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Des histoires

Le Courrier de l'Ouest

Un bout d'histoire....(43)

En Pâmoison devant Sarah Bernhardt
Le Courrier de l'Ouest (16 janvier) est tombé en pamoison devant l'actrice Sarah Bernhardt. Le respect des lecteurs, qui peuvent avoir un autre idéal que celui des vomitoires, l'obligeait à plus de décence. S'il a perdu la tête dans 'le frisson de beauté, comme il dit, qui fait la gorge muette' il eut fait aussi bien de rester chez lui..
Le Patriote de l'Ouest
le 23 janvier 1913

Le Patriote de l'Ouest et le Courrier de l'Ouest s'étaient donnés une mission semblable. Le but du Courrier de l'Ouest était «d'être 'le porte-parole des catholiques' et en politique, se ferait 'un devoir de soutenir le parti libéral et en particulier les idées de Sir Wilfrid Laurier'.»(1) Toutefois, les deux journaux ne partagaient pas toujours le même point de vue. C'est le cas avec l'histoire de Sarah Bernhardt. Nous en reparlerons plus loin.

Lorsqu'il est fondé en 1905, Le Courrier de l'Ouest est le sixième journal à naître dans l'Ouest canadien. Toutefois, «au moment où parut le premier numéro du Courrier, il était le seul journal de langue française dans tout l'Ouest canadien. Avant cette nouvelle aventure, quatre journaux français avaient fait faillite au Manitoba et un en Alberta: L'Ouest canadien (1898-1900) En Saskatchewan, personne ne se lancerait dans le journalisme avant la fondation du Patriote de l'Ouest en 1910.»(2) Entre 1909 et 1915, un autre journal de langue française sera publié en Alberta, soit Le Progrès. Ce journal est publié par Wilfrid Gariépy à Edmonton, Le Progrès (1909-1911), et ensuite à Morinville Le Progrès albertain (1912-1915).

Le Courrier de l'Ouest est une entreprise commerciale et regroupe, comme actionnaires, plusieurs des Franco-Albertains les plus influents du début du siècle comme le sénateur Philippe Roy (docteur), Prosper-Edmond Lessard (marchand), Théodore Revillon (marchand), Joseph-H. Picard (commerçant), J.-Eugène Laurencelle (hôtelier) et Louis-E. Fontaine (arpenteur). D'autres actionnaires sont Frank Oliver, le propriétaire du Edmonton Bulletin et Charles W. Cross, un avocat d'Edmonton. Même le consul belge à Edmonton, Maurice Kimpe, possède deux parts.

Comme Le Patriote de l'Ouest, le Courrier de l'Ouest présentait chaque semaine des nouvelles mondiales, des rubriques au sujet de la littérature et des plus récentes découvertes scientifiques, une page féminine et des nouvelles sur la politique locale et sur l'agriculture. De plus, on y retrouvait des nouvelles des centres français de l'Ouest. Alors que Le Patriote publie des nouvelles venant de Végreville et de Saint-Paul des Métis, Le Courrier de l'Ouest publie souvent des nouvelles venant de centres français de la Saskatchewan.

Un des rôles premiers du Courrier de l'Ouest est d'encourager la colonisation dans l'Ouest. Une priorité est alors donnée aux nouvelles des centres dans lesquels on accorde une importance à des sujets comme la célébration de la Saint-Jean-Baptiste, un bazar ou encore la construction d'un nouvel édifice dans le village. «Le Courrier publia en août 1907 un numéro spécial sur la colonisation qui fut distribué au Québec, aux États-Unis et en France.»(3) Le Patriote de l'Ouest reprendra cette formule en 1912 pour encourager la colonisation en Saskatchewan.

Éventuellement, la crise de la première guerre mondiale oblige les propriétaires à suspendre la publication du Courrier de l'Ouest en 1916. Les Franco-Albertains voient naître d'autres journaux comme L'Avenir de l'Ouest (1911), L'Étoile de Saint-Albert (1912-1914), Le Canadien-français (1915-1918) et L'Union (1917-1929) avant la création de La Survivance en 1925. Ce dernier journal est toujours en existence aujourd'hui, même s'il a changé de nom en 1967 pour devenir Le Franco-Albertain.

Mais revenons à l'histoire de Mme Bernhardt. Surnommée La Divine Sarah, la grande comédienne française est née à Paris le 22 octobre 1844, la fille illégitime d'une courtisane hollandaise. Elle passe une bonne partie de sa jeunesse dans un couvent et rêve devenir religieuse, mais un des amants de sa mère, le Duc de Morny, le demi-frère de Napoléon III, décide qu'elle devrait devenir comédienne. Grâce à son intervention, elle est inscrite au Conservatoire de Paris. Très tôt, la Divine Sarah s'illustre sur toutes les scènes d'Europe.

C'est le 13 janvier 1913 que le Théâtre Sarah Bernhardt se présente au théâtre Empire d'Edmonton. «Mme Bernhardt interprétait le rôle de Camille dans La Dame aux Camelias,mais le répertoire présenté le 13 janvier 1913 comprenait des actes de plusieurs pièces de théâtre. La Divine Sarah était accompagnée de 25 actrices et acteurs du Théâtre Sarah Bernhardt de Paris.»(4)

La simple réputation de la Divine Sarah nous permet facilement de comprendre pourquoi l'auteur du texte publié dans Le Courrier de l'Ouest était en pamoison (s'était évanoui) devant la grande actrice française. Par contre, comment peut-on expliquer la réaction du Patriote de l'Ouest? Eh bien, pour le clergé catholique de l'Ouest, tous ces gens qui gagnaient leur vie au théâtre menaient des vies de débauche et ne devaient jamais être reconnus comme des héros.

Le théâtre pouvait être encouragé s'il s'agissait d'une simple petite pièce produite dans le sous-sol de l'église avec des gens de la place, mais tous ces comédiens professionnels ne devaient pas être admirés. Et peu importe que Mme Bernhardt ait, durant sa tendre jeunesse, rêvé devenir religieuse!

(1) DeGrâce, Éloi, «Le Courrier de l'Ouest (1905-1916), Aspects du passé franco-albertain, Edmonton: Le Salon d'histoire de la francophonie albertaine, 1980. p. 104.
(2) Ibid. p. 102.
(3) Ibid. p. 105.
(4) Gareau, Laurier, L'histoire du Théâtre Français d'Edmonton, texte inédit. p. 1.

Sources:

DeGrâce, Éloi, «Le Courrier de l'Ouest (1905-1916), Aspects du passé franco-albertain, Edmonton: Le Salon d'histoire de la francophonie albertaine, 1980.

Gareau, Laurier, L'histoire du Théâtre Français d'Edmonton, texte inédit.





 
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