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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 4 numéro 1

Le «gopher»

ou l'écureuil des champs
par Roland Piché
Vol. 4 - no 1, novembre 1993
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Un gopher avec du manger
Photo: Archives de la Saskatchewan
Un gopher avec du manger dans ses pattes.

Le gopher est un petit animal sympathique qui habite au sud des trois provinces des prairies. Il appartient à la famille de l’écureuil des champs, l’espèce Citellus Richardsoni plus précisément. L’origine du mot gopher est difficile à retracer, mais la croyance populaire veut qu’il dérive du mot gaufre lequel décrirait le dédale de couloirs et de chambres où vit et se réfugie l’écureuil des champs.

Plusieurs confondent ce mammifère avec le chien de prairie beaucoup plus gros et plus craintif mais qui se rapproche des gophers par ses terriers et ses poses à faire le beau. Alors que l’écureuil des champs est plus solitaire, le chien de prairie vit en communauté.

Le gopher est partout sur la plaine. Il annonce sa présence par des monticules de six à huit pouces de haut éparpillés ça et là dans les champs. On peut le voir sautiller dans un champ de blé, debout à l’écoute près de l’entrée de sa demeure ou en train de croquer un grain de céréale à quelques pieds de là. En fait, le blé constitue sa principale nourriture. Le gopher n’est ni carnivore, ni frugivore mais granivore. Sa bouche est constituée de poches larges et élastiques appelées bajoues qui servent à transporter des graines de céréales. On peut les voir à l’automne, pleines à éclater.

Le poil de ce petit mammifère est de couleur brune parfois tachetée de gris. Son corps est svelte, élancé, nerveux avec une petite queue fine; il est propre, leste, alerte, fringuant et éveillé. C’est un petit animal curieux mais craintif; ses mouvements sont vifs et brusques.

Son cri strident de deux syllabes, un peu pitoyable, lui sert à signaler la présence d’unlòbelette, d’un renard, d’un épervier ou de tout autre ennemi qui court sur terre ou vole dans les airs. Cet athlète des champs ne marche pas; il saute. En s’enfuyant, il dresse sa courte queue en l’air, court et descend rapidement dans son terrier.

Si notre ami est un pi1 excité, il donne des coups rapides avec sa queue sur la terre et un dernier coup léger, moqueur et provoquant avant de pénétrer dans son terrier. C’est peut-être ce qui le distingue le plus des autres gophers.

Ce petit rongeur fait son nid dans un terrier aux multiples vestibules et annonce l’entrée de son terrier par un petit monticule de terre souvent de couleur différente de la terre de surface. Sensible à l’importance des sorties de secours, notre petit architecte se ménage cinq ou six issues invariablement discrètes.

Ce petit animal est très industrieux; il se sert de ses petites pattes de devant comme de mains. La prudence lui conseille de cueillir des graines et de les placer dans son terrier pour l’hiver. La rosée est un breuvage pour lui. Puisqu’il vit dans un pays aride, l’eau est rare, et il lui arrive de parcourir de grandes distances pour s’abreuver à un étang artificiel.

Ce rongeur ne grimpe pas les arbres puisqu’il vit dans la plaine et on ne le
Un gopher sortant de son trou
Photo: Archives de la Saskatchewan
Un gopher sortant de son trou.

trouvera jamais près des habitations. Il aime jouer, s’exercer, courir avec ses frères et soeurs près de sa demeure. Au mois d’octobre, il s’engourdit pour une période de cinq ou six mois à six ou sept pieds sous terre.

Il est parent de six à huit petits nés au printemps de chaque année. La femelle fait son nid moëlleux et bien rembourré au plus profond du labyrinthe. C’est là que la famille y dort et hiberne. En fait, les gophers passent quatre-vingt-dix pour-cent de leur vie sous terre.

Le gopher doit garder un oeil vigilant de peur d’être la proie d’animaux tels les faucons, les éperviers, les hiboux, les belettes, les blaireaux, les renards et les coyotes. Il est fascinant d’observer un épervier chasser un gopher. Il plane à une centaine de pieds au-dessus de sa victime, forme des cercles de plus en plus petits, rase la terre à un ou deux pouces et saisit sa proie épeurée dans ses puissantes serres. Un coup de bec à la nuque, et c’est fini.

Les fermiers le considèrent un animal nuisible et n’hésitent pas à organiser des campagnes d’extermination de gophers. Le brin de scie empoisonné placé à l’entrée des terriers dans les champs, aux abords des terrains non-cultivés, le long des routes et ingurgité par les gophers a suffi à diminuer la population à un niveau inquiétant.
campagnes
De nombreuses campagnes comme celle-ci furent organisées au cours des ans par les gouvernements dans l'espoir de détruire les gophers.

Mais les artifices des jeunes enfants et des adolescents pour se débarrasser d’eux sont tout aussi efficaces et ingénieux.

Le jeune gamin fait couler plusieurs seaux d’eau dans le trou d’un terrier, place un morceau de ficelle terminé en noeud coulant à l’entrée du terrier et se place lui-même au-dessus pour saisir un de ces petits au passage et l’étrangler. D’autres gamins se servent de pièges installés à l’entrée du trou; le gopher, toujours curieux, s’avance un peu et se prend dans le piège.

L’adolescent, le fusil en bandoulière, s’approche d’un gopher, l’aperçoit enfin au loin, siffle pour attirer son attention, le met en cible et l’abat d’une balle; un autre gopher se tient innocemment debout sur ses pattes arrières grignotant une grain de céréale, une cible parfaite; l’instant suivant, il est foudroyé par une balle. Fier de son coup, l’adolescent coupe la queue du petit animal et continue à parcourir les champs et à tuer d’autres gophers. On encourageait cette chasse, il y a cinquante ans, en donnant un cent la queue à ceux qui les apportaient au centre municipal. Pas de remords! Plutôt le grand sourire aux lèvres et des félicitations!

Le gopher est intéressant et gracieux, mais il est malheureusement une peste audacieuse et dispendieuse. Il n’hésite pas à manger les oeufs des oiseaux quand l’occasion se présente; mais il est très sélectif en choisissant seulement les oeufs cassés. Les dommages causés aux récoltes des fermiers s’élèvent parfois à des sommes assez rondelettes.

À tous les six ou sept ans, on note un accroissement assez marqué de la population de cet écureuil des champs. La nature s’assure, si les humains n’interviennent pas d’une façon démesurée, de la permanence de ce petit animal sur la grande prairie.





 
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