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Les Canadiens Français doivent-ils aller dans l'Ouest?

Sous le titre «Le Devoir» du 9 avril a publié, en réponse à la question ainsi posée par un correspondant, une lettre à M. Henri Bourassa, dont nous reproduisons avec plaisir la partie principale:

«À maintes reprises, j'ai entendu soutenir, par des personnes également sérieuses et compétentes, les deux thèses opposées. Les uns combattent toute émigration canadienne-française dans l'Ouest; ils affirment que ce sont autant de forces perdues pour la race et pour la langue, que les Canadiens français, comme groupe, n'ont aucune chance de survie dans l'Ouest, qu'il est infiniment préférable de concentrer toutes nos forces dans la province de Québec et d'y faire de la colonisation et de la culture intensives. D'autres soutiennent le contraire: ils se disent certains de la conservation des Canadiens français de l'Ouest, de ceux surtout qui sont groupés en paroisses rurales, ils disent qu'il y a, dans la province de Québec, un certain nombre de Canadiens français qui ne s'établiront jamais dans les régions forestières et qui, s'ils ne sont pas dirigés vers les plaines de l'Ouest, prendront le chemin des États-Unis, comme tant d'autres l'ont fait; loin d'être un affaiblissement pour la race, le développement des groupes français dans l'Ontario et les provinces de l'Ouest constituent des avants-postes qu'il serait criminel et dangereux de ne pas fortifier.

«J'incline à partager la seconde opinion. Une expérience assez prolongée de ce qui se passe dans les régions de colonisation de notre province m'a convaincu de la vérité du point de départ de cette thèse: aucune classe de Canadiens français ne répugne davantage au défrichement des terres boisées que les habitants de nos vieilles paroisses rurales, éloignés des régions forestières. Ce que je connais de l'Ouest m'a également démontré que les Canadiens français groupés en paroisses se conservent parfaitement, mieux même que beaucoup des nôtres dans la province de Québec. Quant aux chances de succès, elles dépendent principalement du nombre des enfants et de l'esprit de famille. Un bon agriculteur, père de plusieurs fils assez intelligents pour savoir s'entraider, a toutes les chances du monde de réussir dans l'Ouest et d'assurer à ses enfants un fort bel avenir.

«Je ne saurais donc qu'encourager à se placer dans l'Ouest les familles qui se trouvent dans de telles conditions et qui répugnent absolument au défrichement des terres boisées de notre province. Naturellement, je ne saurais les pousser à émigrer là-bas sans les aviser d'aller d'abord visiter les lieux et sans s'être renseignées auprès des Canadiens français de l'Ouest qui s'intéressent particulièrement à la colonisation. Il existe, à Saint-Boniface et à Edmonton, des sociétés ou comités de colonisation qui peuvent fournir d'utiles renseignements.»

(Les Cloches de Saint-Boniface, vol. 17, #9, 1er mai 1918, p. 121.)





 
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