Revue historique: volume 4 numéro 2LE POT DE TERRE CONTRE LE POT DE FERPortrait de chez nous La lutte entre Notre-Dame dAuvergne et Gravelbourg Vol. 4 - no 2, janvier 1994 par Bernard Wilhelm
Létude de fonds darchives ecclésiastiques dans lOuest est généralement une recherche sans surprises dégageant partout le même genre doeuvres développées dans le même esprit dentreprise.
On y trouve un curé bâtisseur et missionnaire visionnaire avec le crucifix en bandoulière et la barbe chenue menant un groupe généralement peu fortuné de colons apeurés vers la terre promise. Un acte de homestead atteste ensuite quun terrain a été réservé dans la nouvelle colonie comme futur terrain paroissial. Une facture de quelques centaines de dollars de bois de construction et une facture de charrois attestent de la volonté des colons dy construire la première chapelle. Chose faite, la question dun prieuré, dun couvent, dun hôpital surgit dans la correspondance au moment où la ligne du Canadien Pacifique arrive à deux milles de la colonie, ce qui force le village à plier bagages et reconstruire plus beau quavant' de part et dautre de la ligne du chemin de fer. Plus tard, le déclenchement de la première guerre mondiale casse net les reins de la nouvelle paroisse, si celle-ci a été fondée par des colons français ou belges rappelés à servir dans la mère patrie. Si le village est canadien-français ou à peuplement mixte, il poursuit son développement ponctué par des campagnes électorales amplement relatées, des visites épiscopales mémorables et des incendies spectaculaires forçant à reconstruire église ou école jusquau moment où les prémisses de la crise des années 1930 commencent à se faire sentir. Tous ces éléments figurent dans lhistoire de la paroisse de Notre-Dame dAuvergne-Ponteix. Ce qui fait cependant le caractère spécial du fonds, cest la découverte tout dabord entre les lignes, puis carrément dans le texte même déléments dun drame que lon eût qualifié de cornélien à lépoque des collèges
classiques, et que lon appellerait aujourdhui, considérant lemplacement géographique, un western, consumant de passion plusieurs individus, réduisant chaque action banale en sombre machination, riches en coups bas, et opposant finalement deux communautés qui ne demandaient certainement rien dautre au début que de vivre en pleine harmonie, ou au minimum dans un splendide isolement. Ces deux soeurs ennemies furent, on ne saurait le cacher plus longtemps, Ponteix, anciennement Notre-Dame dAuvergne, et Gravelbourg, toutes deux situées dans le sud de la Saskatchewan. Ce western sans cowboys ni saloons comporte, comme lexige le genre, des bons et des méchants. Le but de notre lecture est de vous présenter le bon héros, les vilains, un archevêque crucifié et un confident en coulisse. Place au western ecclésiastique!
Un curé français et sa statue Dans le Premier Livre des Comptes de la Paroisse de N.D. dAuvergne, on lit en première page: «Lan de grâce 1907, et le 20 août, après différentes péripéties racontées au Registre historique, M. labbé A. Royer, à la tête dun groupe de Canadiens et de Français, par une messe solennelle avec musique et chants de circonstance, consacrait à la T.S. Vierge les plateaux alors déserts, qui devaient devenir lannée suivante la paroisse de Notre-Dame dAuvergne.» Labbé Royer, âgé alors de 50 ans, était né à Combronde, dans le département du Puy-de-Dôme, situé dans le Massif Central. Il avait suivi les cours du Petit Séminaire de Saint-Sauveur tenu par les R.P. du St-Esprit, puis ceux du séminaire de Clermont tenu par les Sulpiciens. Il avait été ensuite nommé curé de Ponteix en France jusquà son départ pour le Canada. Après avoir pensé partir en mission en Afrique, ce fut la prose de labbé recruteur Gaire qui le fit changer davis et choisir lOuest canadien. Le 20 mars 1906, il quitte son pays sur le bateau Philadelphie' pour New-York, puis arrive à lévêché de Saint-Boniface, où il est reçu par lévêque Langevin. Après un voyage dexploration, il fixe son choix sur des terres traversées par la rivière La Vieille, le fait approuver à Saint-Boniface, et retourne ensuite en France régler ses affaires. Lorsquil revient cinq mois plus tard, lAbbé Royer constate à Saint-Boniface quun changement sest produit en labsence de Mgr Langevin. Mgr Dugas le reçoit et «lui annonce quun autre prêtre qui soccupe de colonisation a fait un petit tour dans lOuest et quil a choisi à peu près la même place que la sienne. En plus, dit-il, il est très riche1 ; il va bâtir une église et un presbytère; il vous logera, vous paiera un traitement de vicaire et vous apprendra langlais; vous le remplacerez durant ses nombreux voyages.» Comme bien on peut le penser, cette proposition ne sied guère au bouillant abbé auvergnat. Non seulement est-il spolié des terres quil avait choisies par un nouvel arrivant, mais on lui conseille en plus daccomplir le travail de ce dernier pour un traitement misérable de vicaire. Cest pourtant bien ce quil fait, passant un premier hiver très difficile, se mettant, dit-il «de tout son coeur au service des braves gens de la place.» Au printemps de 1907, Mgr Langevin, qui semble bien aimer ce curé français nouvellement arrivé, lui annonce sa visite. Il le rencontre finalement à lhôpital de Moose Jaw, où labbé Royer, qui a reçu une mystérieuse balle dans le pied, se fait soigner. «Il faut avouer quun dédommagement lui fut offert par Mgr Langevin en lui disant - par écrit - quil pouvait rester là (à
Gravelbourg) y étant le premier installé, que M. labbé Gravel, avec lequel, je suppose, il sétait entendu, irait travailler quinze milles plus loin. Mais ce dernier avait fait quelque chose pour Gravelbourg. À Ottawa, il lavait fait baptiser et lui avait obtenu un bureau de poste. À Saint-Boniface, il avait fait dédier la paroisse à Ste-Philomène.» LAbbé Royer aurait pu éventuellement avaler la couleuvre et saccommoder dun Gravelbourg où un Abbé Gravel lavait pris de vitesse, obtenant en quelques mois par ses contacts à Ottawa un bureau de poste et à Saint-Boniface une Ste-Philomène, martyre romaine dont lexistence est si douteuse aujourdhui que la Congrégation des Rites en a suspendu le culte en 1961. Mais pour rester là, après avoir fait voeu en France de fonder une paroisse au Canada dédiée à la Ste Vierge, il navait dautre alternative que de demander la destitution de Ste-Philomène - ce qui nétait pas une petite affaire - ou de quitter Gravelbourg, malgré une pétition touchante de 80 signatures demandant à le garder.
Cest donc avec deux années de retard, et probablement la rage au coeur, quil entreprend le 20 août 1907 de bâtir sa paroisse sur les plateaux déserts au croisement de quatre routes, sur le nord de la rivière Notukeu. Deux ans plus tard, le 30 mai 1909, il y installe dans léglise construite sur la colline la statue de N.-D. dAuvergne, destinée à devenir à la fois et au risque de mélanger les métaphores la pierre dangle de la paroisse et sa protectrice. Cette statue, qui était en quelque sorte larme secrète de labbé Royer, a une histoire si extraordinaire quelle mérite un aparté de quelques instants. Piéta datant de la fin du XVe siècle, au dire des experts, ayant échappé aux iconoclastes de la Révolution française, elle avait été donnée à labbé Royer par lun de ses supérieurs, le chanoine Teytard. Cette statue fut soigneusement emballée et confiée à lun des futurs colons, M. H. Schoefer, de Clermont-Ferrand, qui devait lexpédier dans ses propres colis. M. Schoefer sembarqua au Havre sur un paquebot de la Cie Allan: «Les premiers jours de la traversée namenèrent aucun incident, mais bientôt (...) une tempête des plus violentes éclate sur locéan. Le vaisseau se soulève et senfonce, faisant entendre des craquements sinistres; les passagers sont glacés de frayeur. Une bande de protestants fanatiques, ayant appris que M. Schoefer amenait avec lui une statue de la T.S. Vierge, lentourèrent alors comme sil était la cause du danger, et, comme les Juifs du Golgotha, criant leur tolle sacrilège, se mirent à hurler plus furieusement que la tempête: A leau, à la mer, lhomme et sa statue! La scène devint si grave que le capitaine dut prendre des mesures pour sauvegarder le précieux colis confié à sa compagnie, cest pourquoi il dut faire monter en première notre futur colon, en chargeant deux matelots de veiller continuellement sur lui.» Comble de malheur, les bagages du colon de N.-D. dAuvergne sont déchargés à Québec et expédiés par le Canadien Pacifique, mais à larrivée, le colis contenant la statue est introuvable. Renseignements pris, il semblerait que le colis soit resté en cale, soit retourné en France, puis soit revenu au Canada ou il parvint finalement à destination. La question de savoir comment des protestants fanatiques avaient pu apprendre la présence dune statue emballée dans une caisse à fond de cale a été débattue plus tard à Saint-Boniface, lorsque les autorités ecclésiastiques ont introduit le procès de la statue miraculeuse. Il faut croire que les explications données furent plausibles, car le précieux trésor de Notre-Dame dAuvergne reçut bientôt 40 jours dindulgence pour quiconque linvoquerait.
La paroisse de Notre-Dame dAuvergne, son curé et sa statue semblent avoir prospéré de 1908 à 1913, mais les documents sur cette période sont rares. Le 31 juillet 1911, la paroisse apprend avec un sentiment de fierté, damour et de reconnaissance lélection de Mgr Mathieu comme évêque du diocèse, un sentiment qui ne sera pas partagé bien longtemps par labbé Royer, qui se plaint de la rapacité financière du nouvel évêque, ce qui loblige à établir en secret une double comptabilité paroissiale «si jentre à la Caisse ce (quun voisin) me donne, lÉvêché exigera 10%, ce qui ne serait pas juste. On ne peut coopérer à un vol même fait par un évêque!» et auquel il reproche aussi à haute voix ses mandements de carême et autres qui ne sont pas de son goût. En 1912, de congé en France, labbé Royer visite la Congrégation de N.-D. de Chambriac et la persuade de lui envoyer des religieuses pour soccuper de lhôpital et de lécole, laquelle ouvre ses portes en 1913. Cest lannée également du grand dérangement , lorsque le réseau de chemin de fer atteint la colonie. Le nouveau village sappellera dorénavant: Ponteix. En 1916, on construit une seconde église sur le nouvel emplacement ainsi quun couvent, payé entièrement par la congrégation française.
Un archevêque crucifié C'est au cours de la première guerre mondiale et des années qui suivirent que la bonne Ste Vierge semble avoir mis à lépreuve labbé Royer, lui envoyant entre autres les démons de lenvie et de la vanité. Le bon abbé Royer, dès les débuts de la colonisation, pensait parachever létablissement au Canada par louverture dun Collège dagriculture confié à une congrégation de bon renom. Son choix se porta naturellement sur les RR. PP. du St-Esprit qui lavaient élevé et dont il connaissait les oeuvres universelles. Il savait de plus que des fonds considérables leur avaient été remis pour un Institut agricole au Canada, institut quils avaient implanté près dOttawa, mais qui navait pas réussi, la région nétant pas propice à la culture en grand. Il sensuivit une correspondance abondante entre Ponteix et Mgr LeRoy, supérieur à Paris de la Congrégation du St-Esprit. Mgr Mathieu, mis au courant des démarches, ne dit ni oui ni non, ce qui autorisa le bon abbé Royer à persévérer dans son dessein. «Je réfléchissais que votre oeuvre de Notre-Dame dAuvergne» écrit Mgr LeRoy le 26 octobre 1916 «serait au fond une extension logique de celle de St-Alexandre (Ottawa). En dirigeant (les jeunes colons) vers votre centre de colonisation, nous réaliserons beaucoup mieux et beaucoup plus pratiquement lidéal primitif. Et alors, en acceptant N.-D. dAuvergne, nous ne sortons pas de notre but, nous y entrons.» Afin de mettre tous les atouts dans son jeu, notre prêtre missionnaire envoie également des offres aux Clercs de St-Viateur à Paris et aux Frères des Écoles chrétiennes. Les deux ordres répondent quils sont intéressés, mais que Mgr Mathieu à Regina leur demande à tous deux daccepter son offre bienveillante détablir un collège à Regina, et non à Ponteix, ce qui force les congrégations à renoncer au projet de N.-D. dAuvergne. Une année plus tard, les choses ne vont pas mieux. Dans une lettre de Mgr Le Roy datée du 12 juin 1917, nous lisons: «Mais que voulez-vous? - Notre
phère daction nest plus de ce côté-là (...) On vient de nous charger de prendre en service religieux des colonies françaises concordataires 800,000 catholiques auxquels il faut des missionnaires.» Dans une lettre ultérieure, Mgr Le Roy précise que 46 membres de la Congrégation sont tombés sur le champ de bataille, et que la mission de succéder aux missionnaires allemands au Togo et en Afrique du sud-ouest est lourde. Devant le veto de Mgr Mathieu, le bon abbé Royer et tous ses paroissiens ne savent plus que penser. On a cependant entendu quelques rumeurs venant de Gravelbourg, disant que cette localité pourrait bien commencer quelque chose avant Ponteix, en utilisant le soubassement de la première église construite sous la poussée des Gravel. Il est décidé de mettre Mgr Mathieu au pied du mur, loccasion étant les cérémonies de la bénédiction de la nouvelle église le 25 novembre 1917. Chose dite, chose faite. À la fin de la cérémonie, labbé Royer prend le taureau par les cornes, et interpelle Sa Grandeur. Le résultat nest pas exactement ce que Ponteix attendait: «Monseigneur semble pris au dépourvu, paraît embarrassé, sembrouille avec les dates et les communautés, tourne et retourne sa bague, et laisse échapper des paroles qui vous blessent et alors ce, le oui quon le suppliait de nous dire nest pas sorti.» De retour à Regina, il envoie une lettre le 2 décembre au curé de Ponteix, que curieusement, il écrit Ponteiz dans toute sa correspondance. Après les remerciements dusage et les protestations de profond attachement, il ajoute: «Une seule chose ma mis dans lembarras: cest la demande de la fondation dun collège à Ponteix. Depuis deux ans, je travaille à cette question dun collège dans larchidiocèse. À force de travail et de tact, jai fini par faire accepter lidée davoir deux collèges, lun où iraient nos français, et lautre où se réuniraient les anglais et ceux qui veulent le devenir. Comme Gravelbourg est maintenant le centre français le plus important, je croyais que tous seraient heureux de voir le siège du collège français et comme personne ne mavait manifesté le désir de le voir ailleurs, jai demandé au gouvernement de me donner lacte dincorporation(...) Il faudra trouver autre chose pour votre belle paroisse et travailler tous ensemble au succès de notre collège.»
Il nen faut pas plus pour faire monter la moutarde au nez du bon abbé Royer. Nous ne possédons pas de copie de sa lettre, mais les archives contiennent une réponse de deux pages de Mgr Mathieu. Dans cette missive, il mentionne le but à atteindre, lobligation de mettre de côté les querelles de clocher, et revient longuement sur la question des deux collèges, destinés à «éviter les misères, les difficultés, les scandales que causent les prétendus collèges bilingues!» Lintérêt de cette lettre réside dans le fait que le bon abbé Royer a écrit en marge ses impressions «Fausse preuve!(...) Très beau, on leur paie le soubassement (à Gravelbourg)! (...) Faux! Voilà comment on ferme la porte à Ponteix! etc....» Lorsque Mgr Mathieu ajoute: «Si vous vous mordez, si vous vous dévorez ainsi réciproquement, songez que vous allez vous détruire » (Galat, v, xv), le bon Abbé Royer réplique tout de go: «Sont plus coupables ceux qui donnent lieu aux divisions que ceux qui y combattent!» Bref, la guerre à couteaux tirés est déclarée entre lévêque et son curé français, le plus abattu des deux semblant être, du moins par le ton de la correspondance, Mgr Mathieu. Il écrit le 30 décembre 1917: «Je ne puis mempêcher de vous dire que vos dernières lettres mont abattu. Jétais trop fier de moi; Dieu a voulu mhumilier. (...) Mon seul désir sur terre est den sortir le plus tôt possible.» Dans une lettre de nouvelle année de Mgr Mathieu au curé de Ponteix datée du 5 janvier 1918, un archevêque de plus en plus crucifié écrit: «Je nai jamais plus désirer (sic) voir un autre prendre ma place et partir pour le grand voyage. Quand jaurai disparu (sic), les fidèles, même ceux de Ponteix, comprendront mieux ce que jai fait (pour) ce diocèse auquel je nai rien coûté et auquel je nai voulu que du bien.» Le lecteur pourrait être amené à sémouvoir sur le sort du premier archevêque de Regina, et blâmer des prêtres tels labbé Royer de lui faire la vie dure. Un dicton populaire qui dit cependant: long plaignant, long vivant' sapplique très bien à Mgr Mathieu, et ramène les choses dans une juste perspective. Larchevêque prêt à partir dès 1918 pour le grand voyage enterrera bel et bien le bon abbé Royer mort subitement le 22 septembre 1922, et vivra lui-même encore jusquen 1929. Le confident en coulisse Il nous reste encore à présenter le dernier personnage du western: le confident en coulisse. Ce dernier habite à Saint-Boniface, où il est prêtre au Juniorat de la Ste Famille. Cest labbé A.G. Morice qui semblerait avoir été dorigine française, et dont la vocation est dêtre historien et conférencier. On lui doit un Dictionnaire historique du Canada, une Vie de Mgr Langevin, et un ouvrage intitulé Aux sources de lhistoire manitobaine. Il aurait rencontré labbé Royer et découvert Ponteix lors de lune de ses tournées de conférences. Dès ce moment-là, il est voué corps et âme au développement de cette colonie, et informe fidèlement labbé Royer dans de longues lettres à lécriture élégante de toutes les allées et venues des Gravel et de séides de Mgr Mathieu à Saint-Boniface. Exemple: lettre du 10 février 1918: «Serait-il possible que Mgr ne voulût pas vous laisser avoir même cet Institut? Cest difficile à supposer, excepté en prêtant à S.G. une aversion pour les ordres religieux dont elle a donné dautres preuves. À mon humble avis, cest cela plutôt quune antipathie pour les prêtres français.» Exemple: lettre du 6 avril 1918: «Jai voulu parler de celui que vous naimez guère (Gravel Réd.) Nous avons eu sa visite il y a trois semaines. (...) Cest alors que pour la première fois, il perdit la tête, et fit à votre endroit des menaces quil est, je crois, capable de mettre à exécution...» Exemple: lettre du 30 juillet 1918: «Car il est bon de vous dire que lentreprenant M. Gravel nous est revenu, et même labbé Maillard était ici hier soir. Le premier ne repart que demain. Lui est venu dans lintérêt de son collège. Par tout ce quil ma dit, jai bien vu quelle était la source des renseignements de votre archevêque. Or donc, cher Monsieur, Mgr vous reproche inter alia, non seulement de monter votre monde contre Gravelbourg (procédé qui, assure-t-on, le scandalise), mais même contre lautorité religieuse elle-même.» Avec un recul de quatre-vingt-dix ans, nous examinons les péripéties de ce western ecclésiastique avec un sourire amusé, mais passablement désabusé. Il sen dégage quelques observations qui nous blessent le bât aujourdhui encore. La première est la révérence marquée par la hiérarchie ecclésiastique dalors envers largent. «Il est riche» dit-on à Saint-Boniface de labbé Gravel, et cela suffit à chasser de ses terres le premier occupant, labbé Royer. La seconde règle est quil est mauvais de sopposer à son supérieur, car on aboutit à la situation de la fable de La Fontaine du pot de terre contre le pot de fer, le pot de fer étant Mgr Mathieu. La «realpolitik» de larchidiocèse commandait quil ny ait quun seul collège français en Saskatchewan, et ce collège ne pouvait être placé nulle part ailleurs quà Gravelbourg. Que le pot de terre, cest-à-dire le bon abbé Royer, ait fait preuve de suffisamment dinitiative pour attirer successivement vers la nouvelle colonie trois congrégations religieuses, et ceci durant la période difficile de la première guerre mondiale, et quil ait bénéficié en plus dun service despionnage et de renseignements bien monté à Saint-Boniface ne changeait rien à lenjeu; les dés étaient pipés davance! La dernière règle est que les multiples luttes entre congrégations religieuses ou entre membres du clergé au cours du siècle passé pour des raisons de prestige ou dinfluence furent toutes stériles, et ont joué finalement au détriment du peuple de Dieu quelles étaient sensées servir. Un collège dagriculture développé par une puissante congrégation religieuse aurait pu se développer à Ponteix en même temps quun collège classique à Gravelbourg.
Liste des documents utilisés dans le fonds Liboiron R-1167 Correspondance de labbé Royer avec Mgr Mathieu, avec M. labbé A.G. Morice avec les supérieurs des RR. PP. du St-Esprit, les Clercs de St-Viateur, les Frères des Écoles chrétiennes. Les origines de la Paroisse Notre-Dame dAuvergne, daprès un journal du fondateur, labbé A. Royer, 6p. auteur et année inconnus. 25e anniversaire de la fondation de la paroisse de Notre-Dame dAuvergne, 16 p. auteur et année inconnus. Notice historique sur les origines de lantique statue de N.-D. dAuvergne, rédigée par le Rév. Curé A. Royer, et publiée dans Le Patriote, 7 p., 1922. «Ponteix, Saskatchewan», La Presse, Montréal, 5 p., 14.1.1921. Premier livre de comptes de la Paroisse.
Certains paroissiens de Notre-Dame d'Auvergne se mêlent à la chicane entre Mgr Mathieu et l'abbé Royer comme on peut le voir dans la lettre d'Adrien Liboiron du 19 janvier 1918. L'archevêque ne tarde pas à répondre. Sa lettre, datée du 22 janvier 1918 avait été coupée en deux par l'abbé Royer; il en avait gardé une partie et l'autre partie avait été remise à Adrien Liboiron. Les deux parties sont regroupés après la mort de l'abbé Royer le 22 septembre 1922.
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