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Des histoires

Ligne de correction

Si jamais vous vous égariez à la campagne et que vous demandiez à un fermier de vous indiquer la bonne direction, il y aurait de bonnes chances pour qu'il vous dise quelque chose comme: «Allez trois milles au nord, pis tournez à gauche sur la ligne de correction et pis...». Vous pourriez alors vous demander qu'elle est l'utilité d'une ligne de correction. Eh bien, c'est pour corriger un petit défaut de la Terre, celui de vouloir être ronde... Embrouillé?
Pour comprendre ce que représente une ligne de correction, il faut retourner en arrière, jusqu'à la prise de possession de l'Ouest par le gouvernement d'Ottawa.

Le premier arpentage de l'Ouest débute en 1871. Sauf exception, le terrain doit être divisé en sections d'un mille carré, formant des cantons de 36 milles carrés. Les arpenteurs mesurent ces carrés à partir d'une ligne est-ouest coïncidant avec la frontière entre le Canada et les États-Unis, soit le 49e parallèle, et d'une autre ligne imaginaire, nord-sud, appelée le premier méridien et située à 97° 27' 28,4' de longitude ouest. Pourquoi avoir choisi une telle longitude plutôt qu'un chiffre rond, comme 97 ou 98 degrés? Tout simplement parce qu'elle représente à cette époque la limite des terres cultivées par les Métis et les quelques Blancs de la Rivière-Rouge. Les arpenteurs établissent ensuite un deuxième méridien de référence à 102° de longitude ouest, un troisième à 106°, un quatrième à 110°, la frontière ouest de la Saskatchewan actuelle, et d'autres en Alberta.

Mais les méridiens, par leur définition même, convergent aux pôles, de telle sorte qu'ils se rapprochent petit à petit l'un de l'autre à mesure que l'on avance vers le nord. Cela veut dire que le haut de chaque section de terrain est un petit peu moins large que le bas. En fait, la différence est d'environ 20 pieds; c'est très peu, trop peu en tout cas pour qu'un agriculteur puisse déceler la différence sans instruments précis de mesure. Mais cette différence s'accumule, de telle sorte qu'un canton est nettement moins large le long de sa frontière supérieure que le long de sa limite inférieure. À la hauteur de Vonda et Prud'homme, par exemple, un canton est environ 125 pieds plus étroit au haut qu'au bas.

Si les arpenteurs ne font rien pour corriger le problème, il est évident que la superficie réelle d'une section dans les environs de Prince-Albert sera beaucoup plus petite que celle d'une section à Lisieux, par exemple. Des calculs montrent que la différence sera de l'ordre de huit p. 100. Or, le gouvernement tient à ce que toutes les terres soient de superficies à peu près égales.

Les arpenteurs établissent alors des lignes de correction pour tenter de compenser le plus exactement possible la convergence des méridiens. La première ligne de correction est située à la hauteur du deuxième canton au nord du 49e parallèle, et les autres sont tracées à tous les quatre cantons.

À chaque ligne de correction, on repousse la limite ouest des terres un peu plus vers l'ouest, ce qui revient à augmenter légèrement la largeur des sections et à rétablir ainsi la superficie originale. De cette façon, la différence entre les sections demeure à peu près négligeable. Ce léger déplacement, toujours vers la gauche à mesure que l'on monte vers le nord, crée un décalage facilement repérable entre les limites ouest des terres situées de part et d'autre d'une ligne de correction.

Comment savoir si, quand on va en direction nord, on a atteint la ligne de correction indiquée par le brave fermier? Tout simplement en vérifiant si la route fait un crochet plus ou moins prononcé vers la gauche. Comme les routes sont toujours tracées entre deux terres, elles doivent nécessairement elles aussi être déplacées un peu vers la gauche à tous les quatre cantons. Il y a un demi-siècle, le décrochement vers la gauche était net et la route effectuait deux tournants consécutifs à angles droits.

Mais de nos jours, avec la construction des routes de gravier toutes saisons, les tournants ont souvent été remplacés par de longues courbes, de telle sorte qu'il n'est même plus nécessaire de ralentir. Il faut tout de même remarquer que plus on va vers l'ouest à partir d'un méridien donné, plus la saillie vers la gauche devient prononcée et plus le crochet dans la route est marqué.





 
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