unité. Il fut tué au front. Après la mort de Charles Esbrayat, sa femme vendit la part du magasin de son mari à Louis Demay qui en devint l'unique propriétaire.»(2) Louis Demay a manifesté beaucoup d'ambition et un grand enthousiasme pour le progrès et le développement de la paroisse et du village de Saint-Brieux.

«Quelle que fut l'entreprise, c'était toujours Louis Demay qui organisait. Quand on tourne les pages de l'histoire de St--Brieux et qu'on se rappelle la réalisation de plusieurs projets, dont la construction de l'église et de l'école, l'érection du Monument calvaire près du Lac Lenore à la mémoire

Louis Demay
Photo: Marcel Gallays
Louis Demay à l'âge de 22 ans en 1911


des pionniers bretons de 1904, la célébration de bienvenue en l'honneur des combattants de retour de la guerre 1914-18; le jubilé d'argent de la paroisse, l'érection d'un monument pour le bon Père Barbier, la construction d'une école secondaire, etc. c'est toujours l'image de M. Demay à l'œuvre qui vient à la mémoire.»(3)

Louis Demay se réserve aussi un homestead en juillet 1913, à un kilomètre au nord du nouveau village et le long du tracé de la voie ferrée. Le printemps suivant, il y construit une maison et s'y installe; il obtient les lettres patentes de la concession en 1918. «De toute évidence, il n'a pas l'âme d'un cultivateur et il vend sa terre entre 1920 et 1922.»(4)

Le 15 juin 1914, Louis Demay épouse Jeanne Ferré fille de Jean-Marie Ferré. Le couple élève une famille de quatre enfants: Maurice, Sylvia, Viviane et Alice.
Louis Demay ne tarde pas à s'impliquer dans la vie publique de Saint-Brieux. L'éducation sera toujours importante dans la vie de Louis Demay et il est bientôt élu secrétaire-trésorier pour le district scolaire ainsi que commissaire pour de nombreuses années. Cette implication locale le mène à devenir un des membres fondateurs de l'Association des commissaires d'écoles franco-canadiens de la Saskatchewan (ACEFC) en 1918. En 1945, il devient président de cette organisation, poste qu'il détient jusqu'en 1953.

Louis Demay était un homme convaincu, possédant une volonté de fer. Il ne marchait pas sur la pointe des pieds, n'ayant pas peur de renverser les obstacles dans son chemin jusqu'à ce que son but soit atteint. Cette attitude lui a mérité des ennemis, mais la cause était importante. «Si aujourd'hui les jeunes de St-Brieux peuvent terminer ici même leur cours secondaire, s'ils ont des religieuses enseignantes, si le français est à l'honneur dans leurs écoles, qu'ils sachent reconnaître que c'est dû en grande partie au travail ardu de

Louis Demay
Photo: Société historique de la Saskatchewan
Louis Demay à l'âge de 56 ans en 1945. Cette photo a été tirée d'un cahier souvenir de l'ACFC.


Louis Demay.»(5) À sa mort en 1964, tous les élèves, les enseignantes et les commissaires d'école étaient présents aux funérailles.

En 1943, il est nommé secrétaire de mairie pour la municipalité et le village de Saint--Brieux, poste qu'il conserve jusqu'en 1961. Et, au niveau politique, Louis Demay, comme beaucoup de ses confrères francophones de l'époque est un farouche partisan du Parti libéral faisant tout pour promouvoir les intérêts de son parti dans la région.

Louis Demay travaille également pour promouvoir d'autres causes françaises en Saskatchewan. Il est un des membres fondateurs de l'Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) en 1912. À la fin du mandat du docteur Laurent Roy en 1948, il le remplace au poste de président de l'ACFC.
Il s'agit d'une tâche ardue et ingrate si l'on constate les résultats obtenus. «La minorité française de la Saskatchewan vit un moment critique de son histoire: le grand dossier qui accapare presque toutes les énergies est l'obtention des permis et le financement de stations de radio française à Saskatoon et à Gravelbourg. La lutte est longue, ardue; elle nécessite d'instantes représentations auprès des autorités fédérales; Louis Demay sera de toutes les luttes. Finalement, CFRG d'abord, puis CFNS seront construits.

Mais lorsque CF'RG entre en ondes le 1er juin 1952, monsieur Demay n'est pas là pour célébrer la victoire. Il vient de démissionner en avril pour des raisons qui mettent en cause d'autres fortes personnalités du mouvement de langue française.»(6)

Louis Demay est décédé le 19 mai 1964 âgé de 75 ans. Dans as nécrologie, publié dans La Liberté et le Patriote, on peut lire un conseil qui vaut toujours pour la jeunesse d'aujourd'hui: «Il est bon dans ce temps moderne, où tout va si vite, où l'égoïsme tend à régner, d'inviter les jeunes à s'arrêter un peu et à considérer le travail colossal que leurs prédécesseurs ont accompli pour eux, afin qu'avec reconnaissance ils puissent dire aussi «Je me souviens».»(7)

Dans la chronique de CFRG de mai 1964, on accorde à Louis Demay l'hommage suivant: «Toujours à la pointe du combat, M. Demay, combattant de la première heure, s'est dévoué corps et âme pour la défense des droits et l'avenir des Canadiens de langue française. Saluons cet homme de cœur

Louis Demay
Dr Demay, Radio-Saskatchewan (Archives de la Saskatchewan)


qui tint à cet idéal toute sa vie. Il est parti sur la pointe des pieds, comme il était venu en notre pays voilà 59 ans, doucement, sans se faire remarquer pour ne déranger personne. Il s'est effacé, mais son souvenir et son exemple dureront longtemps, très longtemps.»(8)

Son fils, Maurice, fait des études au Collège Mathieu et ensuite à l'Université Laval en médecine. Il obtient son diplôme de docteur en médecine et se spécialise dans les maladies mentales. Il a longtemps été médecin chef à l'hôpital psychiatrique de North Battleford en Saskatchewan. Comme son père, il n'a pas peur de s'impliquer dans les causes françaises.


Photo: Société historique de la Saskatchewan
Louis Demay à l'âge de 56 ans en 1945. Cette photo a été tirée d'un cahier souvenir de l'ACFC.


Photo: Archives de la Saskatchewan
Le docteur Maurice Demay vers 1952.


Il est directeur et président de Radio-Prairie-Nord lorsque le poste CFNS ouvre ses portes en novembre 1952. Maurice Demay est décédé en 1979 à l'âge de 64 ans.

Une des filles de Louis Demay, Sylvia, a épousé Alexis Gallays de Saint-Brieux. Ils ont eu quatre enfants; Marcel, Jeannine, Gilbert et Gérard (décédé à jeune âge). Une autre fille, Viviane, a épousé Louis Mandin. La troisième des filles, Alice, est demeurée célibataire.

Notes et références
(1) Association culturelle franco-canadienne (Cahier souvenir du 75e anniversaire), ACFC, Regina, SK., 1987, p. 21.
(2) Historique de Saint-Brieux 1904-1979, Comité historique de Saint-Brieux, Avant-Garde/Graphiques, St-Boniface, MB, 1981, p. 82.
(3) Décès de M. Louis Demay, pionnier de St-Brieux, La Liberté et le Patriote, mai 1964.
(4) Association culturelle franco-canadienne (Cahier souvenir du 75e anniversaire), ACFC, Regina, SK., 1987, p. 21.
(5) Ibid.
(6) Association culturelle franco-canadienne (Cahier souvenir du 75e anniversaire), ACFC, Regina, SK., 1987, p. 21.
(7) Décès de M. Louis Demay, pionnier de St-Brieux, La Liberté et le Patriote, mai 1964.
(8) Chronique de CFRG, La Liberté et le Patriote, mai 1964.





 
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