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Les familles Jullion et Malhomme

Une lettre de M. l'abbé Jullion, à S.G. Mgr Pascal, nous annonce qu'il occupe le poste d'aumônier ambulancier sur les lignes de feu et qu'il est surchargé de travail. M. Jullion ne se montre point optimiste sur la fin prochaine de la guerre.

Le Patriote de l'Ouest
le 27 mai 1915
Au printemps 1905, un jeune prêtre français, Jean-Baptiste Ferdinand Jullion, arrive dans les Territoires du Nord-Ouest avec son frère Jean-Louis, les frères Malhomme (Jean et Emmanuel) et Jean-Marie Breuil. «Arrivé quelques mois après son ordination, en 1905, il fonda aussitôt la paroisse de Saint-Hippolyte, composée surtout de Canadiens français auxquels se joignirent quelques Français, et sut lui donner une vigoureuse impulsion.»(1)

Les cinq jeunes hommes sont tous originaires de la Haute Loire en France. Deux ans plus tard, un autre frère de l'abbé Jullion, Alphonse, vient les rejoindre à Saint-Hippolyte. «Alphonse Jullion est né à Sembadel Bourg dans la Haute Loire en France en 1882. Le 2 février 1907, il avait épousé Julie Malhomme de la Vernède, France et immédiatement après le couple quitte la France pour le Canada...»(2) Des liens de parenté entre les familles Jullion et Malhomme viennent donc s'ajouter aux liens d'amitié qui existent déjà.

Lorsque Alphonse arrive à Saint-Hippolyte en 1907, son frère Jean a déjà pris le carreau NE-10-47-22-W3 et Victor Malhomme le carreau SO de la même section. Jean Malhomme est installé sur le carreau SE. Alphonse prend donc le carreau NO. Il construit deux shacks en bois rond avant de faire bâtir une belle grande maison en planches en 1915.

La tragédie frappe la famille Jullion en 1912. Cet été-là, Jean-Louis se rend au champ chercher les vaches. Quand il ne revient pas, on envoie quelqu'un le chercher. On le trouve mort d'une crise cardiaque. Il n'a que 24 ans.

Deux ans plus tard, quand la guerre éclate en France, l'abbé Jullion et d'autres Français de Saint-Hippolyte s'inscrivent dans l'armée française. L'abbé Jullion est aumônier ambulancier sur les lignes de feu pendant les quatre années du conflit.

Qui était l'abbé Jean-Baptiste Ferdinand Jullion' Tout indique qu'il était un bâtisseur chevronné, un homme avec des idées fermes, une personne qui croyait sincèrement dans le vieux dicton: «Qui perd sa langue, perd sa foi!»

Lorsqu'il revient d'Europe, il trouve sa paroisse en pleine chicane. Avant son départ, il avait fait bâtir une grande église en pleine campagne. Depuis, la compagnie de chemin de fer avait décidé de bâtir une gare plus à l'est et le village de Vawn avait vu le jour. « Les paroissiens de Vawn parlaient maintenant de déménager l'église dans leur village. La paroisse de Jackfish commençait à hériter des paroissiens de Saint-Hippolyte qui se trouvaient plus proche de la nouvelle église de Jackfish. Pour compliquer l'affaire, Edam connaissait une croissance phénoménale et avait commencé la construction de sa propre église. »(3) L'abbé Jullion s'oppose farouchement au déménagement de son église à Vawn. Il fait appel à l'évêque, Mgr Joseph Prud'homme et l'église reste en pleine campagne. C'est seulement en 1958, trente ans après la mort du curé fondateur, que l'église de Saint-Hippolyte sera déménagée dans le village de Vawn.

L'abbé Jullion, comme bien d'autres Franco-Canadiens de l'époque, s'opposait à toutes mesures de prohibition proposées par le gouvernement de la Saskatchewan. À la veille d'un vote sur la prohibition en 1920, il y avait eu une grande assemblée à Saint-Hippolyte pour parler du vote. « M. le curé Jullion ajouta quelques remarques très appropriées sur les ravages de l'alcoolisme, qu'il faut enrayer en accoutumant le peuple à la tempérance plutôt qu'en prohibant l'importation des liqueurs, car cette prohibition occasionne une augmentation déplorable de la fabrication clandestine de l'alcool. »(4)

Le curé s'implique aussi dans le mouvement de l'ACFC. Il est un des premiers membres du Parler Français qui mène à la fondation de l'ACFC en 1912. Il est président du cercle local avant la guerre. «Il y avait eu à St-Hippolyte un cercle de l'A.C.F.C., mais il avait été déorganisé par la guerre. Le président, M. l'abbé Jullion, et le secrétaire, M. Louis de Montarnal, ainsi que plusieurs de ses membres étant au front.»(5) À son retour, l'abbé Jullion procède à la réorganisation du cercle local, mais cette fois, il cède la place de président à un jeune instituteur, Louis Charbonneau. Louis Charbonneau sera, en 1925, un de ceux qui pousseront l'ACFC à organiser des examens de français.

L'abbé Jullion demeure curé de Saint-Hippolyte jusqu'à sa mort en 1928.

Lorsque l'abbé Jean-Baptiste Ferdinand Jullion arrive à Saint-Hippolyte en 1905, il trouve quelques familles métisses et canadiennes-françaises déjà établies dans le district: Bélanger, Nadon, Fiddler, Nolin, Dussault et Couillard. Deux des compagnons de voyage de l'abbé Jullion, Jean et Victor-Emmanuel Malhomme épousent des filles de ces premiers colons.

En 1909, Jean Malhomme épouse Joséphine Bélanger. Sa famille avait quitté la région du Mans en France en 1894 pour venir s'établir dans l'Ouest canadien, premièrement à Battleford et ensuite dans le district de Saint-Hippolyte.

Emmanuel Malhomme vivra plusieurs aventures avant de marier Lucie Nadon en 1918. Vers 1914, il accompagne Thomas Nédellec jusqu'en Californie pour y passer l'hiver au soleil. Originaire de Maniwaki au Québec, la famille Nadon avait beaucoup voyagé avant d'arriver dans le Nord-Ouest. Quatre enfants, deux garçons et deux filles, forment la famille d'Emmanuel Malhomme.

Comme bien d'autres fermiers de l'époque, les frères Malhomme connaissent la prospérité des années 1920. La pluie vient au bon moment et les récoltes sont bonnes. Toutefois, Emmanuel Malhomme n'est pas prêt à abandonner ses chevaux pour les tracteurs à vapeur et à gaz qui commencent à faire leur apparition dans les prairies. C'est seulement en 1942, après la dépression des années 1930, qu'il achète son premier tracteur d'Henri Blaquière de Edam, un John Deere D.

En 1907, Jean et Emmanuel Malhomme accueillent à Saint-Hippolyte leur soeur, Julie, nouvellement arrivée de France avec son mari, Alphonse Jullion, le frère du curé. Sept mois seulement après leur mariage à Sembadel en haute Loire, Alphonse et Julie prennent un homestead près de Jean et Emmanuel Malhomme et de Jean-Louis Jullion, un autre frère d'Alphonse.

Alphonse et Julie Jullion sont parents de treize enfants: Marguerite-Marie Pelchat (1908), Marie Poulin (1910), Josephine-Berthe (1911), Jeanne Regnier (1912), Albertine Amélie Blanchette (1914), Charles (1915), François (1917), Suzanne Weber (1918), Alice (1919), Germaine Casavant (1922), Gabriel (1923), Georges (1925) et Paul-Émile (1929). Alice et Gabriel meurent jeunes.

Les enfants Jullion et Malhomme ont tous fréquenté l'école Saint-Cyril qui était sur le carreau de Jean Malhomme. La première école Saint-Cyril avait porté le nom d'école Nadon. Elle était construite sur le terrain de Jean-Marie Breuil, un autre Français venu avec l'abbé Jullion en 1905. Plus tard, une nouvelle école avait été construite en face sur le terrain de Jean Malhomme. Une des filles d'Alphonse Jullion, Marie, reviendra enseigner dans la petite école Saint-Cyril au début des années 1940 avant d'épouser Léon Poulin.

Plusieurs des filles Malhomme et Jullion poursuivent des études au Couvent des Soeurs de Sion à Saskatoon. Josephine-Berthe Jullion et Yvonne Malhomme, fille de Jean, sont devenues Soeurs de Sion.

Dans le cas de ces trois familles, un fils a poursuivi la tradition agricole de son père. Charles Jullion a fait des études classiques au Collège des Jésuites à Edmonton avant de revenir sur la ferme à Saint-Hippolyte. Albert Malhomme a remplacé son père, Jean, sur la ferme paternelle tandis que c'est Claude qui a hérité de la ferme d'Emmanuel Malhomme.

Voilà deux familles venues de France au début du siècle qui ont beaucoup contribué au développement de la Saskatchewan.

(1) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980, p. 126.
(2) Edam Historical Society, Their Hopes ' Our Heritage, Edam: Edam Historical Society, 1992, p. 881. (Traduction)
(3) Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 137. (Traduction)
(4) Le Patriote de l'Ouest, le 10 novembre 1920.
(5) Le Patriote de l'Ouest, le 13 octobre 1920.

Sources

Edam Historical Society, Their Hopes ' Our Heritage, Edam: Edam Historical Society, 1992.

Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980.

Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990.

Le Patriote de l'Ouest, le 10 novembre 1920 et le 13 octobre 1920.





 
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