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Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 9 numéro 4

Le Docteur Jules Hamelin

Cinquante ans de service comme médecin dans les prairies
Vol. 9 - no 4, avril 1999
Cinquante ans de service comme médecin dans les prairies
Le Docteur Jules Hamelin évoquait ses souvenirs d'un demi-siècle de travail parmi ses concitoyens dans un article du Star Phoenix, le 6 octobre 1954. Cet article a été traduit et reproduit dans l'Eau vive du 1er octobre 1980.

Tous les jeunes de St-Polycarpe se tournaient vers le jeune Jules Hamelin pour se faire raccommoder et envelopper leurs bobos pendant les jeux et mésaventures dans une ferme du vieux Québec. La maman Hamelin se réjouissait de voir son fils prendre si bien soin de ses compagnons: «Tu seras médecin, bien sûr», disait-elle.

Le Docteur Jules Hamelin se souvenait de ses jeunes années dans le Comté de Soulanges, même après avoir travaillé pendant 50 ans pour aider les gens de l'Ouest. Toute sa vie lui revenait à la mémoire en la racontant au journaliste du Star-Phoenix...

Le docteur Jules Hamelin
Photo: Archive de la Saskatchewan
Le docteur Jules Hamelin.

Né, voilà 72 ans, dans une ferme de 100 acres, à 40 milles au sud-ouest de Montréal, il était le fils d'Olivier Hamelin et d'Eléonore Martin. Il apprit très jeune la valeur du temps d'une mère de cinq garçons et trois tilles, une ancienne institutrice avant son mariage, qui n'a jamais été trop occupée pour ne pas pouvoir consacrer quelques instants chaque jour à l'instruction de ses jeunes enfants.

Quand, pour la première fois, il marcha avec ses soeurs et frères le mille et demi pour se rendre à l'école primaire, notre petit Jules de cinq ans savait déjà lire et écrire. À l'âge de onze ans, il entra au collège classique de Rigaud où, cinq jours plus tard, il apprit la triste nouvelle que sa mère venait de mourir accidentellement. Des trente garçons, qui s'étaient inscrits avec Jules cette année-là, quatre seulement reçurent leur diplôme (B. L.) sept ans plus tard: Jules Hamelin, le Dr. Brault de Montréal, Le Rév. G. Mailoux et M.A.J. Boyer, de Kipling en Saskatchewan. L'archevêque Monahan, jadis de Regina, était un confrère et ami de collège, bien que d'un an moins avancé.

La maison du docteur à North Battleford
Photo: Laurier Gareau
La maison du docteur à North Battleford. La maison a été déménagée sur le terrain du Western Development Museum dans cette ville à la fin des années 1970 et désignée site historique. Il s?agissait d?un projet des Chevaliers de Colomb francophones

Les études en médecine
Les collégiens devaient songer à leur avenir. Quand notre jeune Jules Hamelin dût décider du sien, ce fut vers la médecine que se fixa son choix, même si cela demandait une aide financière supplémentaire de sa famille, et de longues années de dur travail de sa part, même pendant les vacances. C'est à l'Université Laval de Montréal qu'il se dirigea surtout parce que c'était une Université catholique et que les études s'y faisaient en français. Le cours médical durait quatre ans, et était suivi de trois années d'internat, si le candidat était accepté. De plus, la Faculté exigeait un diplôme supplémentaire si les diplômés désiraient exercer leur profession dans tout le Canada. Ils étaient cependant admis à pratiquer dans les provinces de l'Est, ce que plusieurs faisaient.

Pendant ses études et son internat, le Docteur Hamelin rencontra plusieurs personnes de marque: Sir William Kingston, en tête de la chirurgie à l'Hôtel-Dieu de Montréal, le plus ancien hôpital du Canada; le Docteur James J. Guerin, un Irlandais parlant français, qui était responsable du personnel médical, et était également ministre sans portefeuille dans le cabinet Mercier; le Docteur A. Marien et le Docteur H. St-Jacques, tous deux chirurgiens renommés, qui faisaient aussi partie du personnel de l'Hôtel-Dieu. Toutes ces personnes lui furent des aides pendant ses années difficiles. Puis, il rencontra plusieurs des meilleurs médecins de Paris, Londres, New York et Chicago, qui visitèrent l'Hôtel-Dieu durant son séjour à cet hôpital.

Accepté à la fois par les hôpitaux Notre-Dame et Hôtel-Dieu, il choisit ce dernier, deux semaines après sa graduation. Il y passa trois années, et fut chef de l'internat durant les années 1907 et 1908.

Il s'établit en Saskatchewan
Le 18 mai 1908 vit notre Docteur Hamelin, B.M., M.D., C.M., se diriger vers Montmartre, près de Wolseley, en Saskatchewan. Pendant deux ans il y fut le seul médecin pour une population pauvre, composée de Canadiens, de Français, d'Écossais, d'Irlandais, de Belges et d'Allemands, disséminés de Regina à Brandon. Un «buggy» en été, un traîneau (cutter) en hiver, le conduisaient à ses malades. Combien de fois n'aurait-il pas péri dans une tempête de neige sans son fameux cheval, «Nigger» qui, aussi indomptable que son maître, savait braver toutes les bourrasques et retrouvait toujours son chemin.

North Battleford, avec une population de 5 000 habitants, reçu le Docteur Hamelin avec bras ouverts quand il vint, à Noël 1911, visiter des parents. Il y fut si bien accueilli, et l'endroit lui plut tellement, qu'il décida de s'installer.

La ville possédait l'électricité, l'eau courante, et jouissait d'une vague de prospérité, surtout sur la rue principale, où le docteur ouvrit son bureau, au deuxième étage de l'édifice du Bureau de Postes. Le seul autre médecin était le Dr J.H. Jackson. Tout ce qui manquait à la ville était un hôpital. Notre jeune docteur comprit vite ce qui était à faire pour en avoir un, et il se mit à l'oeuvre sans tarder. Avec l'autorisation du Père Paillé, alors curé de la seule paroisse de ce temps-là, il pria les Soeurs de la Providence de venir ouvrir un hôpital à North Battieford. Dix jours plus tard, son espoir se réalisait par l'arrivée de Soeur Héliodore, supérieure, et de deux autres religieuses. Elles installèrent temporairement 20 lits dans le presbytère inhabité, qui est maintenant une partie du couvent des Soeurs de l'Enfant-Jésus.

Le Maire J. Foley avait été approché, et bientôt un terrain fut mis de côté pour le futur hôpital. Tout le monde se réjouit de cette décision. En 1911, on creusa les fondations; la construction commença en 1912 et, en 1913, tout était terminé pour un hôpital de 70 lits.

Le Docteur Hamelin explique qu'il n'y eut aucune subvention de la ville de North Battleford, ni pour la construction ni pour l'équipement.

Au début, il y eut plusieurs lits vides, car de nombreux cas de maternité restaient à domicile. Mais avant longtemps, les gens comprirent l'importance des soins donnés à l'hôpital, et il fallut ajouter des lits dans les corridors. Pendant les 43 ans que le Docteur fut associé à l'hôpital, il en fut l'âme dirigeante du progrès. Bientôt, on vit l'institution passer des 20 lits du début à 170 lits, et bien équipée pour répondre aux besoins grandissant de la ville et des environs.

Le savoir-faire du Docteur Hamelin, son habileté à profiter du temps en firent un homme apte à rendre service en tout et partout. Il fut l'un des premiers marguilliers de la paroisse Notre-Dame de Lourdes. Il sut mettre son talent musical à contribution, et dirigea la chorale pendant de nombreuses années.

L'aventure militaire
Sa longue carrière militaire, dans laquelle il atteignit le grade de major et une décoration pour service distingué débuta il y a 52 ans comme brancardier avec carabine dans le 65e «Montréal Rifles» au cours d'une grève agitée des débardeurs qui dura quatre semaines. Treize ans plus tard, en 1915, il fut membre du «RCAMC» et fut envoyé en France où il travailla avec le 13e hôpital stationnaire. L'année suivante, il fut chirurgien à Gallipoli, puis à Vimy Ridge et à Thiepval Wood. De retour à North Battleford, et encore affilié au 29e Régiment d'Infanterie, le Docteur Hamelin devint président de la Légion Canadienne.

En toutes ses fonctions d'après-guerre, dans l'armée ou en civil, le Docteur Hamelin se donna de tout son coeur. Il aime se rappeler tous les amis qu'il se fit pendant les onze années consécutives où il fut échevin de la ville, de 1924 à 1934.

Comme médecin, il n'aime pas évoquer l'époque de l'influenza en 1918, surtout de septembre à décembre, alors que tous les médecins étaient debout jour et nuit pour soigner les malades. Il y eut, plusieurs mortalités, et on ne trouvait pas de remède vraiment efficace pour combattre le mal. Un hôpital provisoire, dans l'hôtel Beaver, aidait Notre-Dame à soigner les nombreux malades.

Les années de dépression furent également terribles. Peu de gens avaient de l'argent et la misère était grande. Seuls les fermiers, qui pouvaient vivre des produits de leurs fermes, étaient un peu favorisés. Pour les médecins, le travail demeurait le même, mais le salaire était bien maigre. Il est étonnant de constater comme nos gens étaient courageux et en santé malgré tout; ils ont très bien supporter la disette.

Les progrès en médecine et en chirurgie furent des sources de grande satisfaction pour le Docteur Hamelin. Avec les meilleurs moyens de transport, beaucoup plus de monde se rendait à l'hôpital pour y recevoir des soins médicaux; le médecin avait besoin de se rendre à domicile moins souvent pour soigner les malades.

Parmi les nombreux honneurs que reçut le Docteur Hamelin, il estime particulièrement celui qui lui a été remis en 1949, alors qu'il était président du Collège des Médecins de la Saskatchewan: il le reçut lors d'un banquet où se trouvaient des délégués de l'Angleterre, de l'Afrique du Sud, de la Rhodésie, des Indes, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Pakistan et de Ceylan. Il y avait également des délégués de tout le Canada, depuis Terre-Neuve jusqu'au Pacifique.

Le Docteur a vécu dans la même maison pendant 50 ans. Il jouissait de son parterre, surtout des grands ormes qu'il avait vu grossir. Il a toujours refusé les invitations qui lui furent faites de s'établir dans de plus grandes villes, où l'on désirait ses services. Ceux qui connaissent le Docteur Hamelin savent bien le pourquoi de ces refus. Ce n'est qu'un autre aspect de la loyauté qu'il a apportée à tout ce qu'il a fait durant ses cinquante ans de service dans la communauté.






 
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