Revue historique: volume 13 numéro 1Les Gareau de Bellevue - Trois hommes, trois générationspar Laurier Gareau Vol. 13 - no 1, septembre 2002
Le patriarche, Azarie Gareau Azarie Gareau, fils d'Antoine Gareau et de Marie-Louise Robichaud, est né le 19 janvier 1854 à St-Jacques l'Achigan, Comté Montcalm, Québec. À l'âge de seize ans, il aurait laissé sa famille pour gagner sa vie au Massachusetts. En mars 1904, dans une lettre écrite pour encourager la colonisation de la Saskatchewan, Azarie indiquait qu'il s'était établi à Chicopee Falls, dans l'état de Massachusetts. À l'âge de 19 ans, il a épousé en première noce Alexina Houle qui lui a donné un fils, Napoléon. Peu de temps après la naissance de Napoléon, Alexina est décédée, victime d'une pneumonie. Aucune recherche ne semble avoir été faite au sujet des années passées au Massachusetts. La date du mariage d'Azarie à Alexina Houle est le 22 novembre 1874 à Holyoke, Massachusetts. La date et le lieu du décès d'Alexina sont inconnues. En deuxième noce, Azarie a épousé Julie Beauchemin. Comme dans le cas d'Alexina Houle, il ne semble pas exister beaucoup de renseignements au sujet de Julie Beauchemin. Selon la Généalogie des familles de Saint-Isidore de Bellevue (Saskatchewan) elle serait née à Varennes en 1855. On ignore la date du mariage d'Azarie et de Julie. Le dictionnaire généalogique des Gareau dit
seulement vers 1880. Il est probable que le mariage ait eu lieu aux États-Unis. En 1882, Azarie est venu rejoindre son frère Ludger dans la région de Batoche. Ludger avait obtenu plusieurs contrats de construction alléchants, dont celui de la construction du magasin de Xavier Letendre, dit Batoche, ainsi qu'une maison pour ce traiteur métis. La maison de Letendre, construite en 1878, était la plus belle maison à l'ouest de Winnipeg au temps de la résistance de 1885. En 1883, Ludger avait aussi obtenu les contrats pour construire le presbytère et l'église de Batoche. Les deux édifices existent encore dans le Parc historique national de Batoche. Dès 1882, Azarie s'était réservé un homestead de 160 acres environ 12 kilomètres à l'est du village de Batoche, dans ce qui deviendrait en 1902 la paroisse de Saint-Isidore de Bellevue. En 1883, il a fait venir sa femme Julie. Elle était accompagnée du frère d'Azarie, Napoléon et des trois enfants d'Azarie: Napoléon (fils d'Alexina), Diana (née en 1881) et Wilfrid (né en 1882). Ils ont fait le grand trajet de Winnipeg à Qu'Appelle à bord du nouveau chemin de fer du Canadien Pacifique, et de Qu'Appelle à Batoche en charrette de la Rivière-Rouge. La vie des pionniers n'était pas facile. Étant les premiers colons canadiens-français à s'établir à Bellevue, ils ont souvent dû se priver, tout en faisant face à l'anxiété, à l'isolement et aux intempéries des saisons. Peu de temps après leur arrivée dans l'Ouest, ils ont dû faire face aux conflits de 1885. À peine installés sur leur nouveau homestead que déjà le bruit des armes et du conflit retentissait tout près d'eux. Ils ont maintenu leur neutralité durant la résistance des Métis, mais il est fort probable que leur sympathie ait été avec les honnêtes gens de Batoche. À l'automne 1884, le frère d'Azarie, Ludger, avait marié Madeleine Delorme, une jeune métisse de la région. Avant son mariage, Ludger s'était bâti une maison à moins d'un kilomètre de l'église de Batoche. Pendant les troubles, Ludger et Madeleine étaient absents du Nord-Ouest, étant dans l'Est pour visiter les parents de Ludger à St-Jacques. Le 9 mai 1885, pendant la bataille de Batoche, le général Middleton a ordonné que sa maison
soit incendiée. En 1886, Ludger a quitté Batoche avec sa jeune famille pour s'établir définitivement à Pincher Creek en Alberta. Azarie avait à coeur l'éducation de ses enfants. C'est ainsi que peu de temps après son arrivée, en 1885, il a ouvert une école et en a été le premier instituteur. L'école était située environ trois kilomètres au sud de sa maison; elle se trouvait dans un vieux bâtiment de bois rond près de la piste Carlton qui rejoignait Batoche et Winnipeg. L'intérêt d'Azarie était sans doute à cause de son fils, Napoléon, qui était
né en 1876. En 1885, Azarie et quelques Métis ont demandé au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest la permission d'établir un district scolaire dans la région. La permission a été accordée et le District Scolaire de Bellevue a été le premier district scolaire public catholique des Territoires du Nord-Ouest. Le nom de Bellevue avait déjà été donné à la région à l'est de Batoche en 1885. Azarie n'aurait enseigné que pour un an. Vers 1890, il a fait venir sa soeur Rosanna Gareau pour enseigner dans cette école. Elle a enseigné jusqu'à son mariage à Philippe Chamberland en 1892. (Chamberland était un autre Canadien français qui s'était établi à moins d'un kilomètre d'Azarie. Comme Azarie, il avait figuré dans les troubles de 1885.) Jusqu'en 1897, Azarie Gareau, Philippe Chamberland et les Métis s'étaient rendus à Batoche pour leur courrier. Le père Julien Moulin, o.m.i, avait ouvert un bureau de poste dans son presbytère en 1884. Au cours des prochaines années, le bureau de poste de Batoche avait été soit dans le presbytère, soit dans le magasin de Salomon Venne. Avec l'arrivée de plusieurs nouvelles familles en 1894 et 1895 (les Gaudet et Grenier), Azarie Gareau a demandé à Ottawa la permission d'ouvrir un nouveau bureau de poste. Il l'a établi sur son homestead, le carreau NE10-44-28-W2, le 1er octobre 1897. «Depuis qu'Azarie Gareau avait un bureau de poste (1897), on appelait les lieux du nom de Garonne. Lorsque Azarie avait fait la demande d'un bureau de poste, il aurait demandé le nom de Gareau; mais lorsque l'étampe arriva, le nom imprimé était celui de Garonne: était-ce confusion linguistique?» (Source: Abbé Roland Gaudet, St-Isidore de Bellevue, 1902-1977.) Azarie Gareau a été responsable du bureau de poste jusqu'en 1915. Par la suite, le bureau de poste Garonne est déménagé deux milles à l'est chez Edmond Gaudet où la femme de ce dernier, Delvina, est devenue maîtresse de poste. Elle a détenu ce poste jusqu'en 1925 quand elle l'a cédé à sa fille Agnès. (Ma tante Agnès, comme elle était connue de tout le monde à Bellevue, est demeurée maîtresse de poste jusqu'à sa retraite vers la fin des années 1960.) En 1902, la population dans la région à l'est de Batoche était suffisamment élevée pour justifier la création d'une nouvelle paroisse, Saint-Isidore de Bellevue. L'abbé Pierre-Elzéar Myre a été le premier curé et la vieille école utilisée par Azarie Gareau en 1885 est devenue la première église de Bellevue. Azarie a été marguillier de la paroisse de 1902 à 1905 et de 1920 à 1925. Il est possible qu'il ait aussi été marguillier de 1906 à 1910, mais aucune signature n'a été laissée dans les registres de la paroisse. (Source: Roland Gaudet, St-Isidore de Bellevue, 1902-1977.) Azarie a vu tous ses fils établis sur des fermes à Bellevue et toutes ses filles, sauf Adrienne (Soeur du Saint-Sacrement), mariées à des Gaudet de Bellevue. Azarie et Julie ont élevé douze enfants dont deux sont morts jeunes: l'une, Alexina, à sept ans; et l'autre, Arthur, à dix-sept ans. Julie est décédée le 16 mars 1927. Azarie a vécu jusqu'à l'âge de 84 ans. Il est mort le 17 août 1938. Leurs enfants (L'information suivante a été obtenue de deux sources: La généalogie des familles de la paroisse de Saint-Isidore de Bellevue, Sask., du R.P. Denis Dubuc, o.m.i. et Nos racines... et tout l'arbre, de Thérèse Jobin-Gareau.) Napoléon, fils unique de l'union entre Azarie et Alexina Houle. Il est né aux États-Unis le 22 janvier 1876. Célibataire, il est décédé le 4 février 1957 à Prince Albert et est enterré à Bellevue. Fermier, son homestead était le carreau NE-1-44-1-W3. Indiana est née le 17 avril 1881 à St-Jacques de l'Achigan (QC). Elle a marié Hermas Gaudet le 24 septembre 1901. Ils ont eu 6 garçons et 6 filles.
Indiana est décédée en 1920 à l'âge de 39 ans. Hermas était fermier à Bellevue. Wilfrid est né le 18 juin 1882 à St-Jacques de l'Achigan (QC). Il a marié Léontine Gaudet le 21 novembre 1904. Ils ont eu huit enfants, 3 garçons et 5 filles. Il est décédé le 3 décembre 1956. Wilfrid a pris l'ancien homestead de son oncle Ernest Gareau qui était venu rejoindre son frère Azarie vers 1895 mais qui était retourné dans l'Est après quelques années. Il s'agissait du carreau NO-10-44-28-W2. Rosario a été le premier des enfants à naître dans l'Ouest canadien. Il est né à Batoche le 11 mai 1884. Il a marié Laura Gaudet le 17 septembre 1907. Ils ont eu 9 filles et 3 garçons. Rosario est décédé le 17 avril 1954. Il s'était établi sur le carreau SE-14-44-28-W2. Arthur est né à Batoche le 20 mars 1886. Il est mort à la suite d'une crise d'appendicite le 17 janvier 1903 à l'âge de 17 ans. Alexina est née à Batoche le 4 avril 1887. Elle est morte d'une fièvre scarlatine le 3 juillet 1894 à l'âge de 7 ans. Clara est née à Batoche le 4 décembre 1888. Elle a épousé Léon Gaudet le 17 septembre 1907. Ils ont eu 13 enfants (7 filles et 6 garçons). Clara est décédée le 6 août 1945. Léon était fermier à Bellevue. Joseph est né à Batoche le 9 juin 1890. Il a marié Alba Rock à St-Louis (SK) le 22 novembre 1910. Ils ont eu 3 filles et 7 garçons. Joseph est décédé le 29 avril 1956. Il s'était fixé sur le carreau SE-1-44-1-W3. Adrienne est née à Batoche le 19 juillet 1892. Elle est entrée dans la communauté des Soeurs de Sainte-Anne à Lachine, Québec et a pris le nom de Soeur du Saint-Sacrement. Elle est décédée le 14 juillet 1982.
Camille est né à Batoche le 10 mai 1894. Il a marié Eugénie Rock le 25 août 1914. Ils ont eu 15 enfants (5 garçons et 10 filles). Une, Olivine, est morte jeune. Camille est décédé le 20 avril 1955. Il avait obtenu le carreau de préemption d'Azarie, le carreau SO-14-44-28-W2. (Selon la Loi des Terres du Dominion, chaque colon pouvait obtenir gratuitement un homestead de 160 acres et pouvait acheter un deuxième carreau -la préemption- de 160 acres pour 1$, 2$ ou 3$ l'acre.) Armand est né à Batoche le 11 février 1896. Il a épousé Armandine Gaudet le 11 avril 1918, trois semaines avant son départ pour la guerre. Ils ont eu 11 enfants (6 garçons et 5 filles). L'aînée, Imelda, née pendant l'absence à la guerre d'Armand, est décédée à l'âge de 7 ans. Armand est décédé le 23 mai 1950. Il avait repris le homestead d'Azarie, le carreau NE-10-44-28-W2. Armandine est née le 8 février 1898. Elle a épousé Hector Gaudet le 23 mai 1916. Ils ont eu 12 enfants (8 garçons et quatre filles). Un des fils, Andréas est mort à l'âge de 1 ans. Hector était fermier à Bellevue. ************************************************ Le fils, Rosario Gareau Rosario Gareau était le troisième des enfants d'Azarie Gareau et Julie Beauchemin et le premier né dans l'Ouest canadien. Il est né sur le homestead à Batoche, Territoires du Nord-Ouest, le 11 mai 1884. Un an après sa naissance, sa famille s'est retrouvée au milieu d'un conflit sanglant opposant les gens du Nord-Ouest au Gouvernement canadien. L'éducation de Rosario a commencé lorsqu'il avait environ six ans. Sa tante Rosanna Gareau était venue de St-Jacques l'Achigan pour enseigner à Rosario et à ses frères et soeurs. Elle a enseigné pendant deux ans avant de marier Philippe Chamberland. Vers l'âge de 10 ans, Rosario s'est dirigé vers l'école de Batoche où il a étudié d'abord sous la direction du R.P. Julien Moulin, o.m.i. et ensuite sous la tutelle de Mlle Onésime Dorval, première
enseignante enregistrée dans les Territoires du Nord-Ouest. «Bon petit travailleur, il aidait de son mieux, trayant la vache, allumant le feu et étudiant diligemment afin de bien s'instruire.»(1) Quelques cahiers d'exercices de Rosario qui ont survécu l'épreuve du temps font preuve de son application au travail et de l'éducation générale dispensée à l'école de Batoche. Durant son séjour à l'école de Batoche, le jeune Rosario vivait au presbytère avec le père Moulin et Mlle Dorval. Une fois sa huitième année terminée, il est revenu chez ses parents dans le nouvel arrondissement postal de Garonne et s'est appliqué à travailler avec son père en attendant d'être d'âge pour prendre un homestead. Le 13 août 1902, à l'âge de 18 ans, Rosario a inscrit son propre homestead, le carreau SE-14-44-28-W2. Pendant les cinq années subséquentes, il a continué à vivre chez son père tout en commençant à défricher le terrain. Il a cassé six acres en 1903 et huit en 1905. En 1904 et 1905, il a ensemencé six acres tandis qu'en 1906 et 1907 il en a ensemencés quatorze. Pendant l'été 1907, Rosario a construit une maison en rondin sur le homestead. Et, le 17 septembre 1907, il a épousé Laura Gaudet, la troisième des enfants d'Edmond Gaudet et Delvina Lepage. Il s'agissait d'un mariage double; la soeur de Rosario, Clara, a épousé en même temps le frère de Laura, Léon Gaudet. Le jeune couple a déménagé définitivement sur le homestead de Rosario. Deux ans plus tard, en mars 1909, ayant répondu aux exigences du gouvernement, Rosario s'est rendu à Duck Lake pour obtenir les titres de sa propriété. Il avait comme témoin son beau-père, Edmond, et un beau-frère, Lucien Gaudet. Laura Gaudet est née à St-Jacques l'Achigan le 15 novembre 1886. Lorsqu'elle avait sept ans, elle a suivi sa famille jusqu'à Batoche. Son père, Edmond, s'est établi quelques kilomètres seulement à l'est de la ferme d'Azarie Gareau. Je n'ai trouvé aucun ren-seignement quant à l'éducation de Laura. Toutefois, en plus d'être fermiers, Edmond et Delvina Gaudet avaient ouvert un petit magasin sur leur ferme. Laura aurait sans doute aidé au magasin avant de se marier. De plus, Laura était sage-femme pour ses soeurs et autres femmes de la région.
Rosario et Laura se sont établis sur le homestead. Ils ont commencé une vie paisible à la ferme. Lorsque Rosario a fait demande pour les titres de sa propriété en 1909, il affirmait avoir 16 acres en culture, neuf têtes de bétail et quatre chevaux. Il avait une maison en rondins de 22 pieds par 16 qu'il évaluait à 350 $, une étable, deux puits et une laiterie. Une fois le homestead garanti, Rosario a
exercé son droit de préemption sur le carreau NE-11-44-28-W2, directement au sud de son terrain. Puis, c'était l'arrivée des enfants: Georgine le 16 juin 1908, Jeanne le 31 octobre 1909, Emma le 26 février 1911, Pierre le 9 février 1912, Germaine le 3 mai 1913, Paul le 3 décembre 1914, Laurence le 9 juillet 1916, Thérèse le 4 février 1918, Laurent le 18 octobre 1919, Marie-Anna le 26 février 1922, Lucienne le 23 avril 1923 et Solange le 26 avril 1925. Deux filles sont mortes en bas âges: Marie-Anna le 31 mars 1922 et Lucienne le 22 juin 1928. Durant les années 1920, Rosario et Laura ont fait construire une nouvelle maison sur la ferme familiale. Il s'agissait d'une maison en planche à deux étages et avec une cuisine d'été. Leur ferme est devenue plus grande; ils faisaient alors l'élevage de plusieurs têtes de bétail, des chevaux, des cochons, des moutons et des poules. Lorsque la crise économique a frappé la région durant les années 1930, Rosario et Laura ont été touchés mais ils ont pu traverser la disette parcequ'ils avaient une ferme quasi autosuffisante. En plus d'être fermier con-sciencieux, Rosario n'hésitait jamais à contribuer au développement de sa com-munauté. «Il rendit de nombreux services dans la localité, soit comme conseiller municipal durant nombre d'années, soit comme syndic ou commissaire d'école à plusieurs reprises.»(2) En plus d'être impliqué au conseil de la Municipalité de Saint-Louis, Rosario Gareau a été, jusqu'à sa mort, un des organisateurs du Parti Libéral dans le district de Bellevue. Il a été syndic (ou marguillier) de l'église St-Isidore à deux reprises, de 1911 à 1913 et de 1924 à 1925. Lors des discussions pour la construction d'une nouvelle église, en 1925-1926, Rosario avait offert à la paroisse un lopin de terre sur son terrain de préemption. «Trois groupes revendiquaient le privilège de choisir l'emplacement de l'église: les premiers arrivés la voulaient chez Rosario Gareau, le second qui voulait la garder où elle était, et le troisième qui la voulait plus au nord mais aussi plus à l'est.»(3) Quand le curé, l'abbé Léon Bernard, a décidé de favoriser le troisième groupe, Rosario a démissionné du conseil paroissial. Comme son père avant lui, Rosario était conscient du besoin d'offrir une bonne éducation à ses enfants. Il a été commissaire d'école pendant plusieurs années. Ses enfants sont allés d'abord à l'école Gaudet, située environ trois kilomètres au nord de sa ferme, puis ensuite au Couvent des Filles de la Providence à St-Louis. Pierre a fait un an au Collège Mathieu de Gravelbourg et Laurent a fait ses études au Collège des Jésuites à Edmonton. Quatre de ses filles, Emma, Germaine, Thérèse et Solange sont devenues enseignantes. Son fils, Laurent, est devenu agronome. Rosario et Laura ont aussi donné le goût de la lecture et des beaux arts à leurs enfants. Le théâtre a été un véhicule d'expression pour leurs enfants. Emma, Germaine et Solange ont écrit de nombreuses pièces de théâtre. Emma, Pierre, Germaine et Solange adoraient monter sur les planches et se perdre dans un bon rôle dramatique. Emma, Germaine et Solange ont aussi écrit des petites nouvelles. Emma a même songé à une carrière d'écrivaine. Plusieurs petits-enfants de Rosario et
Laura ont hérité de cette passion pour le théâtre, la lecture et l'écriture. Laura est morte le 1er août 1943 à l'âge de 56 ans et 8 mois. Rosario a continué à travailler sa ferme avec ses fils Pierre et Paul. La maison était alors partagée avec la famille grandissante de Pierre et Marie-Ange (Gaudet). Durant les dernières années de sa vie, Rosario a fait quelques voyages, en Alberta chez son fils Laurent et même au Québec. Rosario Gareau est décédé le 17 avril 1954 à l'âge de 70 ans. «Le 15 avril, il s'était rendu à Prince Albert pour consulter son médecin; il était chez sa fille, Mme Léon Lavigne, de cette ville, lorsqu'il mourut presque subitement le matin du samedi 17 avril.»(4) Notes (1) Gareau-Jobin, Thérèse, Nos racines... et tout l'arbre, Our Roots... and the Whole Tree, Bellevue (Saskatchewan): Thérèse Gareau-Jobin, 1984, p. 13. (2) Nécrologie, «Fénérailles de M. Rosario Gareau, pionnier de St-Isidore de Bellevue», La Liberté et le Patriote, le 1er mai 1954, p. 10. (3) Gaudet, l'abbé Roland, St. Isidore de Bellevue, 1902-1977, Publié par l'auteur, 1977. (4) Nécrologie, Op. cit., p. 10. *********************************************** Le petit-fils, Pierre Gareau Pierre Gareau est né le 9 février 1912. Il était le quatrième enfant de Rosario Gareau et Laura Gaudet. Il a fait ses études élémentaires à l'école Gaudet, située environ trois kilomètres au nord de la ferme de ses parents. Sa première enseignante a été mademoiselle Juliana Dallaire. Puis, il s'est dirigé vers le Collège Mathieu de Gravelbourg en 1925. Il n'est resté au collège qu'un an, même si ses notes étaient bonnes. À Gravelbourg, il a fait la connaissance d'un futur collaborateur dans les luttes françaises, Roland Pinsonneault. De retour à Bellevue, Pierre Gareau a commencé à travailler pour son père. La ferme familiale prenait de l'expansion et son père ne pouvait
plus s'en occuper seul. Pour les 44 prochaines années, l'agriculture est devenue la préoccupation première de Pierre Gareau, quoiqu'il a trouvé du temps pour bien d'autres activités. Comme jeune homme célibataire à Bellevue, il aimait bien assister aux danses dans la région, question de rencontrer des filles. En bicyclette, il se rendait même aussi loin qu'au pays des Galiciens, une dizaine de kilomètres au sud de Bellevue pour assister à des danses. Ces sorties lui ont permis d'établir des contacts qui lui seront utiles dans les années à venir. Mais, c'est sa cousine germaine et voisine, Marie-Ange Gaudet, qu'il a épousé le 8 juin 1942. Marie-Ange était l'aînée des enfants d'Hector Gaudet et d'Armandine Gareau. Elle est née le 3 décembre 1917. Comme petite fille, elle a été envoyée par ses parents à l'école Bellevue, environ quatre kilomètres au sud-ouest de leur ferme. Mais elle n'aimait pas tellement l'école. Elle a abandonnée après seulement quelques années et est passée au marché du travail. Pendant plusieurs années, jusqu'à son mariage, Marie-Ange a travaillé comme domestique pour des familles de Bellevue. Elle racontait avoir travaillé chez son oncle Armand Gareau pendant la dépression et d'avoir connu le fameux «beef ring» organisé par l'abbé Abraham Beaulac. Après leur mariage en 1942, Pierre et Marie-Ange se sont installés dans la maison de Rosario Gareau. Pierre, et son frère Paul, travaillaient toujours en société avec leur père. Les deux carreaux originaux, la onze et la quatorze, avaient maintenant été défrichés d'un bout à l'autre. Pierre allait hérité ce terrain à la mort de son père. Paul avait acheté l'ancien homestead de Charles Chamberland (le père de l'oncle Philippe), le carreau NO2-44-28-W2. Ce carreau allait être la propriété de Paul. Paul avait aussi acheté le carreau de Maurice Gaudet, le NE2-44-28-W2. Puis, Pierre, Paul et Rosario n'hésitaient pas à louer du terrain; entre autres celui de Napoléon Leblanc et de John Bruce. Après la guerre, Pierre et Paul ont été parmi les premiers à louer du
terrain des Indiens de la réserve One Arrow environ cinq kilomètres au sud-ouest de la ferme de Rosario et d'y investir temps et argent pour le défricher. Pierre a continué à travailler le terrain de la réserve jusqu'à sa mort en 1970. Parmi les Indiens qui ont loué leur terrain à Pierre, mentionnons Jos Baldhead, Jos Prosper, Casimir Redwing, Albert Napope, David Daniel, Ernest Catoche, George Prosper et Léo Prosper. Même avant la mort de leur père en 1954, Pierre et Paul avaient fondé un partenariat, les Gareau Brothers, pour la gestion de leur entreprise agricole. Pierre et Paul avaient une ferme diversifiée, comme la plupart des fermiers de Bellevue de l'époque. En plus de faire la culture des grains, il y avait des vaches à lait, des cochons, des moutons et des poules. On a même tenté de récolter du tabac à un moment durant les années 1950. Même quand les chevaux ont cédé la place aux tracteurs, immédiatement avant la guerre, Pierre a continué d'avoir un petit faible pour cet animal et il a continué à en faire l'élevage jusqu'à sa mort. Vu l'importance de l'exploi-tation agricole des Gareau Brothers, il a fallu avoir recours à des hommes à gages. Une succession de Métis de Batoche et de St-Laurent ont travaillé pour Pierre. Le travail était surtout saisonnier. Souvent, Pierre cherchait à embaucher de jeunes Métis récemment mariés. De cette façon, pendant que l'homme était au champ, la femme pouvait aider Marie-Ange à la maison. Les hommes engagés étaient installés dans la vieille maison de bois rond construite par Rosario Gareau en 1907. Siméon Parenteau, un célibataire, est toutefois celui qui a travaillé le plus longtemps pour Pierre. Malgré la présence d'hommes engagés, il était encore nécessaire que Marie-Ange aille donner un coup de main dans le champ. Dans une entrevue accordée à Claudette Gendron de la Société historique de la Saskatchewan en 1980, Marie-Ange racontait l'histoire suivante. «Puis, une année, j'me rappelle, ils sont partis sur le battage. On avait pas fini de faire les stouques... on mettait tout le grain en stouques. “S'afec”, ils ont dit: “tu vas finir ça toi.” Il restait à peu près trois acres. J'avais “stouqué” tout l'automne avec les hommes. Y'ont dit: “Tu vas finir ça toi.” Mais, c'était de la grande avoine! C'était dur! Puis, j'étais fatiguée. Toujours qu'un matin j'ai dit: “Y reste plus juste trois acres, j'm'en vas aller finir ça.” J'ai parti, puis j'me suis en été, puis j'étais rendue tellement fatiguée que j'faisais un stouque puis j'me couchais sur les autres “sheaves” à
terre me reposer. J'avais fini juste à 3 heures de l'après-midi.»(1) Dans cette même entrevue elle avait ajouté: «Moi, j'ai jamais été bien bien forte à faire à manger, vous savez. J'étais bien plus avec les vaches et puis les cochons... J'ai toujours travaillé comme un homme. Runner les tracteurs, puis les trucks. L'automne, c'était moi qui clairait les combines.»(2) Heureusement pour elle, la soeur de Pierre, Georgine, demeurait avec eux. «Elle a toujours fait la cuisine, puis elle a élevé mes enfants. Moi, j'avais mes enfants puis ensuite je m'en allais travailler avec mon mari dehors.»(3) Malgré cette affirmation, Marie-Ange était excellente cuisinière et mère de famille.
À cause de sa contribution à la ferme, les chèques de crème ont toujours été au nom de Marie-Ange. Traire les vaches était un élément important de l'exploitation agricole de Pierre et Marie-Ange Gareau. Durant les années 1950 et 1960, on pouvait traire entre 15 et 25 vaches soir et matin. Les revenus de la vente de la crème permettait à Marie-Ange d'acheter les épiceries et les vêtements pour la famille. Pierre a donc pu commencer à acheter d'autres terrains durant cette époque. Les Gareau Brothers ont d'abord acheté la demie section à Jacques, les carreaux NO et SO de la section 3-44-28-W2. Au début des années 1960, Pierre a rétabli contact avec certains Galiciens qu'il avait connus comme jeune homme et il a acheté les carreaux de Joe Michalchuk (NO23-43-28-W2) et de John Huziak (SE22-43-28-W2) environ huit kilomètres au sud de la ferme familiale. Il a aussi acheté le carreau de Bill Mylymuk (SE35-44-1-W3) et le lot de rivière de Philias Caron à Batoche. Durant les années 1950, Pierre et Marie-Ange avaient les moyens de se payer des petits luxes. L'électrification de la maison et de la ferme a commencé au printemps 1953. Ils ont été parmi les premiers à Bellevue à acheter une télévision en 1957. Alors que Marie-Ange préférait rester près de la ferme et des enfants, Pierre aimait toujours partir à l'aventure. D'abord, comme jeune homme, il s'était intéressé à des activités de la paroisse. Il adorait jouer dans les pièces de théâtre présentées par la paroisse. Dès 1935, il avait commencé à s'impliquer avec le Parti libéral. Pendant 35 ans, il a été un organisateur du parti dans la région de Bellevue aidant à faire élire W.A. Boucher et Walter Tucker au Parlement canadien et Dave Boldt à l'Assemblée Législative de la Saskatchewan. Walter Tucker est devenu un allié important pour l'obtention des licences des postes CFRG et CFNS en 1952. Dave Boldt était ministre dans le cabinet de Ross Thatcher en 1968 quand la Loi scolaire a été amendée pour permettre l'enseignement de plus d'une heure de français par jour et la création des écoles désignées. L'éducation étant importante pour Pierre, comme elle l'avait été pour son père, il a été élu commissaire de l'école St-Gérard en 1950 et s'est alors impliqué avec l'Association des commissaires d'écoles franco-canadien (ACEFC). Il a aussi joué un rôle auprès de l'Association franco-catholique des instituteurs de la Saskatchewan (AFCIS). De 1960 à 1966, il a été membre de la Saskatchewan School Trustees Association (SSTA). Durant cette période, même si Pierre reconnaissait l'importance des écoles centralisées comme seul moyen d'établir un secondaire en milieu rural, il se préoccupait beaucoup de l'effet des grandes unités scolaires. Sa crainte était que les plus petites écoles centralisées, comme les écoles St-Isidore de Bellevue, Domrémy et Hoey seraient fermées et les élèves envoyés par autobus à de plus grandes écoles comme St-Louis ou Wakaw.
La coopération était un autre de ses champs d'action. Il a été membre du Saskatchewan Wheat Pool durant toute sa vie de fermier. Durant les années 1950, il a représenté Bellevue à une filiale du Wheat Pool, le Saskatchewan Cooperative Wheat Growers. Il a été un des membres fondateurs de la Caisse populaire de Bellevue en 1944 et a été membre du premier comité de surveillance avec Jean et Alfred Gaudet. Son implication à la Caisse l'a mené à devenir membre du Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Il était président du conseil numéro 4 du CCS en 1959 lorsque la première caisse scolaire a été ouverte à l'école de Bellevue.
Pierre Gareau avait longtemps été membre de l'Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC), mais c'est seulement quand il est devenu membre de l'association des commissaires d'écoles au début des années 1950 qu'il a été invité à jouer un plus grand rôle dans les luttes des francophones. On l'a d'abord impliqué dans la campagne de prélèvement de fonds pour CFNS en 1952. Il a été membre du comité de direction du poste pendant de nombreuses années jusqu'à sa mort en 1970. Il a aussi siégé au Conseil d'administration de l'ACFC et à la Fédération canadienne-française de l'Ouest. Enfin, Pierre Gareau a été membre de l'Ordre de Jacques Cartier, une société secrète canadienne-française qui a beaucoup contribué à la survivance française en Saskatchewan. Pierre et Marie Ange ont eu neuf enfants. Réginald est né le 30 mars 1943. Il a épousé Lorraine McDougall le 11 avril 1970. Ils ont eu trois enfants: Scott, Jason et Shelley. Lorraine est décédée en juin 2002. Liliane est née le 6 avril 1944. Elle est décédée à l'âge de 13 ans le 21 novembre 1957. Marie-Paule est née le 3 mai 1945. Elle a épousé Stuart King le 22 mai 1971. Ils ont deux enfants: Joanne et Andrew. Ils habitent à Hoey. Laura est née le 13 août 1946. Elle est décédée le 24 décembre 1952. Lorraine est née le 28 juillet 1947. Elle a épousé David Agnew le 24 novembre 1973. Ils ont eu deux enfants: Harold et Joy. David est décédé le 6 avril 1999. Lorraine habite à Davis. Laurier est né le 25 novembre 1949. Il a épousé Simone Verville le 21 juillet 1990. Ils ont deux enfants: Sébastien et Cassandra. Ils habitent à Regina. Adrienne est née le 8 janvier 1954. Elle a épousé Emil Sawchuk en juillet 1974. Ils ont trois enfants: Nicole, Vincent et Erika. Ils habitent à Saskatoon. Henri est né le 6 décembre 1954. Il a épousé Darlene Carrière le 19 juillet 1986. Ils ont quatre enfants: Mitch, Krystal, Derek et Cody. Ils habitent la ferme paternelle à Bellevue. Lionel est né le 17 août 1957. Célibataire, il habite à Saskatoon.
Pierre Gareau est décédé le 30 août 1970. En 1973, Marie-Ange a cédé la ferme à son aîné, Réginald, et elle a déménagé au village de Bellevue. Là, elle s'est impliquée dans les affaires de la paroisse. En 1975, elle épousait Adrien Hamel en seconde noces. Elle a continué à vivre à Bellevue jusqu'à sa mort le 22 octobre 1994. Notes (1) «Marie-Ange Hamel», Entrevue réalisée par Claudette Gendron.(Regina) Archives de la Saskatchewan, 1980. (2) Ibid. (3) Ibid. Des extraits de ces trois textes ont été publiés dans Souvenirs, 1902-2002, St-Isidore de Bellevue (Bellevue-2002). L'article au sujet de Pierre Gareau a été publié dans SOuvenances, le bulletin de l'Association des familles Gareau, (juillet 2002). |
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